Belgique

« Les femmes font ce qu’elles veulent », « Ça frôle le mauvais goût »: nos politiques sont-elles prêtes à poser dans Playboy, comme Marlène Schiappa

Isabelle Rome, successeur de Marlène Schiappa au poste de ministre de l’égalité entre les hommes et les femmes a de son côté mis en doute l’efficacité de cette intervention médiatique pour faire avancer la cause des femmes.

“Prétendre que poser dans Playboy fera avancer la liberté des femmes, j’en doute sérieusement. La sienne, peut-être. Celle des autres, non. Je rappelle que son fondateur, Hugh Hefner, a été poursuivi pour agression sexuelle. À un moment donné, il faut choisir ses supports”, a-t-elle indiqué, déplorant que cet épisode fasse une “énorme publicité” à Playboy, magazine qui ne sera “jamais l’allié des femmes.”

Malgré les tentatives de Playboy pour redorer son image, le magazine est en effet encore largement associé à son fondateur et aux Playboy girls, archétypes de la femme objet hypersexualisée.

Pour le docteur en sciences de l’information et de la communication Nicolas Baygert, le timing de la ministre est très mal choisi.

Nicolas Baygert docteur sciences information communication enseignant professeur
Nicolas Baygert docteur sciences information communication enseignant professeur ©Jean Luc Flemal

“Marlène Schiappa n’a plus aucune fonction en lien avec la cause des femmes. Elle est chargée de l’économie sociale. Sa présence dans Playboy pour parler féminisme ne semble ni justifiée ni pertinente et fait davantage à une stratégie personnelle qu’à une stratégie politique. Elle a déjà démontré par le passé sa volonté de faire parler d’elle, en participant à des émissions d’Hanouna par exemple mais là ça va trop loin. Cette médiatisation frôle le mauvais goût et est en décalage avec les préoccupations des Français”, observe-t-il.

“Quoi qu’on en dise, Playboy reste un magazine de charme. Les photos sont assez discutables, je ne suis pas persuadé qu’elles vont augmenter son capital sympathie. Je trouve ça plutôt navrant. Marlène Schiappa a réalisé un happening médiatique : tout le monde parle d’elle alors qu’il y a beaucoup d’autres sujets d’actualité plus importants en ce moment.”

Nos femmes ministres et députées dans Playboy?

La participation de Marlène Schiappa, secrétaire d’État française chargée de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative au dernier numéro de Playboy n’a pas fini de faire parler d’elle. Si beaucoup ont d’abord cru à un canular, la une du magazine de charme paru ce jeudi leur a donné tort. De nombreuses critiques ont fusé aussitôt, dans l’opposition bien sûr, mais aussi sein du parti LREM. Et chez nous, qu’en pense-t-on? Zuhal Demir, Joëlle Milquet, Opaline Meunier et Jacqueline Galant nous donnent leur avis.

Nawal Ben Hamou: « Personnellement je n’aurais pas fait ce choix »

Brussels region State Secretary for Equal Opportunities and Worhsip Services Nawal Ben Hamou pictured during a press conference of the Brussels Capital Region government regarding the 2023 budget, Wednesday 12 October 2022 in Brussels. BELGA PHOTO NICOLAS MAETERLINCK

Selon la secrétaire d’État au Logement et à l’Égalité des chances Nawal Ben Hamou (PS), l’opinion publique a tendance à juger plus sévèrement les femmes que les hommes sur les formes qu’elles utilisent pour faire passer leurs messages politiques.

« Je ne me permettrais pas de juger le choix médiatique de Marlène Schiappa ou la façon dont elle a souhaité exprimer son combat féministe, surtout sans avoir pu lire le contenu de son interview », explique-t-elle. « Mais il est interpellant de constater qu’une fois de plus, quand il s’agit d’une femme politique, on s’arrête à la forme avant d’analyser le fond », déplore la socialiste. Nawal Ben Hamou ne compte pas pour autant prendre la pose. « Personnellement je n’aurais pas fait ce choix », précise-t-elle.

Zuhal Demir: La polémique est exagérée mais je ne m’y risquerais pas

Zuhal Demir ministre flamand environnement Genk NVA
©Jean Luc Flemal

Une femme politique peut-être prendre la pose en tenue sexy pour un magazine ? La question a déjà été posée par le passé à Zuhal Demir, actuelle ministre de l’Environnement, de la Justice, du Tourisme et de l’Énergie. Pour rappel, en 2015, celle qui était alors députée à la Chambre défrayait la chronique en participant à une séance photo sexy sur les banquettes de la Chambre pour le magazine flamand P-Magazine, lui valant de nombreuses critiques.

“Je pense que les critiques à l’encontre de Marlène Schiappa suite à la parution de ses photos dans Playboy sont injustifiées. Ce ne sont que des photos en robe blanche. On est au 21ème siècle ! Jean-Luc Dehaene s’est assis sur un taureau comme un cow-boy en criant Jihaaaa ! et on ne lui a rien reproché. Mais quand une femme met une tenue de soirée pour prendre la pose pour quelques photos, ça fait tout un scandale. Le tapage est exagéré, mais soyons clairs : je ne vais pas me risquer à poser dans Playboy”, affirme la ministre NVA.

Jacqueline Galant: « Ce n’est pas le rôle d’une politique de se retrouver dans ce magazine »

MR's Jacqueline Galant pictured during a plenary session of the Walloon Parliament in Namur, Wednesday 01 February 2023. BELGA PHOTO BRUNO FAHY
MR’s Jacqueline Galant pictured during a plenary session of the Walloon Parliament in Namur, Wednesday 01 February 2023. BELGA PHOTO BRUNO FAHY

Poser dans Playboy, très peu pour Jacqueline Galant? “Les photos ne sont pas choquantes. Mais est-ce vraiment le rôle d’un homme ou d’une femme politique de se retrouver dans ce genre de magazine? Je pense qu’on peut défendre les droits des femmes sans passer par là”, affirme la bourgmestre de Jurbise. “Pour moi, ce genre de magazine nuit à l’image des femmes, pourquoi continuer à représenter les femmes dans ces positions-là? Je pense personnellement qu’il y a d’autres moyens pour faire avancer le débat qu’en choisissant un magazine connu pour ses contenus à connotation sexuelle. Je comprendrais que Marlène Schiappa fasse ce genre de photos dans la sphère privée mais les utiliser publiquement, c’est autre chose. Personnellement, j’ai plutôt l’impression que ce type de communication nuit encore plus à l’image des femmes dans la société.”

Joëlle Milquet: « Dans Playboy ? En tant que politique, jamais ! »

Joëlle Milquet: «Mon premier vote, c’était pour Philippe Maystadt»
Joëlle Milquet: «Mon premier vote, c’était pour Philippe Maystadt»

“L’interview et les photos de Marlène Schiappa dans Playboy me laissent perplexe. Je peux comprendre qu’on défende une vision féministe et qu’on ait envie de faire passer un message mais faut-il pour autant le faire dans un média qui a largement contribué à représenter les femmes comme des objets sexuels ? Play-boy n’est quand même pas réputé pour avoir œuvré pour l’égalité entre les hommes et les femmes”, estime l’ex-présidente du cdH Joëlle Miquet.

“Le moment est assez mal choisi”, poursuit-elle. “La France est au bord de l’implosion, la population se sent peu valorisée, peu écoutée. En pleine crise, ce n’était peut-être pas très adéquat, d’autant plus que le type de support choisi pose question. Plus largement, je pense qu’en tant que politique, on doit garder une certaine distance, une certaine réserve. Poser dans Playboy ? en tant que politique, jamais ! Je ne le conseillerais à personne. Faut-il en faire un scandale pour autant ? Il ne faut jamais être excessif.”

Opaline Meunier: « Les femmes vont où elles veulent ! Même dans Playboy. »

Opaline Meunier
©Alexis Haulot

“La place d’une femme est-elle dans Playboy ? Pour moi, la réponse est simple : la place d’une femme est absolument où elle veut », affirme Opaline Meunier (MR).

« En tant que féministe éprise de liberté, je ne vais pas jouer à la police de la pensée et dire à une femme ce qu’elle peut faire ou pas. C’est même la base du féminisme. D’un point de vue politique, je trouve que le choix de Marlène Schiappa est osé. Elle est allée sur un terrain où les politiques ne vont habituellement pas. C’est une façon de faire passer son message auprès d’un public qui n’y serait pas forcément réceptif autrement. C’est aussi le rôle des politiques d’aller là où on ne les attend pas forcément pour toucher un large public. Beaucoup de gens ne croient plus en la politique ou ne s’y intéressent tout simplement pas. Est-ce que je le ferais ? Playboy reste un outil d’oppression de la femme. S’attaquer aux outils du patriarcat, comme le fait Marlène Schiappa c’est une méthode bien connue des militants. Par contre ce qui me dérangerait personnellement, c’est de rapporter de l’argent à un magazine comme ça.”