Belgique

”Un choix sournois”, “Non, une priorité”: la construction des containers pour accueillir des Ukrainiens sur le Chant des Cailles déchire Boitsfort

Nawal Ben Hamou (PS), secrétaire d’État bruxelloise au logement, souhaite construire 70 logements sociaux sur ce terrain naturel de 3 hectares, propriété de la Société immobilière de service public (SISP) du Logis-Floréal. Olivier Deleuze (Écolo), bourgmestre de Watermael-Boitsfort, s’y oppose et a déjà menacé de transformer le site “en Notre-Dame-des-Landes bruxellois”. Actuellement, le projet est en stand-by. La SLRB (Société du logement de la Région de Bruxelles) attend une décision du conseil d’État pour avancer.

Quinze nouveaux modules

Mais un évènement va venir modifier le tableau. Quinze nouveaux modules vont être installés au Chant des Cailles pour accueillir une trentaine d’exilés ukrainiens. La SLRB a informé la commune du début des travaux ce 4 avril.

Le chantier durera 6 semaines. Des modulaires réutilisables seront installés. Les familles devraient arriver progressivement jusqu’à début juillet, nous précise Raphaël Jehotte, président de la SLRB. Tous les arbres sont conservés, aucune terre ne sera retirée et on limite au maximum l’emprise au sol. ” Ces 15 logements ne sont qu’une fraction des 75 logements modulaires prévus au total en Région bruxelloise, dont 30 sont déjà occupés à Schaerbeek, Watermael-Boitsfort (dont 12 sur un terrain de l’avenue des Tritomas) et Molenbeek.

L’arrivée de migrants ne remet toutefois pas en cause le futur projet immobilier de logements sociaux. Au contraire. “Le permis prévoit des installations modulaires pour une durée de deux ans, reprend Raphaël Jehotte. On espère déposer le permis d’urbanisme d’ici à la fin 2023 et commencer les travaux en 2025. Donc les modules n’impactent pas le démarrage du chantier futur.”

David Leisterh : “Un tour de passe-passe du PS”

David Leisterh, président du MR bruxellois et membre du Collège communal de Watermael, dénonce “un tour de passe-passe” du PS. “Personne, n’est dupe, les socialistes utilisent l’installation de modules pour réfugiés pour mettre un pied dans la porte, assure le député bruxellois. Ce sont les modules aujourd’hui, mais des logements sociaux demain. Ce sera alors la politique du fait accompli. Bien sûr, il faut accueillir les migrants. Mais c’est particulièrement sournois de la part du PS d’avoir choisi, sur tous les terrains libres à Bruxelles, précisément le Chant des Cailles…. ”

”Cette installation de containers est une manipulation, abonde Colette Bériot, ex-porte-parole de La Ferme du Chant des Cailles. Nous sommes pour l’accueil des immigrés, on ne peut donc pas s’y opposer. Mais nous sommes beaucoup à penser que c’est une tactique visant à imposer les logements, par la suite.”

guillement

« C’est une évidence que la SLRB force la situation, la constructibilité du site. Ils ancrent ainsi dans les futurs dossiers que le site n’est plus naturel puisqu’il est construit »

Cette position est partagée par plusieurs riverains, qui ont tenté en vain de suspendre, via un recours au Conseil d’État, la construction de ces modules. Ces riverains ont alors décidé de mettre en demeure la SLRB de cesser ses travaux, jugeant que le permis actuel n’autorise pas d’y entreprendre les travaux nécessaires. “Le quartier dans son ensemble se sent responsable de l’accueil de réfugiés, tonne Dirk Cortvriend, coordinateur de l’action des riverains. Mais c’est une évidence que la SLRB force la situation, la constructibilité du site. Elle ancre dans les futurs dossiers le fait que le site n’est plus naturel, puisqu’il est déjà construit”.

La pression est élevée sur le bourgmestre. Olivier Deleuze (Écolo) l’assume pourtant : les migrants ukrainiens sont les bienvenus au Chant des Cailles. “Il y a un ordre de priorité. La première, c’est de répondre à l’urgence de la guerre en Europe. Et si, sur notre petit territoire, il faut accueillir des gens sur un espace vert, on le fait. Par contre, la position sur le Chant des Cailles n’a pas varié. Il n’y aura pas de construction de logements sur une quelconque surface dédiée à l’agriculture urbaine. Nous emploierons toutes les voies de droit pour nous opposer à ce projet.”

Le terrain est en effet exploité comme terre d’agriculture urbaine par “la ferme du Chant des Cailles”. Cette ASBL a longtemps occupé l’avant-garde de l’opposition au projet immobilier. La SLRB, et le PS en filigrane, sont toutefois parvenus habilement à désamorcer leur contestation.

La SLRB a ainsi octroyé récemment à la ferme du Chant des Cailles une concession de 10 ans, sur une portion plus limitée du terrain, mais qui pérennise l’activité. Alors que l’ASBL devait se contenter jusqu’ici d’une convention d’occupation précaire.

Une partie de ce terrain sera saccagée”

Nous sommes contents de pouvoir rester sur le site, et conscients qu’il faut du logement et aussi héberger les réfugiés. Mais ça nous fait de la peine car une partie de ce terrain sera saccagée par la mise en place de containers, alors qu’on l’a bichonné depuis 10 ans”, souffle Martin Philippart, de la ferme du Chant des Cailles.