France

Animaux : Et si les poils de nos chiens et chats méritaient une seconde vie ?

« Chaque semaine, j’en récolte facilement cinq kilos », lance Vanessa, toiletteuse canine francilienne qui se déplace à domicile. Des kilos de poils bien entendu, de toutous en tout genre et de toute taille qui passent entre ses mains. Un coup de balai et ils atterrissent (on parle des poils hein) dans la poubelle avec les autres ordures ménagères. En clair, si on déroule le fil jusqu’au bout, « ils finissent soit enfouis, soit incinéré », déplore Olivia Cayre.

Voilà pour le schéma classique, celui que suivent l’immense majorité des 6.000 salons de toilettage et 5.000 cliniques vétérinaires. Il n’y a aucune étude officielle, mais la Val-de-Marnaise évalue facilement à 6.500 tonnes la quantité de poils ainsi jetés aux ordures chaque année.

Thomas Alexandre et Olivia Cayre, fondateurs de Brosseur.
Thomas Alexandre et Olivia Cayre, fondateurs de Brosseur. – @Olivia Cayre / Brosseur

Lancement d’une campagne de financement participatif

Il y aurait bien mieux à faire. Olivia Cayre en est persuadée et travaille depuis 2018, avec son associé Thomas Alexandre, a leur trouver une autre porte de sortie. Bref, à créer la première filière de recyclage et valorisation des poils d’animaux de compagnie. Le projet s’appelle « Brosseur » et prend petit à petit forme dans leur atelier à Saint-Maur-des-Fossés. Le lancement, cette semaine, d’une campagne de financement participatif, sur la plateforme Ulule doit permettre le passage d’une étape supplémentaire encore dans la recherche et le développement de nouveaux débouchés.

Reste qu’Olivia et Thomas ont déjà commencé à collecter leurs premiers poils. Ceux de Boul de Pwal, l’autoentreprise de Vanessa, « et d’une petite dizaine de salons de toilettage dans le sud-est de Paris », détaille Olivia Cayre. Mine de rien, Brosseur en est déjà à près d’une tonne collectée, dont une partie a commencé à être traitée.

Un caisson d’ozone pour les nettoyer

Bref, là encore, il y a de quoi faire. « Et 100 tonnes, ça reste qu’une toute petite partie des 4.000 qu’on ramasse chaque année dans les salons de France », précise Thierry Gras, qu’on appelle de moins en moins le fada.on projet vain.tielle, comme ceux qu’on accroche aux rétroviseurs des voitures. « Mais celui-là est issu de matériel recyclé ou biosourcé donc et se rechargeant à l’infini », van fédère 5.600 coiffeurs et récupère une centaine de tonnes de cheveux par an. « La fibre capillaire a une propriété lipophile lui permettant de fixer les huiles solaires et les hydrocarbures, raconte-t-il. Alors de ces cheveux, on en fait principalement des boudins de dépollutions à installer dans les ports ou les cales de bateaux et on travaille à des déclinaisons pour les cours d’eau. ».nt la kératine ainsi obtenue et améliorer encore le processus. » Cette campagne Ulule est lancée aussi dans cette optique.

« On a découvert que certains apiculteurs utilisaient l’ozone pour désinfecter, assainir et purifier leurs ruches touchées par la teigne, avec le gros avantage que ça ne consomme pas d’eau », poursuit-elle. Olivia et Thomas s’en inspirent et construisent alors leur propre caisson d’ozone. Installé dans la cour, chaque sac de poils récolté y passe.

Isolant, semelles de chaussure, rembourrage pour doudoune…

Ensuite ?  « En les brossant dans le même sens puis en les enchevêtrant les uns aux autres avec des petites aiguilles, on en fait du feutre raconte Olivia Cayre, qui travaille, sur cette partie, avec le Centre d’essai du textile lorrain (Cetelor), porté par l’Université de Lorraine. En les mélangeant avec du lin, du chanvre, du coton recyclé voire du plastique recyclé, on a en créé ainsi de plusieurs types – une douzaine à ce jour- qui varient par leur densité et leur épaisseur. »

Derrière, les débouchés sont multiples. « Ce feutre peut servir d’isolant dans le BTP, à rembourrer de doudounes, confectionner des semelles de chaussures, des pièces d’insonorisation pour l’automobile ou l’aéronautique, des jouets… », liste Olivia Cayre. Des prototypes ont déjà été réalisés, il reste à caractériser précisément les propriétés de ces feutres, puis obtenir les certifications, étape préalable à toute commercialisation. Voilà à quoi doit servir, principalement, cette campagne de crowdfunding.

Et puis, les poils des chiens et chats, ça se file aussi. C’est une deuxième valorisation sur laquelle planche Brosseur en travaillant, cette fois-ci, avec l’artiste Juliette Blet, de Croche Poil. « A partir de nos poils, elle est parvenue à faire un fil dont on peut faire ensuite des bracelets et autres accessoires », lance Olivia Cayre, qui y voit un autre projet encore à développer.

Une fois lavé et trié, les poils des chiens et chats sont mélangés avec d'autres matières pour constituer du feutre de différentes densités et épaisseurs. Une matière qui peut avoir de multiples débouchés.
Une fois lavé et trié, les poils des chiens et chats sont mélangés avec d’autres matières pour constituer du feutre de différentes densités et épaisseurs. Une matière qui peut avoir de multiples débouchés. – @Olivia Cayre/Brosseur

Aller jusqu’à extraire la kératine

A vrai dire, l’entrepreneuse planche sur une troisième valorisation encore : après le feutre, le fil, la kératine, une protéine naturelle dont est friande, notamment, l’industrie de la cosmétique. « Le poil en est composé à 95 %, rappelle Olivia Cayre.. Or, en créant le feutre, on fait tomber des micro-fibre qu’il nous est possible de récupérer pour en extraire la kératine. » Direction de nouveau le Cetelor, plus précisément l’un de ses laboratoires : le Lermab. « Nous avons réalisé plusieurs essais concluant cet hiver, en utilisant l’explosion à vapeur, un procédé physico-chimique que l’on redécouvre aujourd’hui et qui a l’avantage d’utiliser aucune substance chimique, explique Nicolas Brosse, professeur à l’université de Lorraine. Il nous reste désormais à caractériser précisément la keratine ainsi obtenu et améliorer encore le processus. » Cette campagne Ulule est lancée aussi dans cette optique.

En attendant que toutes ces pistes aboutissent, Olivia et Thomas viennent tout juste de lancer un premier produit, fabriqué de façon artisanale, à partir de leur feutre : le « Sapin ». Il s’agit d’un diffuseur de parfum ou d’huile essentielle, comme ceux qu’on accroche aux rétroviseurs des voitures. « Mais celui-là est issu de matériel recyclé ou biosourcé donc et se rechargeant à l’infini », vante la Val-de-Marnaise.

Le poil dans les pas du cheveu ?

Peut-être, Brosseur n’ira pas plus loin que ce stade artisanal. « Ce ne sera pas si grave, on aura essayé et en faisant du tort à personne », dit Olivia Cayre, qui s’attend à tomber sur quelques aigris jugeant d’emblée son projet vain. 

« Moi, on m’appelait le fada », sourit, à un millier de kilomètres au sud, Thierry Gras dont l’histoire n’est pas sans rappeler celle de Brosseur. Sauf que le coiffeur varois, lui, collecte et valorise les cheveux de ses clients. « Depuis 2015 et en partant là encore du constat qu’aucune filière de recyclage existait alors », précise-t-il. Huit ans plus tard, son association « Coiffeurs justes » fédère 5.600 coiffeurs et récupère une centaine de tonnes de cheveux par an. « La fibre capillaire a une propriété lipophile lui permettant de fixer les huiles solaires et les hydrocarbures, raconte-t-il. Alors de ces cheveux, on en fait principalement des boudins de dépollutions à installer dans les ports ou les cales de bateaux et on travaille à des déclinaisons pour les cours d’eau. ». 

Bref, là encore, il y a de quoi faire. « Et 100 tonnes, ça reste qu’une toute petite partie des 4.000 qu’on ramasse chaque année dans les salons de France », précise Thierry Gras… qu’on appelle de moins en moins le fada.