Belgique

Pourquoi le PS et le MR ne veulent pas réformer en profondeur le statut et la rémunération des parlementaires

Les scandales et révélations se sont multipliés ces derniers mois autour du train de vie des députés. Que l’on songe aux indemnités de pension illégales octroyées aux anciens présidents de la Chambre des représentants ; à la possibilité offerte aux députés des différentes assemblées du pays de dépasser de 20 % le plafond légal de pension (le plafond Wijninckx) ; à certains voyages peu transparents des membres de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) ; ou encore aux indemnités complémentaires dont bénéficient tous ces élus.

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La Libre a interrogé les six formations politiques francophones pour savoir si elles étaient favorables à une réforme du statut du parlementaire – qui inclut la problématique des rémunérations -, et, si oui, de quelle manière.

Une harmonisation des règles entre parlements

Les plus frileux sont les deux principaux partis, PS et MR. “Oui, nous sommes prêts à discuter. C’est une question de transparence, répond le Parti socialiste dans un message laconique. Pour le PS, il s’agit d’un débat global, il faut parler du statut, mais aussi des droits des élus. Nous plaidons pour une harmonisation plus grande entre les régimes des différentes assemblées.” Mais le PS n’en dira pas plus.

Le président du MR, Georges-Louis Bouchez, plaide lui aussi pour une telle harmonisation. “Par exemple, quand vous avez des règles de décumul en Wallonie qui sont différentes de celles du fédéral, cela influence de façon négative la constitution des listes électorales. Ça ne va pas. On ne doit pas choisir le niveau de pouvoir en fonction de la possibilité de cumuler des mandats, mais en fonction de l’attrait pour des matières.”

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Plutôt que de toucher à la rémunération individuelle, il faut surtout diminuer le nombre d’élus. Je préfère moins d’élus bien payés que beaucoup d’élus moins bien payés.

”Sur les rémunérations, poursuit-il, il faut faire la chasse aux abus”, tels que les suppléments de pension. “On n’est pas fermés à une discussion plus large, mais ce n’est pas cela qui va tout révolutionner. Plutôt que de toucher à la rémunération individuelle, il faut surtout diminuer le nombre d’élus. Il n’y a pas de problème à ce que le parlementaire ait une situation favorable pour autant qu’il soit à la hauteur de ses responsabilités.”

Avec moins d’élus, estime le MR, une sélection plus stricte sera opérée à l’entrée et la qualité du travail parlementaire en sera améliorée, justifiant ainsi une rémunération confortable. “Je préfère moins d’élus bien payés que beaucoup d’élus moins bien payés. Il faut agir sur l’efficacité du système et son mode de fonctionnement plutôt que sur la rémunération”, conclut M. Bouchez.

L’argent de poche des députés

Le PTB, Écolo, Les Engagés et Défi sont, eux, clairement favorables à une réforme du statut du parlementaire, y compris sur l’aspect financier.

Pour Défi, “la rémunération en tant que telle n’est pas le problème. Les mandataires politiques doivent être rémunérés de manière correcte pour garantir leur indépendance vis-à-vis des lobbies.” Par contre, le parti propose de limiter les indemnités de sortie et de soumettre à l’impôt l’” indemnité forfaitaire pour frais exposés”, qui est un complément de salaire de plus de 2400 euros net par mois pour les députés.

Chaque député perçoit un forfait de 2400 euros par mois non soumis à l’impôt

Défi estime aussi que le plafond des rémunérations publiques (équivalant à 150 % de l’indemnité parlementaire) doit être absolu, y compris en cas de cumul avec une rémunération du secteur privé. Enfin, il plaide pour des mesures en matière de transparence, de décumul, ou encore de limitation du nombre de mandats successifs.

Seuls Écolo et le PTB défendent une réduction pure et simple de la rémunération parlementaire. C’est le PTB qui y va le plus fort.

Les Engagés, Écolo et le PTB se rejoignent dans la volonté d’aligner le statut du parlementaire sur celui des travailleurs salariés (a priori de la fonction publique). Les députés seraient de la sorte soumis au même régime de chômage (qui remplacerait les indemnités de sortie) et de pension qu’eux, plutôt que de bénéficier d’un régime à part. “C’est une réforme structurelle qui apporte plus de solidarité, plus de clarté, et permet d’être traité comme tous les salariés”, justifie Gilles Vanden Burre.

Une baisse de 40 à 50 % de la rémunération

Les Engagés sont “en train de travailler à un paquet de mesures de gouvernance” et le dévoileront le moment venu. Dans l’intervalle, ils rappellent que leur manifeste formule déjà des propositions en matière de décumul (mandats et rémunérations) et de limitation du nombre de mandats dans le temps.

Seuls Écolo et le PTB défendent une réduction pure et simple de la rémunération parlementaire. C’est le PTB qui y va le plus fort. Il plaide pour la suppression de toutes les indemnités complémentaires liées aux fonctions parlementaires spéciales (président et vice-président d’assemblée, président de commission, chef de groupe, membre du bureau). En plus, estime-t-il, “il est essentiel de réduire le revenu des parlementaires de moitié. Un salaire de député dépasse aujourd’hui les 6 000 euros net par mois en comptant les frais défiscalisés. Il doit être divisé de moitié pour se rapprocher du revenu moyen de la population – et que tous les types de revenus soient évidemment soumis à l’impôt.”

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Écolo défend une diminution de 40 % de la rémunération parlementaire. Cette baisse passerait par une réduction de 10 % du salaire de base et la suppression de l’indemnité forfaitaire pour frais exposés (qui pèse pour 30 %). “Il est normal qu’un parlementaire soit bien payé. La démocratie a une valeur. Mais aujourd’hui, les montants sont trop importants. Nous estimons qu’un député doit avoir un salaire d’environ 8 000 euros brut par mois. Ce qui reste très confortable”, expose Gilles Vanden Burre. En ce qui concerne les indemnités complémentaires, les verts maintiennent uniquement celles du président de la Chambre et des chefs des groupes politiques en raison de la charge de travail qu’impliquent ces fonctions, mais en les limitant à 20 % de la rémunération de base.