France

« Cent jours » : Entre « léthargie » et casserolades, la Macronie plonge dans le doute

Elisabeth Borne à la relance. La Première ministre a présenté mercredi son plan de bataille pour les « cent jours d’apaisement » et « d’actions » décrétés par Emmanuel Macron quelques jours plus tôt. Engluée dans la crise sociale et affaiblie par la crise politique, la cheffe du gouvernement a détaillé, lors d’une conférence de presse, des « solutions concrètes (et) des actions qui changent la vie » des Français. Suffisant pour tourner la page des retraites et sauver ce début de quinquennat chaotique ? Dans la majorité, l’ambiance oscille entre la morosité… et un étrange détachement.

« On a besoin de se ressourcer »

Après la présentation d’Elisabeth Borne mercredi, il fallait bien chercher pour trouver des témoignages de soutien de la part des élus de la majorité. Ni Aurore Bergé (Renaissance), ni Jean-Paul Mattei (MoDem), ni Laurent Marcangeli (Horizons), présidents de groupe du camp présidentiel, n’ont pris le temps de tweeter pour faire le service après-vente de leur cheffe de file. Un silence qui illustre le malaise ambiant chez les macronistes.

« On est dans une période de coupure parlementaire, certains ont pris des congés ou sont en circonscription sur des sujets plus locaux. Il ne faut pas l’interpréter comme un manque d’entrain », tente de nuancer Erwan Balanant, député MoDem du Finistère, l’un des rares élus de la majorité à nous répondre. « Après une séquence délicate, on a besoin de se ressourcer, on verra après la rentrée de mardi prochain…. », souffle-t-il. Certes, les derniers jours n’ont pas été de tout repos pour la Macronie. Après l’adoption « en force » de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, la colère sociale n’est pas retombée. Ni dans l’opinion, ni dans la rue.

Casserolades et moral en berne

Ces derniers jours, le moindre déplacement d’Elisabeth Borne ou de ses ministres s’est accompagné d’un concert de sifflets et de casseroles pour les chahuter. « Je continuerai à me déplacer, même si la période appelle un accueil en musique », disait mercredi à 20 Minutes Sarah El Haïry, secrétaire d’Etat en charge de la Jeunesse, lors d’un déplacement mouvementé à Versailles. « Le président de la République nous invite à être au contact des Français », justifiait-elle, alors qu’Emmanuel Macron lui-même multiplie les visites sur le terrain ces derniers jours. « Ce contexte, cette impopularité du président, de l’exécutif, c’est fatigant, ça peut être plombant. Ce n’est pas simple, mais ça n’empêche pas de travailler. On n’a pas été élu pour se lamenter », reprend Erwan Balanant.

Aller au contact, dans ce contexte explosif, peut donc plomber le moral des macronistes. Le député Renaissance des Bouches-du-Rhône Jean-Marc Zulesi a annoncé, dans un communiqué diffusé lundi, son intention de porter plainte contre des manifestants, se disant victime de « harcèlement ». « Il y a de la haine, l’ambiance s’est durcie », reconnaît François Patriat, le patron des sénateurs Renaissance, qui préfère relativiser. « Ce qui m’ennuie, c’est la France silencieuse qui ne s’exprime pas. Il y a une loupe grossissante médiatique : avec vingt poubelles renversées, on a l’impression que Paris brûle ».

Avant l’importante journée de mobilisation de lundi, le 1er-Mai, ces quelques jours de repos ne sont donc pas de trop. « On a encaissé pas mal de coups depuis les législatives… Il y a une espèce de léthargie globale de la Macronie », reconnaît une source au sein de Renaissance. Qui n’a d’ailleurs pas « eu le temps » de regarder l’allocution d’Elisabeth Borne.

Elisabeth Borne en sursis

Ce manque de soutien à l’égard de la Première ministre découle de sa fragilité politique. Lors de son adresse aux Français, le 17 avril, Emmanuel Macron n’a pas cité nommément Élisabeth Borne. En interne, elle a perdu beaucoup de crédit sur la séquence retraites, avec l’utilisation in extremis de l’article 49.3, qu’elle voulait éviter à tout prix. Toujours sans majorité absolue à l’Assemblée nationale, la cheffe du gouvernement a d’ailleurs été contrainte de reporter à l’automne la très attendue réforme sur l’immigration, préférant évoquer les divisions de la droite plutôt que le risque d’éclatement de son propre camp sur ce sujet glissant.

Les annonces de mercredi ne semblent pas avoir été suffisantes pour redorer son blason dans le camp présidentiel. « Ce n’est pas une question de personne, notre sujet est d’abord de définir un projet global pour entraîner le pays… et ce n’est pas vraiment le chemin qui a été choisi mercredi. On a plutôt eu droit à un agenda législatif, auquel on n’a d’ailleurs pas du tout été associé… », soupire un député de la majorité. Un participant aux petits-déjeuners de la majorité, organisé chaque mardi matin pour fixer le cap, se désole. « Avec Edouard Philippe ou Jean Castex, on parlait politique. Maintenant, chacun vient parler de ses petits problèmes comme au café du commerce. Tout le monde pense qu’Elisabeth Borne est cuite. Aujourd’hui, Matignon est très faible, il n’y a pas de charpente, pas de projet ».

Les « cent jours » paraissent aujourd’hui un peu courts pour permettre à Elisabeth Borne de relever le moral des troupes  « Peut-être que l’erreur a été de ne pas être assez présent pour donner une constance et porter cette réforme moi-même », disait Emmanuel Macron au Parisien dimanche dernier. De quoi saper, un peu plus, l’autorité de sa Première ministre.