Belgique

”Quand on ouvre la grille des stations de métro à 6h, on trouve des seringues, des excréments, ça sent l’urine : ce sont des zones de non-droit”

La Stib a été récemment confrontée à de sordides faits divers. En juin, un homme est ainsi décédé dans la nuit après être resté coincé dans un volet roulant de la station de métro Rogier, dans le centre de Bruxelles. Il s’agissait du quatrième cas (mais du seul mortel) en deux mois. “Les volets sont les mêmes depuis des années, mais désormais il n’y a plus de présence de nos services. En station, on n’est plus chez nous maintenant. Les usagers non plus. Ce sont devenus des zones de non-droit”, pointe Arnaud (prénom d’emprunt), agent patrouilleur ITS (infrastructures Tickets-sécurité).

Accompagné de Lorenzo et Abdel (prénoms d’emprunt), deux collègues de l’unité ITS, Arnaud a souhaité témoigner des difficultés croissantes rencontrées sur le réseau Stib. En particulier à partir de 22 heures, lorsque le nombre d’usagers baisse et que les toxicomanes et sans-abri prennent possession de certaines stations. “Beaucoup de femmes n’empruntent presque plus le métro passé 22 heures. Nous-mêmes, les agents Stib, n’empruntons plus les transports en commun après une certaine heure. Quand on arrive pour ouvrir les grilles, le matin, on se retrouve face à des ascenseurs bloqués. Vous avez deux options : soit vous tombez sur un vendeur de crack, soit sur un consommateur.”

« J’ai peur d’entrer dans la station Yser, j’y ai vu des personnes se droguer, uriner ou se taper dessus sans raison »

”Durant l’année qui vient de s’écouler, à l’ouverture des stations, on était quasiment là pour ramasser les cadavres. L’expression est forte, mais il y a eu plusieurs morts, ajoute Lorenzo. Les stations plus compliquées sont les stations Yser, Ribaucourt, Gare du Midi, Gare du Nord, Clemenceau, Saint-Guidon, aussi, porte de Namur, voire Trône.”

Ces agents ITS, chargés de la lutte contre la fraude au titre de transport, effectuaient traditionnellement des rondes préventives de sécurité, ainsi que des missions d’ouverture et de fermeture des stations.

Ils regrettent que ces missions nocturnes, assurées par deux équipes d’interventions ITS entre 22 heures à 6 heures, ont été supprimées. Tandis qu’en journée, leur mission a été recentrée sur le contrôle de titres de transport, au détriment des missions de sécurité.

Le MR réclame le retour des rondes de nuit

Leur message a bien été entendu dans les partis bruxellois d’opposition. Dans une proposition de résolution qui sera déposée au Parlement bruxellois, les députés bruxellois David Weytsman et Charlotte d’Ursel (MR) réclament le retour le plus rapide possible des rondes ITS, durant la nuit.

Les libéraux réclament que des missions prioritaires de sécurité soient réattribuées à ces unités entre 22 heures et 6 heures. Ils demandent également que les équipes AMM (pour Agents multimodaux, chargés de l’information aux voyageurs) soient affectées à un travail d’assistance des agents de contrôle et de prévention, pour les missions de sécurisation. Mais aussi que ces agents soient encouragés par la Stib à se former dans les métiers de sécurité.

”Il faut réorganiser d’urgence le travail pour concentrer des équipes sur des missions de sécurité. Tout en maintenant les mêmes objectifs en contrôle de tickets. Il faut aussi lutter contre les incivilités, la mendicité agressive, la toxicomanie agressive et le harcèlement sexuel, souligne David Weytsman. La Stib veut une gratuité accrue. Mais la première priorité, c’est quand même de ne pas se faire casser la figure quand on prend le métro.”

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”Nous refusons d’accepter l’idée que des femmes de tous les âges nous disent ne jamais prendre le métro seul le soir dans la capitale de l’Europe”, résume Charlotte d’Ursel (MR).

« La sécurité n’est pas moins assurée la nuit »

La direction de Stib, de son côté, assume son choix.

”La mission des agents ITS est de faire du contrôle de titres de transport, précise Cindy Arents le porte-parole de la Stib. Il a été décidé de réaffecter ces deux équipes à des endroits et à des moments où il y a des voyageurs sur le réseau, principalement le Noctis (bus nocturnes affrétés le week-end, NdlR), pour qu’ils puissent assurer leur mission. Sans oublier que les agents de contrôle assurent également la sécurité des voyageurs et du personnel. Or il n’y a pas de voyageurs en station la nuit. Mais la réaffectation de ces deux équipes de contrôle de titres de transport ne signifie pas que la sécurité est moins assurée la nuit. Il y a toujours quatre voitures des équipes RTS (patrouilleurs d’intervention appelés quand un fait ou agression est signalé, NdlR) qui circulent la nuit, ainsi que la brigade canine, tandis que le dispatching surveille le réseau 24 heures/24.”

Le contenu de ces missions de nuit préventives menées par des agents ITS a en effet été jugé un peu “light” par la Stib. “Les deux équipes étaient chargées de la fermeture et de l’ouverture dans deux stations (Heysel et Stockel) le soir. Elles ne faisaient ensuite plus rien quand la station était fermée », ajoute François Ledune, du service communication de la Stib.

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La lecture de plusieurs comptes-rendus de missions datant d’avant la réforme indique toutefois que les missions ne se limitaient pas à l’ouverture et à la fermeture de station, entre 22 heures et 6 heures du matin. Elles se décomposaient en rondes de surveillance dans une dizaine de stations, de missions destinées, par exemple, à contrôler qu’il n’y avait pas d’intrusion à la station Rogier, ou d’une présence à la station Simonis pour l’arrivée du dernier train.

« On fixait un cadre : la condition pour rester dans ces stations, c’était d’avoir un comportement adéquat. Désormais, quand on arrive à 6 heures du matin pour ouvrir la grille, les stations sont dégueulasses. »

Avant, nous faisions de la prévention durant la nuit”, synthétise Arnaud. Pour ce dernier, les équipes RTS sont chargées de faire de l’intervention, et non de la prévention. Leur présence ne compense donc pas celle des agents ITS. “Nous prenions contact avec les toxicomanes, pour leur proposer une alternative au fait de passer la nuit dans la station, poursuit-il. On fixait un cadre : la condition pour rester dans ces stations, c’était d’avoir un comportement adéquat. Désormais, quand on arrive à 6 heures pour ouvrir la grille, les stations sont dégueulasses. On trouve des seringues, des excréments, ça sent l’urine. Des enfants risquent de shooter dans de bouteilles d’eau remplies d’ammoniac. Les ascenseurs servent de toilettes. Ceux qui en pâtissent le matin, ce sont les équipes de nettoyage, et les premiers voyageurs du matin.”