Belgique

”Nos prisons sont déjà une usine à récidive” : les directeurs demandent le report de la deuxième phase de l’exécution des courtes peines

Pour rappel, jusqu’au 1er septembre 2022, les peines d’emprisonnement entre 6 mois et 3 ans étaient systématiquement converties en une surveillance électronique.

Il y a 163 détenus “au sol” dans les prisons belges, obligés de dormir sur un matelas posé à terre

Passage obligé par la case prison

Le système a changé depuis lors. C’est désormais un juge, unique, de l’application des peines (ou JAP) qui doit intervenir pour décider du sort des condamnés à des peines de 2 ans à 3 ans d’emprisonnement. Autrement dit : il y a désormais un passage obligé par la case prison. Les intéressés peuvent ensuite demander au JAP des modalités d’exécution de cette peine : une surveillance électronique ; une détention limitée (la nuit, pour travailler le jour, par exemple) ; une libération conditionnelle… Le juge prend ensuite sa décision.

Combien de condamnés à des peines de 2 à 3 ans sont-ils aujourd’hui incarcérés ? Mercredi, l’administration pénitentiaire n’était pas en mesure de fournir des statistiques. Selon certains échos, ils seraient moins de 200… Ces chiffres sont difficiles à interpréter, certains de ces “nouveaux” condamnés étant déjà sous les verrous en détention préventive ou pour purger une autre peine.

En plus des autres détenus

Quoi qu’il en soit, ces personnes, qui étaient censées être prises en charge dans des maisons de détention, sont venues s’ajouter à la cohorte des détenus dans les prisons traditionnelles. Dans son accord de gouvernement, l’équipe Vivaldi avait programmé l’ouverture d’une quinzaine de maisons de détention, réparties sur tout le pays (720 places au total). Ces prisons à petite échelle visent à faciliter la réinsertion des courtes peines.

Mais malgré tous ses efforts, le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD), se heurte systématiquement au syndrome “Nimby” dans les localités où l’implantation d’une maison de détention est pressentie… Aujourd’hui, une seule fonctionne, à Courtrai, sur ses terres.

Oui aux maisons de détention, mais pas à côté de chez soi

Les directeurs ont fait leurs comptes.

Dans ce contexte, le Conseil des ministres doit se pencher, ce vendredi, sur la mise en œuvre d’une deuxième phase : l’exécution des peines d’emprisonnement de 6 mois à 2 ans, à partir du 1er septembre 2023. Jusqu’ici, ces peines sont effectuées à domicile, avec un bracelet électronique.

Et c’est cela qui fait réagir l’Association francophone des directeurs de prison (AFDP). La vague de condamnés à de courtes peines n’a pas encore déferlé dans les prisons, en raison du phasage décidé par le gouvernement, explique Vincent Spronck, directeur de la prison de Mons, pour l’AFDP. L’immense majorité des peines de moins de 3 ans sont en fait des peines entre 6 mois et 2 ans, précise-t-il.

Les directeurs ont fait les comptes pour les prisons de Bruxelles et du sud du pays : si la nouvelle procédure avait aussi concerné cette catégorie de condamnés, en mars 2023, il y aurait eu environ 150 détenus en plus du côté francophone – 250 pour l’ensemble du pays.

Des libérations au compte-gouttes

En outre, les délais prévus pour que le juge de l’application des peines (JAP) prenne sa décision (endéans les deux mois) ne sont pas respectés et le dispositif de la suspension de peine (qui aurait dû permettre aux condamnés d’êtres libérés le temps que le JAP prenne sa décision) est “totalement anecdotique”, affirme M. Spronck.

Si on ouvre le robinet du côté des écrous que les libérations se font au compte-gouttes, les prisons vont forcément déborder… ” Nous ne contestons pas la réforme, mais son timing dangereux, insiste le directeur de la prison de Mons. La surpopulation qui en découlera aggravera, encore, les problèmes de violence, de maladie mentale, d’insalubrité, de manque de moyens… Alors que nos prisons sont déjà une usine à récidive.”

Cela mettra en péril la sécurité, notamment du personnel, dans les prisons, soulignent les directeurs francophones. Qui demandent “solennellement” au gouvernement de surseoir à la mise œuvre de la deuxième phase.