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CanneSeries 2023 : « Power Play », sacrée meilleure série pour un palmarès éminemment politique

La saison 6 du Festival International des Séries de Cannes a refermé ses portes ce mercredi. Le jury des formats longs, présidé par Lior Raz, le créateur de Fauda, celui des séries courtes, coprésidé par les artistes espagnols Javier Calvo Guirao et Javier Ambrossi, et enfin celui des séries documentaires, présidé par Asif Kapadia, le réalisateur d’Amy, ont rendu leur verdict. Le bilan de cette saison 6 et le palmarès commenté par le directeur artistique du festival azuréen, Albin Lewi.

« On a continuellement progressé, mais j’ai rarement eu l’impression d’avoir d’autant progressé qu’avec cette saison 6. Si on m’avait dit il y a un an que j’aurais toutes les plateformes présentes, une série américaine en compétition, la série la plus attendue de Netflix, qu’on lancerait la section documentaire et que ce serait un succès en termes qualitatif, qu’on aurait deux personnes oscarisées en compétition, et cerise sur le gâteau : des stars comme Sarah Michelle Gellar, j’aurais tout de suite signé ! », se félicite Albin Lewi. Et de se réjouir encore : « Les salles étaient remplies et la fréquentation a augmenté alors que l’on est en période de vacances scolaires et qu’il fait beau. »

Une satire politique norvégienne

Du côté des séries longues, la série Power Play remporte deux prix, celui de la meilleure série et celui de la meilleure musique. Deux récompenses amplement méritées pour ce Veep à la sauce scandinave : « Les Norvégiens nous surprennent une fois encore. Cette série parle de leur histoire et réussi pourtant à nous intéresser. Cela retrace le parcours incroyable de Gro Harlem Brundtland, leur première Première ministre, cela parle d’incompétence masculine et des travers encore d’actualité aujourd’hui. Et tout ça, avec un ton ultra-décalé », commente Albin Lewi.

Le prix du meilleur scénario revient à la stupéfiante série coréenne Bargain, qui traite du trafic d’organe humain. « Une métaphore des excès du capitalisme », résume pour 20 Minutes le réalisateur Woo-Sung Jeon.

L’interprétation israélienne à l’honneur

Deux séries israéliennes figurent également au palmarès. L’actrice Dar Zuzovsky reçoit le prix de la meilleure performance pour son rôle dans Corduroy : « C’est une comédienne dont on parle beaucoup en Israël. Elle joue le personnage principal dans cette série très joliment filmée de femmes créée par la cinéaste Hadas Ben Aroya. Corduroy est une série crue et générationnelle. Dar Zuzovsky s’est lancée corps et âme dans ce projet et elle crève l’écran. Elle est mannequin et comédienne et a un jeu tellement naturel. Ce qui est fou, c’est qu’elle ressemble à Hadas, elle est en quelque sorte son alter ego à l’écran », salue le directeur artistique.

Le prix spécial d’interprétation revient à « la troupe » de Carthago : « On a créé ce prix parce que les séries sont souvent chorales. Sans le succès de Nehama à CanneSeries, le créateur, scénariste et comédien Reshef Lev n’aurait pas pu faire ce projet fou qu’est Carthago », commente Albin Lewy.

L’extrémisme dénoncé dans les séries

Carthago raconte l’histoire vraie d’un camp de prisonniers au fin fond de l’Afrique, où sont emprisonnés des fascistes italiens, des espions nazis, ou encore des terroristes juifs après la Seconde Guerre mondiale. Résultat ? Une satire politique féroce qui dénonce l’extrémisme.

Du côté de la compétition séries courtes, le jury coprésidé par Javier Calvo Guiroa et Javier Ambrassi a sacré The Left Handed Son, une série qui suit Lola, mère sévillane de classe aisée qui voit son fils cadet sombrer au sein d’un groupe radical. À nouveau une fiction qui alerte sur les dangers de l’extrémisme. « C’est la série la plus aboutie en matière de budget et de production dans la catégorie, c’est un drame magnifique de très haut niveau », commente Albin Lewy.

Le combat des caricaturistes récompensé

« La série documentaire, c’est la grande nouveauté de cette année. On est fiers d’avoir pu montrer la richesse et la diversité des séries documentaires », rappelle le directeur artistique. Dans la nouvelle section dédiée au documentaire, le jury présidé par Asif Kapadia a sacré la série belge Draw for Change !, « une série d’anthologies qui dresse le portrait de 6 illustratrices dans des zones particulières comme le Mexique, les États-Unis, la Russie, l’Inde, la Syrie ou bien l’Égypte », résume Albin Lewy. Cette série documentaire relate leurs combats, malgré les défis que représentent la censure et la peine de mort, pour changer leur société.

Un palmarès éminemment politique ?  « Je ne l’aurai pas forcément formulé comme cela. Dans ces séries, la politique n’est pas abordée de manière frontale. Mais le monde d’aujourd’hui ne va pas forcément très bien et ces artistes partagent leur vision du monde et c’est vraiment impactant. Ce qu’on espère, c’est que ces séries fassent réfléchir, mais qu’elles soient aussi divertissantes, émouvantes, et que le message politique et sociétal soit sous-jacent. Mais tout est devenu politique aujourd’hui », conclut Albin Lewy.