Belgique

Pénurie de médicaments : les pays européens veulent éviter un nouveau fiasco et réduire leur dépendance à la Chine et l’Inde

Pourtant, de nombreux médicaments de base sont venus à manquer récemment. En particulier en décembre 2022, alors que la grippe frappait à la porte des ménages encore essoufflés par le coronavirus.

Pour remédier à cela, 18 pays européens (dont la Belgique, la France et l’Allemagne) viennent de publier une “note” – un “non-paper”, comme on dit dans le jargon européen – pour éviter de reproduire les erreurs du passé. Et prendre inspiration du Chips Act et du Raw Materials Act (initiatives de l’Union européenne concernant les semi-conducteurs et les matières premières) pour faire de même dans le secteur des médicaments.

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« Il est de notre responsabilité de garantir que le traitement des personnes ayant un besoin parfois vital de médicaments ne soit pas interrompu. »

”Il est de notre responsabilité de garantir que le traitement des personnes ayant un besoin parfois vital de médicaments ne soit pas interrompu. C’est pourquoi nous collaborons au niveau européen afin de pouvoir agir plus rapidement face à une menace de pénurie d’un médicament”, explique le ministre fédéral belge de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit), à La Libre. “En outre, nous voulons éliminer les dépendances trop fortes vis-à-vis des pays extérieurs à l’UE, comme la Chine et l’Inde”, renchérit-il.

Selon les enquêtes menées auprès des pharmaciens de l’Union européenne, 75 % des pays ont constaté une aggravation des pénuries. Qui plus est, les notifications de pénuries ont augmenté de 60 % entre 2017 et 2019, avant la pandémie donc, qui a elle-même amplifié le phénomène.

Pénurie de médicaments : « Si la Chine stoppe ses exportations vers l’Europe, ça pourrait être plus violent que les bombes qui tombent en Ukraine »

Il faut dire que les pays du monde entier, mais en particulier en Europe, ont préféré laisser la Chine produire, par exemple, le paracétamol utilisé dans le monde entier et l’Inde pour de nombreux médicaments génériques. À titre informatif, la Chine produit environ 45 % du paracétamol mondial. Et le problème existe également pour des médicaments plus spécifiques mais également plus “vitaux”, comme l’insuline ou des antipyrétiques (anti-inflammatoires) spécifiques.

Les raisons des pénuries sont complexes et vont des augmentations inattendues de la demande aux problèmes de fabrication et de qualité, en passant par les fermetures ou délocalisations d’usines, les goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement et les politiques de réglementation et de remboursement”, précise la note que nous avons pu consulter, qui pointe également, et regrette, que l’UE soit “de plus en plus dépendante des importations de quelques fabricants et régions”.

Des solutions à mettre en place à l’échelle européenne

Néanmoins, le secteur est complexe et les pénuries pas toujours faciles à anticiper. “Compte tenu de la complexité des problèmes et des risques qui y sont associés, nous pensons que l’UE doit prendre des mesures plus radicales pour améliorer la sécurité de l’approvisionnement en médicaments”, avance encore la note.

Parmi les solutions, la note avance la création d’une liste claire des médicaments “critiques”, comme le fait d’ailleurs la Belgique à son niveau, afin d’anticiper les problèmes. Une liste qui devra donc faire appel aux entreprises concernées, tout en “évitant de créer une charge administrative excessive pour les entreprises”, précise le document.

La note prône également la mise en place d’un mécanisme de solidarité de l’Union européenne. “Les États membres dont les stocks de médicaments importants sont extrêmement bas et qui ont épuisé toutes les autres options disponibles peuvent envoyer une notification par l’intermédiaire de ce mécanisme, à laquelle d’autres États membres peuvent répondre pour apporter un soulagement temporaire. En outre, le mécanisme devrait inviter les fabricants et les grossistes à participer”, peut-on lire.

La question des grossistes est d’ailleurs importante. Le ministre Frank Vandenbroucke a dû forcer la main récemment et prendre un arrêté royal pour stopper certaines exportations depuis la Belgique faites par les grossistes, selon le ministre, attirés parfois par les pays où les prix de vente sont plus intéressants. Reste à voir comment ce genre d’arrêté et de travail avec les grossistes prendra forme dans les prochains mois. Ces derniers démentent d’ailleurs être à l’origine de la pénurie.

En cas de pénurie, plus d’exportation de médicaments essentiels

Enfin, la note, dans sa volonté de s’inspirer du Chips Act et du Critical Raw Material Act donc, souhaite la mise en place d’une loi sur les médicaments essentiels pour en soutenir la fabrication en Europe. “La loi doit être considérée comme une boîte à outils composée de différents instruments et doit être envisagée comme un complément à la révision européenne de la législation pharmaceutique”, avance la note, qui se veut comme un premier coup de pied dans la fourmilière.

L’énorme claque du Covid-19 a sonné l’Europe. Elle veut désormais se parer contre un éventuel coup de poing.