Belgique

Un Belge est détenu depuis 44 jours en Algérie : “Mon mari est en prison parce qu’il a acheté, de toute bonne foi, des faux dinars à Bruxelles”

Virginie n’a plus eu de contact direct avec lui depuis 44 jours. Elle a reçu quelques nouvelles mardi soir via l’avocate algérienne qui l’assiste sur place. “Il est détenu dans un dispensaire pour des raisons de santé. Il a perdu énormément de poids. La nourriture est infecte. On lui vole ses vêtements. Il a une prothèse au genou et ne peut plus poser la jambe. En plus, il a attrapé des champignons. Psychologiquement, il va très mal. Il est complètement démoralisé parce que la Belgique ne fait rien pour le tirer de là. Il se sent complètement abandonné”, décrit Virginie Perin.

Un courrier à la reine Mathilde

En désespoir de cause, la femme du détenu a écrit à la reine Mathilde pour solliciter son intervention. Elle ne comprend pas pourquoi rien ne bouge alors qu’on a “toutes les preuves de l’innocence” de son mari emprisonné “pour quelque chose de débile”.

C’est une histoire à dormir debout. Mohamed Hamani, né le 7 novembre 1973 à Charleroi, dispose de la double nationalité, belge et algérienne. En couple avec Virginie Perin depuis 14 ans, il veut lui faire découvrir le pays d’origine de sa famille, ainsi qu’à leur garçon.

Avant leur départ pour l’Algérie, les deux conjoints, qui ont un travail salarié en Belgique, se rendent dans un bureau de change proche de la Grand-Place pour retirer l’équivalent de 1000 euros (pour lui) et 500 euros (pour elle) en dinars algériens. “Les billets sont sortis de la machine. Ils étaient neufs”, explique Mme Perin. Les bordereaux de change (dont nous avons une copie) prouvent que ces retraits ont été effectués le 3 février 2023 à 9h42 et 9h45, depuis leurs comptes en banque respectifs en Belgique (nous avons également une copie des extraits de compte). Des opérations officielles et réalisées en toute légalité.

Une valise pour lui, si jamais…

Avant leur retour en Belgique, Mohamed Hamani se rend dans sa banque à Chlef, à deux heures trente en voiture de Tipaza, pour effectuer quelques démarches administratives. Virginie attend avec son fils dans la voiture. Après un petit temps, elle reçoit un appel de Mohamed : “Il me dit qu’il y a un problème, que certains billets qu’on a reçus à Bruxelles sont faux”. Pour l’équivalent de 50 euros. L’homme est emmené au commissariat de police pour une audition. Son épouse et son fils s’y rendent aussi, conduits par un policier. “Pendant le trajet, il nous dit que ce n’est pas grave, que ça va être vite réglé”.

Mais Mohamed Hamani est placé en garde à vue. Virginie et son fils rentrent à leur logement. Le lendemain, c’est le 2 mars, jour du vol retour. Une audience est prévue. “Mon mari m’a dit de préparer une valise pour lui, si jamais…”. C’est la dernière fois qu’elle a son conjoint en ligne.

Une plainte contre le bureau de change à Bruxelles

Depuis son retour en Belgique, l’habitante de Courcelles se démène dans tous les sens pour tenter de faire libérer son mari et le ramener au pays.

Elle s’adresse à Me Laurent Kennes pour défendre son dossier. Le 4 mars, elle dépose plainte pour escroquerie à la zone de police de Bruxelles-Capitale contre le bureau de change d’où proviennent les supposés faux billets. Une semaine plus tard, suite à une apostille du parquet de Bruxelles, un inspecteur attaché à la recherche locale, section fraude, se rend dans ledit bureau de change. Le gérant, qui n’était pas présent le jour des faits, confirme les deux transactions successives pour des dinars algériens. Il déclare que ces devises ont été achetées durant le confinement “à un prix avantageux à un jeune maghrébin probablement français” (sic) et que cette vente a été effectuée par un ex-employé étudiant (dont le policier bruxellois n’a jamais obtenu l’identité).

Le gérant précise que “c’est la première fois en 30 ans” qu’il est confronté à un soupçon de fraude quant aux billets échangés.

”On est de bonne foi !”

Virginie Perin ne décolère pas : ” On est de bonne foi ! On ne sait pas quoi faire. Mohamed est injustement en prison à Chlef parce qu’il a reçu des faux dinars à Bruxelles”.

Outre les démarches entreprises devant la justice belge, la quadragénaire a aussi trouvé une avocate en Algérie à qui ont été fournis tous les documents utiles (extraits bancaires légalisés, composition de ménage, fiches de salaire…) pour démontrer la vie rangée et l’absence d’ennuis judiciaires du détenu. “Elle fait tout son possible, mais le juge est récalcitrant. Il ne veut rien communiquer. On n’a même pas de documents attestant les raisons du mandat d’arrêt et de la détention de mon mari.”

Depuis plusieurs semaines, Virginie Perin et son conseil, Me Kennes, interpellent l’ambassade et le consulat belges en Algérie, pour tenter de savoir où en est le dossier, et notamment, les dates des futures audiences. En vain jusqu’ici. “Pourquoi ne vont-ils pas rencontrer Mohamed en prison ? Ou parler au juge d’instruction pour savoir ce qui cloche ?”. Mme Perin et son avocat critiquent durement l’inaction des autorités belges.

Un appel à la ministre Lahbib

Elle a également sollicité le SPF Affaires étrangères. “Mais là, on me dit qu’on ne peut rien faire, à part vérifier les conditions de détention, parce qu’il est Algérien. J’ai vraiment l’impression qu’ils se débarrassent du problème, qu’ils ne veulent rien savoir. Mais Mohamed est aussi un ressortissant belge. Ils devraient être en train de remuer ciel et terre !”.

Pour Me Laurent Kennes, une intervention de la ministre des Affaires étrangères, Hadja Lahbib (MR), s’impose désormais pour débloquer ce dossier de toute urgence.

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