France

Conso : Et si, comme le Portugal, la France supprimait la TVA sur certains produits alimentaires ?

Vendredi, le gouvernement portugais a décidé de faire sauter la TVA pour les produits alimentaires essentiels.  « Nous souhaitons que cette mesure se traduise par une réduction » et « une stabilité des prix », a précisé le ministre des Finances, Fernando Medina, en évoquant des négociations en cours avec les secteurs de la production et de la distribution alimentaires. Une décision prise pour soutenir les ménages contre l’inflation, à 8,2 % en février sur un an, après un pic à 10,1 % en octobre.

L’Espagne avait déjà adopté une telle mesure en janvier. Les aliments de base qui étaient taxés à 4 % – comme le pain, le lait, le fromage, les œufs, les fruits, les légumes, les céréales – sont désormais exonérés de TVA, et les denrées habituellement taxées à 10 % ont été ramenées à 5 %. Peut-on alors envisager la même chose en France ?

La TVA, la bonne taxe à baisser ?

Pour Dominique Plihon, économiste et spécialiste en politique fiscale, « rien n’empêcherait de le faire. La période actuelle, avec une grave crise du pouvoir d’achat, y est même tout à fait favorable. » En France, l’inflation était à 4,5 % en mars sur un an. En isolant uniquement les produits alimentaires, la hausse des prix est en réalité de 14,5 % sur un an. Le pays applique néanmoins déjà une TVA réduite pour la plupart des denrées alimentaires – elle n’est « que » de 5,5 %, contre 20 % pour la TVA « normale ».

« Le gouvernement dit vouloir faire baisser les impôts, ce serait une bonne stratégie en ce sens, avec une baisse d’une taxe très importante », poursuit l’économiste. Mais ce choix de la TVA fait débat, car ceux logiques s’opposent sur le sujet. Selon Dominique Plihon, c’est une taxe inégalitaire, la baisser serait donc pertinent : « La TVA étant la même pour tous, elle touche davantage les bas revenus, dont un pourcentage plus important du salaire est dédié à la payer. » Mais pour Stéphanie Villers, macro-économiste et conseillère à PwC France, c’est le contraire : « Si on veut vraiment en finir avec le  »Quoi qu’il en coûte » comme l’annonce le gouvernement, il faut cesser les mesures universelles et cibler les populations les plus précaires. Supprimer la TVA pour tous quand des ménages ont de quoi la payer, ce n’est pas pertinent. »

Manque de contrôle

L’économiste Marc Touati voit un autre désavantage à mettre une TVA à 0 % sur les produits alimentaires de première nécessité : le manque de contrôle sur les prix. Dit autrement : si la TVA disparaît, comment s’assurer que la grande distribution va bien répercuter cette baisse du prix sur le tarif en magasin ? Un scepticisme que partage Paulo Raimundo, secrétaire général du Parti communiste portugais, pour son propre pays. Car s’il voit dans la baisse de la TVA alimentaire une mesure « apparemment positive », le responsable politique estime aussi que la réduction de la taxe sur les produits pétroliers, toujours au Portugal, « ne s’est pas traduite dans ce que chacun a payé ». Et qu’en Espagne, la baisse de la TVA « ne s’est pas non plus traduite par une réduction des prix des produits de première nécessité ».

Un raté que ne nie pas Dominique Plihon. Il prend un autre exemple, cette fois français. En 2009, la TVA sur la restauration avait été baissée de 19,6 % à 5,5 % avec, en contrepartie, le « contrat d’avenir ». Ce dernier exigeait que les gains générés par de cette ristourne soient répartis « équitablement » entre baisse des prix, hausse des salaires, créations d’emplois et augmentation des marges pour les entreprises concernées. Une étude de 2018 de l’Institut des politiques publiques a pourtant montré que les promesses du contrat d’avenir n’ont pas été tenues. Les gains économisés ont été captés par les patrons de restaurants à 55,7 % (bien plus que les 33 % prévus). Les bénéfices ont augmentés de 24 %, mais le prix des assiettes n’a baissé que de 1,9 %. 

L’échec du panier anti-inflation

Dominique Plihon rappelle : « Si une telle loi (sur la TVA) passe en France pour les denrées alimentaires, il faudra s’assurer d’un grand contrôle sur l’usage des gains par la grande distribution. Or, le gouvernement actuel n’a pas l’air dans cette optique ». Une référence directe au triste sort réservé au panier anti-inflation, volonté de l’exécutif d’imposer des prix réduits sur certains produits à toutes les enseignes. Après des négociations non concluantes avec la grande distribution, ce panier a été abandonné, chaque enseigne choisissant de faire baisser le prix des produits qu’elle souhaite ou non.

« Baisser la TVA des produits alimentaires est une bonne idée sur le papier, admet Marc Touati. Mais une baisse d’impôt directe, comme la contribution sociale généralisée (CSG), aurait l’avantage d’aider directement le porte-monnaie des Français, sans devoir surveiller ce que font les grandes enseignes. »

Même volonté de solution alternative chez Stéphanie Villers. « Supprimer une TVA à 5,5 % quand l’inflation alimentaire est de 14,5 % semble de toute manière peu efficace. Pour aider les ménages les plus faibles, il faut les cibler pour augmenter l’aide qu’on peut leur apporter. Le chèque alimentaire, ou des aides spécifiques pour eux, semble un moyen moins généraliste et plus efficient. »