Belgique

Theo Francken, le nationaliste flamand qui aide le MR à se rapprocher de la N-VA

”Je me rapproche du MR”

Un exemple. Il y a quelques jours, le MR a partagé sur Internet la vidéo d’une interview du nationaliste flamand au sujet de la question migratoire. Interrogé par le porte-parole du président du MR Georges-Louis Bouchez, Theo Francken a expliqué tout le mal qu’il pensait de l’aile socialiste et écologiste du gouvernement De Croo. Selon lui, la Vivaldi, c’est du gâchis. “On a beaucoup travaillé avec le MR (durant la Suédoise) mais le travail n’est pas fini. Avec ce gouvernement De Croo, plutôt de gauche, ce sont des années perdues. Je me rapproche du MR, car avec le gouvernement actuel, c’est horrible”, explique-t-il.

Un parti de la coalition fédérale – le MR – qui réalise et diffuse un entretien avec un député de l’opposition, souvent jugé sulfureux, voilà qui pourra sembler déloyal aux actuels partenaires des libéraux…

La vidéo de Theo Francken, réalisée et diffusée sur Internet par le MR

La Suédoise, “le meilleur gouvernement”

Autre cas éclairant. Il y a un mois, Bouchez et Francken s’étaient retrouvés à Jurbise, dans le Hainaut, pour un débat organisé par le MR sur l’avenir de la Belgique. La bourgmestre locale et ancienne ministre de la Suédoise, Jacqueline Galant (MR), avait conclu les échanges entre les deux mandataires par un discours sans équivoque : “2024 sera une année hyperimportante et j’espère que, malgré vos divergences, on pourra retravailler ensemble (au fédéral). Theo l’a dit durant le débat : la Suédoise était le meilleur gouvernement. Je voudrais souligner le travail qui a été réalisé à ce moment. C’est vrai qu’il y a eu des accrocs. Oui, la N-VA a quitté le gouvernement. Mais c’était le meilleur gouvernement depuis longtemps. J’espère que les objectifs communs (entre MR et N-VA) pourront se réaliser. “

Le débat entre Georges-Louis Bouchez et Theo Francken à Jurbise.

Comment expliquer ces intrications entre les réformateurs et Theo Francken ? Tout d’abord, il faut rappeler que ce dernier entretient d’excellents rapports avec Georges-Louis Bouchez depuis plusieurs années. Bien entendu, sur les questions institutionnelles, un fossé les sépare. Le nationaliste flamand est confédéraliste, tandis que le président du MR défend la Belgique unitaire. Mais les deux mandataires sont idéologiquement proches en ce qui concerne les matières régaliennes (sécurité, migration…).

Francken a l’oreille de De Wever

Au-delà de leur proximité politique, Theo Francken est également vu au MR comme un allié précieux qui pourra aider à reconstituer une majorité associant le MR à la N-VA. L’arithmétique actuelle ne permettrait pas de rejouer la partition du gouvernement Michel (N-VA/MR/CD&V/Open VLD). Mais, pour le MR, faire revenir la N-VA dans le jeu fédéral aurait l’avantage de diluer le poids de la gauche. Par exemple, dans le cadre d’une alliance “bourguignonne “qui juxtaposerait les socialistes, les libéraux et les nationalistes flamands.

Theo Francken a aussi l’oreille de Bart De Wever, le président de la N-VA. Cette qualité pourra servir à l’avenir alors que la communication entre le chef des nationalistes et Georges-Louis Bouchez est presque inexistante. “On sait très bien que Theo est MR-compatible, explique une source libérale. Il est beaucoup plus facile d’échanger avec lui qu’avec Bart. On ne comprend pas pourquoi il ne veut pas communiquer avec nous, pourquoi il se met de la sorte en dehors du jeu politique.

Cet éventuel coup de pouce de Theo Francken sera certainement nécessaire… Durant l’été 2020, le président de la N-VA avait tenté d’éjecter le MR des discussions en vue de la formation d’un nouvel exécutif. Supportant difficilement le style de Georges-Louis Bouchez, Bart De Wever, alors préformateur, avait annoncé qu’une coalition fédérale sans les libéraux francophones était à portée de main. “Plus personne ne veut encore du MR dans le gouvernement”, avait-il déclaré. Depuis lors, le président de la N-VA garde ses distances.

La stratégie flamande du MR

La stratégie du MR pour l’après-élection dépasse toutefois la seule N-VA et le cas de Theo Francken. Tout comme le président du PS Paul Magnette souhaite mettre en place les coalitions les plus à gauche possible, Georges-Louis Bouchez s’organise en miroir afin de créer les conditions pour l’en empêcher. À ce jeu, le poids de la Flandre, qui vote bien plus à droite que la Wallonie et Bruxelles, sera déterminant.

Le président du MR le sait. Il multiplie les “sorties” dans la presse au nord du pays et y construit sa popularité. Il espère rendre les libéraux incontournables pour le prochain gouvernement fédéral en s’érigeant comme l’interlocuteur francophone de référence aux yeux de l’Open VLD, du CD&V et, donc, de la N-VA.