Belgique

Le coup de main d’Elio Di Rupo, le soutien de Sophie Wilmès, le “Valet noir” de De Croo : les coulisses du sauvetage d’Hadja Lahbib

Mais les menaces pesant sur la vie du gouvernement De Croo ont conduit les rouges et les verts à accepter un atterrissage. La logique des partis l’a emporté sur la pure dynamique du travail parlementaire. Ce jeudi, en séance plénière, le groupe PS et le groupe Écolo/Groen approuveront la “motion pure et simple” qui avait été déposée par les libéraux. Ce vote aura pour effet de faire sauter les motions de méfiance individuelle de la N-VA et du Vlaams Belang contre Hadja Lahbib. Cette dernière conservera son maroquin, à moins d’une démission spontanée.

Retournement de situation, mardi : les verts et les rouges ne réclament plus la tête d’Hadja Lahbib

Sophie Wilmès et le “bloc” libéral

Comment expliquer le revirement du PS et des écolos ? Un accord secret a-t-il été signé avec le MR afin d’organiser un donnant-donnant ? Aucun, jure-t-on dans toutes les formations concernées. Il s’agissait uniquement de sauver le gouvernement fédéral. Georges-Louis Bouchez, président du MR, avait expliqué à ses différents interlocuteurs politiques qu’il ne lâcherait jamais sa ministre. Autrement dit, si Hadja Lahbib était contrainte de démissionner, l’avenir de la Vivaldi aurait été mis en cause. Cette position ferme a été validée par le bureau exécutif du MR, dimanche. Et encore lundi matin, lors d’une réunion entre les députés MR des différents parlements.

Le MR était soudé comme rarement, ce qui n’est pas dans nos habitudes”, note avec ironie un poids lourd libéral. En particulier, Sophie Wilmès, ancienne Première ministre et ancienne ministre des Affaires étrangères, a joué un rôle important. En soutien discret d’Hadha Lahbib sur le plan personnel mais aussi, de manière plus visible, sur le plan politique. Lundi, en commission, alors qu’Hadja Lahbib subissait à nouveau le feu parlementaire, Sophie Wilmès (qui est redevenue députée fédérale) a défendu avec force sa successeure à la rue des Petits Carmes. À la fin de son audition, Hadja Lahbib a fendu la foule des parlementaires afin de la remercier chaleureusement.

BRUSSELS, BELGIUM - SEPTEMBER 22 : Plenary session of the federal parliament. Sophie Wilmes (MR), MP pictured talking on SEPTEMBER 22, 2022 in Brussels, Belgium, 22/09/2022 ( Photo by Philip Reynaers / Photonews
Sophie Wilmès, ancienne Première ministre et ancienne ministre des Affaires étrangères, a joué un rôle important. ( Photo by Philip Reynaers / Photonews ©PRE

De Croo chez le Roi ?

Le bloc libéral était renforcé par l’appui de l’Open VLD, parti frère du MR en Flandre et parti du Premier ministre. Plusieurs sources socialistes nous affirment qu’Alexander De Croo a évoqué à plusieurs reprises la possible chute du gouvernement auprès du vice-Premier ministre PS, Pierre-Yves Dermagne. “Alexander nous a dit que si nous ne votions pas la motion pure et simple, il irait au Palais présenter sa démission, que le Roi la refuserait et que le problème serait alors chez nous, confie un socialiste. Il sous-entendait qu’on aurait le Valet noir, que nous aurions la responsabilité de la crise aux yeux des gens.” Important : contacté mercredi au sujet de ces informations, le cabinet du Premier ministre affirme qu’Alexander De Croo n’aurait pas menacé de faire chuter sa coalition gouvernementale sur le cas Lahbib.

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Alexander nous a dit que si nous ne votions pas la motion pure et simple, il irait au Palais présenter sa démission, que le Roi la refuserait et que le problème serait chez nous. Il sous-entendait qu’on aurait le Valet noir, que nous aurions la responsabilité de la crise aux yeux des gens. »

Elio Di Rupo, le démineur

Face à la cristallisation des positions – un phénomène dangereux dans la vie des gouvernements -, plusieurs médiateurs sont discrètement intervenus afin de désamorcer la bombe. Elio Di Rupo, notamment. Le ministre-Président wallon a le double avantage d’être socialiste tout en étant très apprécié par Georges-Louis Bouchez. Lundi, Alexander De Croo et Elio Di Rupo se sont croisés sur le site de la sucrerie de Fontenoy (Antoing), qui annonçait la construction d’un nouveau silo high tech de 30 millions d’euros. “Au sujet de la crise autour d’Hadja Lahbib, Elio a fait preuve de beaucoup d’empathie à l’égard d’Alexander”, note une source fédérale. Mardi, le ministre-Président wallon et ancien Premier ministre faisait chauffer son téléphone pour arrondir les angles entre socialistes et libéraux.

Ce travail a été utile. Mais le facteur le plus déterminant dans la résolution de la crise reste le piège constitutionnel qu’avaient dressé les libéraux devant le PS et les écolos, à savoir la fameuse “motion pure et simple” évoquée plus haut. “Si le PS et Écolo avaient refusé de la voter jeudi, en plénière, il aurait fallu passer au vote des motions de méfiance contre Hadja, insiste un libéral. Mais Alexander De Croo aurait refusé d’aller jusque-là et, même s’il le dément, il serait alors immédiatement parti au Palais.” Les socialistes et les écologistes auraient hérité du Zwarte Piet, du Valet noir, un handicap politique qu’ils voulaient absolument éviter…

Pourquoi la Vivaldi va survivre à l’affaire Lahbib : analyse

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