Belgique

Une mesure qui fâche évacuée à la dernière minute, Vandenbroucke qui déchire sa feuille… Les coulisses de négociations budgétaires éprouvantes

Pourquoi de telles difficultés ? Cet ajustement était sans doute la dernière occasion de donner un (petit) tour de vis aux finances publiques : plus on se rapproche des élections (fixées en 2024), moins les partis au pouvoir seront prêts à se montrer impopulaires en réduisant les dépenses ou en augmentant les impôts.

L’exclusion du chômage évacuée in extremis

Tout a failli capoter au dernier moment. Le PS a bloqué in extremis une demande « imbuvable » des libéraux. Ces derniers ont tenté de faire passer durant tout le conclave l’exclusion du chômage des demandeurs d’emploi depuis plus de deux ans qui refuseraient sans raison suffisante, et à deux reprises, un emploi en pénurie.

« C’était beaucoup trop libéral pour nous, explique un socialiste. On a refusé cette demande avec laquelle le MR revient tout le temps depuis le début du gouvernement. » Afin de neutraliser cette mesure, les socialistes ont menacé de revenir sur ce qu’ils avaient consenti dans le dossier pensions. Finalement, cette possibilité d’exclusion du chômage a été retirée de la dernière version de l’accord budgétaire, juste avant la prise de parole d’Alexander De Croo devant les députés.

Il est vrai que les socialistes avaient accepté un effort budgétaire sur le poste « pensions minimales ». Alexander De Croo avait demandé de ne pas appliquer la quatrième phase de l’augmentation de cette prestation sociale très symbolique pour le parti de Paul Magnette. Mais, après des discussions tendues menées pour le PS par Karine Lalieux, la ministre des Pensions (Pierre-Yves Dermagne, le vice-Premier, était absent pour cause de Covid), les pensions minimales augmenteront bien, mais de manière moins importante que prévu (elles atteindront 1.622 euros nets suite à une augmentation rabotée de 25%).

Au total, les « efforts » de l’aile gauche de la Vivaldi (en pensions et pour d’autres postes de dépenses en Sécurité sociale) permettront d’économiser 374 millions d’euros. Durant ce conclave, les libéraux, flamands comme francophones, ont d’ailleurs reconnu que le PS se montrait constructif sur les recherches d’économies.

L’accord sur la quatrième tranche d’augmentation de la pension minimale.

Vandenbroucke déchire ses feuilles

Du côté de Vooruit, les discussions ont également été éprouvantes… Pour l’anecdote, le vice-Premier ministre des socialistes flamands, Frank Vandenbroucke, s’est fortement énervé durant la dernière nuit de négociations. Que s’est-il passé ? Comme le rapportait jeudi le site d’information Business AM, Frank Vandenbroucke a pris ombrage de propositions d’économies proposées par Alexander De Croo dans le domaine des soins de santé, c’est-à-dire dans son département ministériels. Dans un geste de colère, Frank Vandenbroucke a déchiré tous les documents contenant ces mesures…

Pour en revenir à l’accord, du côté des recettes, l’ajustement budgétaire met en oeuvre l’impôt minimum sur les multinationales (défini dans le cadre de l’OCDE). Cet impôt, qui était très attendu par l’aile gauche du gouvernement, produira 334 millions d’euros supplémentaires en 2024. Autre rentrée fiscale :l’augmentation des accises sur le tabac représente une recette de 34 millions d’euros. On relèvera également le report de l’augmentation de la déduction pour investissement et l’augmentation de la taxe annuelle sur les plus grandes ASBL (à l’exception des activités dans les soins de santé). Ces deux dernières décisions devraient faire rentrer 182 millions dans les caisses fédérales.

Equilibre gauche-droite

Pour l’observateur politique, cet accord vivaldien semblera équilibré. Le gouvernement De Croo a, globalement, appuyé aussi fort sur le bouton « nouvelles recettes » que sur le bouton « économies ». Les socialistes et les libéraux peuvent se clamer victorieux.

Cela dit, les véritables dossiers qui fâchent n’ont pas été abordés. Ils le seront dans les prochaines semaines. En particulier, cet été, la grande réforme fiscale imaginée par le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V), sera négociée. Afin préserver son financement, plusieurs mesures fiscales qui auraient pu être adoptées durant cet ajustement ont été mises de côté (l’augmentation de la taxe sur les comptes-titres, notamment). Elles ressortiront certainement durant les discussions estivales.