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Comment (sur) vivra-t-on dans un monde avec +2 °C ? Le futur d’« Extrapolations » fait froid dans le dos

« Les humains sont nuls [« suck », en version originale] ». La phrase prononcée par Alana Goldblatt (Neska Rose) dans l’épisode 3 résume bien les émotions du téléspectateur devant Extrapolations, la série catastrophe signée Scott Z. Burns (Contagion, Une vérité qui dérange, The Report) et diffusée depuis le 17 mars sur Apple TV. Dans cette fiction, l’humanité est divisée en deux catégories : les gentils qui se battent pour tenter de sauver le monde et les richissimes technophiles qui détruisent éhontément la planète pour se remplir les poches. Ça manque un peu de nuance, mais ça pose le décor.

Ultra-documentée, la série chorale au casting quatre étoiles explore les effets de la crise climatique sur plus de trente ans (entre 2037 et 2060). Le premier épisode s’ouvre sur la COP42 à Tel-Aviv en Israël, la température de la planète a déjà dépassé la limite des 1,5 °C de l’accord de Paris et les nations unies abandonnent les efforts pour rester en dessous du seuil des 2 °C en échange du brevet d’une technologie qui permettrait de résoudre le problème de l’accès à l’eau potable. Crever de chaud ou mourir de soif, un choix cornélien que les nations unies font à contrecœur. On n’est plus à quelques degrés près et, de toute façon, la Terre brûle déjà.

Plus la température monte, plus le niveau de souffrance augmente

Comme l’expliquait le journaliste américain David Wallace-Wells dans son livre La Terre inhabitable en 2019, plus la température monte, plus le niveau de souffrance augmente. Et pas seulement pour les humains. Des mégafeux embrasent les forêts, la calotte glaciaire a entièrement fondu, les espèces s’éteignent les unes après les autres… Les enfants naissent avec des insuffisances cardiaques, les villes américaines sont englouties sous les eaux ou rasées par des typhons, les pénuries alimentaires se généralisent, les piqûres de moustiques tuent, les baleines se perdent dans les fonds marins. Une chose est sûre, les personnages souffrent dans Extrapolations. Et le public aussi, paniqué par ce portrait anxiogène du monde de demain.

A mi-chemin entre un Years and Years de Russell T. Davies et Don’t look up d’Adam McKay, une seule question parcourt les épisodes : pourquoi diable l’humanité ne réagit-elle pas pour éviter le pire ? Pourquoi continue-t-elle de souffler sur sa maison en feu ? Dans la veine de la série Canal+ L’Effondrement, inspirée des théories collapso [la collapsologie est l’étude systémique des effondrements de la société], Extrapolations dévoile le vrai visage d’une humanité au bord du précipice. Et ce n’est pas très beau à voir…

Des technoprophètes plus cyniques que jamais

On pourrait imaginer que la sobriété serait le maître mot d’une civilisation en déperdition. Au contraire. La technologie continue de gagner du terrain. Une partie de la population mondiale meurt de faim tandis que l’autre moitié communique grâce à des hologrammes, flâne dans le métavers sous l’apparence d’un avatar, vole dans des avions sans pilote. Scott Z. Burns explore les contradictions de l’humanité, plus intéressée par l’argent que par sa propre survie avec des personnages plus cyniques que jamais.

Des technoprophètes ambiance Elon Musk et Jeff Bezos sous les traits de Kit Harington (Game of Thrones) ou Matthew Rhys (The Americans) se gavent sur la misère du monde, aveuglés par l’appât du gain. Mais, à trop vouloir se présenter comme une série lanceuse d’alerte, Extrapolations s’essouffle vite. Plus proche d’un documentaire d’anticipation que d’une fiction de divertissement, elle est comme écrasée par le poids de son sujet. On peine à s’intéresser aux intrigues et aux personnages, souvent trop binaires ou trop fades. Les têtes d’affiche (Meryl Streep, Tahar Rahim, Edward Norton…), dont le talent est malheureusement sous exploité, se multiplient dans l’indifférence. La série met toutefois un coup de projecteur sur les effondrements attendus dans les années à venir. Et c’est terrifiant.