Belgique

Une société belge, financée par Bill Gates, permet la production des premiers vaccins ARN d’Afrique

”Produire 50 millions de doses de vaccins par an”

”Afrigen, une société africaine, développe désormais le vaccin ARN messager africain dans son ensemble. Mais Univercells et Etherna, deux sociétés belges, sont de gros partenaires technologiques”, nous indique José Castillo, CEO de Quantoom biosciences, une filiale d’Univercells. “Notre technologie, notre approche, consiste à repenser la manière de produire des médicaments. Notre obsession est que ces méthodes soient miniaturisées et les méthodes de production, intensifiées. Notre machine de production d’ARN va faire quatre fois la taille de celle-ci (il montre une boîte de 30 centimètres de haut) et produira 50 millions de doses de vaccins par an. Une fois que j’ai la séquence du virus, je peux avoir l’ADN, qui est le code, en 28 jours. En deux semaines de plus, je peux obtenir l’ARN, qui est le produit. Ensuite, je l’encapsule, car sans cela, l’ARN est détruite par le corps dans les deux heures. Au total, en trois mois, nous pouvons fabriquer un premier vaccin expérimental.”

José Castillo, CEO d'Univercells.
José Castillo, CEO d’Univercells. ©Adrien de Marneffe

La pandémie de Covid a été pour le continent africain un événement particulièrement révélateur. L’Afrique du Sud, lorsqu’est survenu le variant dit sud-africain, s’est vu mise en quarantaine par le reste du monde.

Et alors que le virus frappait le continent, la mondialisation a fait place au protectionnisme vaccinal.

L’évènement a éveillé les consciences sur la nécessité de développer des unités de productions dans tous les coins de la planète.

En pratique, le laboratoire du Cap sera le centre de formation d’un réseau ARN plus vaste mis en place par l’organisation Mondiale de la Santé (OMS) et composé de 16 pays (Kenya, Brésil etc.) L’OMS encourage en effet des programmes de transferts de technologies à ARN messager. Les autres institutions viendront se former en Afrique du Sud et rapporteront ensuite la compétence dans leur pays. Le but: que chaque région du monde soit autonome pour fabriquer rapidement ses propres vaccins, lorsqu’un virus frappe.

La Belgique a investi 4 millions d’euros dans la société Afrigen, depuis 2021. Notre pays dispose du deuxième écosystème le plus dense au monde en termes de biotechnologies, derrière Israël.

La fondation Gates a investi 40 millions d’euros

La société Univercells a également pu compter sur le soutien de la fondation Gates (Fondation Bill-et-Melinda-Gates) qui, selon José Castillo, a investi 40 millions dans Univercelles depuis 2016.

”Je suis allé rencontrer la Fondation Gates et directement, ils m’ont dit : on va vous financer. Ça m’a étonné. Mais ces gens sont prêts à prendre des risques”, reprend José Castillo, CEO de Quantoom biosciences.

La société Univercells, basée à Jumet (Hainaut) emploie désormais 400 personnes, divisées à parts égales entre le site hennuyer et Nivelles. En pratique, Univercells se charge de dessiner la molécule d’ADN et de produire l’ARN.

Son activité commerciale consiste à vendre ses technologies, puis à dépêcher des personnes sur place pour former le personnel des laboratoires à ces nouvelles technologies. Le CEO d’Univercells prévoit d’engager du personnel supplémentaire pour développer sa présence auprès du client, dans les pays où elle est présente (Sénégal, Tunisie, Égypte, Brésil, Colombie) et aux Etats-Unis en particulier. Car le chiffre d’affaires d’Univercells connaît une progression spectaculaire. Il était de 20 millions d’euros en 2022, mais la société table sur 50 millions d’euros pour 2023.

Mais quels seront, précisément, les vaccins produits?

guillement

”Produire actuellement un vaccin contre le Covid 19, en 2023, ne sert à rien. Par contre, cette pandémie a été une terrible sonnette d’alarme. Nous avons eu de la chance car le Covid n’était pas si méchant que cela. Imaginez-vous la même chose avec un virus Ebola qui entraîne des fièvres hémorragiques ! »

Produire actuellement un vaccin contre le Covid 19, en 2023, ça ne sert à rien. Par contre, cette pandémie a été une terrible sonnette d’alarme. Beaucoup de virologues l’ont dit : nous avons eu de la chance car le Covid n’était pas si méchant que cela, même s’il a quand même fait quelques millions de morts. Imaginez-vous la même chose avec un virus Ebola qui entraîne des fièvres hémorragiques ! », prévient José Castillo. “Les sociétés humaines se sont densifiées et les probabilités de contagion ont donc considérablement augmenté. Les passages de virus d’espèces animales à l’espèce humaine, comme les grippes aviaires, vont probablement s’intensifier dans le futur. Le monde a donc tout intérêt à s’équiper, région par région, de petites unités. Ce peut-être pour se préparer à des pandémies comme il y a quatre ans avec le Covid. Ou à des éruptions comme Ebola en Afrique de l’Ouest. Ebola a disparu mais un beau jour- impossible de prédire quand- il va ressurgir. C’est typiquement le type de situations pour lesquelles cette technologie ARN messager va être très puissante.

José Castillo, CEO d'Univercells.
José Castillo, CEO d’Univercells. ©Adrien de Marneffe

Pouvoir conserver des vaccins au frigo, et non plus à moins 80 degrés

Une autre société belge est présente au Cap. Les Anversois d’Etherna ont mis au point un procédé de thermo stabilisation.

L’ARN étant par nature instable, la stocker à basse température est requis : moins 80 degrés pour le vaccin Moderna et moins 20 degrés pour le vaccin Pfizer. Cela rend par exemple le vaccin Covid de Moderna parfaitement inutilisable à grande échelle en Afrique.

La technologie développée par Etherna “permettra le stockage dans des réfrigérateurs normaux, plus accessibles que les congélateurs à -20 ou -80 °C, en particulier dans les pays à faible revenu, et améliorera considérablement les perspectives de rendre les vaccins plus accessibles à l’échelle mondiale”, souligne Bernard Sagaert, CEO d’Etherna.