Belgique

Le CD&V assouplit sa position sans doute plus par pragmatisme ou par opportunisme que par conviction

Il y a d’abord la personnalité du nouveau président du parti. Sammy Mahdi, sait se montrer pragmatique et réaliste. Il sait aussi que la société a beaucoup changé en peu de temps. Il estime que les questions touchant à la vie humaine doivent être discutées en toute sérénité. Pour Mahdi, il faut prendre le temps et organiser un débat public. Avec une obsession : protéger les plus faibles. Ce n’est un secret pour personne : Sammy Mahdi admire Adolf Daens, ce prêtre-ouvrier qui, sa vie durant au cours du XIXe siècle, tenta d’améliorer les conditions de vie des ouvriers à Alost. Dans le dossier de l’interruption involontaire de grossesse, cela revient à tenir compte de la détresse des femmes en souffrance.

La Vivaldi ne se divise pas (encore) sur l’avortement

ADN chrétien

Le président Mahdi répète à l’envi qu’il souhaite un parti qui a le cœur au bon endroit et qui s’engage. Il l’avait écrit dans son livre “Van hol naar vol” paru en 2021 avant qu’il n’accède à la présidence du parti : le CD&V doit cesser de jouer les intermédiaires. Sa voix doit retentir dans le débat public. Et Mahdi fait ce qu’il dit. Certes, il n’a pas obtenu d’accord flamand sur une hausse du montant des allocations familiales en septembre dernier. Mais il a tenu en haleine le gouvernement flamand avec l’accord azote.

En ce qui concerne l’IVG, Sammy Mahdi a toujours affirmé ne pas vouloir “revenir à la préhistoire”. Il veut même aller de l’avant puisque le parti chrétien-démocrate a ouvert la porte à un allongement, fût-il modeste, du délai légal d’avortement jusqu’à 14 semaines. Les esprits semblent donc mûrir au sein du CD&V, qui à l’instar du CDU en Allemagne ou de CDA aux Pays-Bas, peine pourtant souvent à expliquer l’origine de la lettre C de son patronyme. Le président du CD&V refuse cependant de banaliser les questions éthiques. Il sait que ce serait un suicide pour son parti. Et c’est sans doute bien pourquoi il a refusé d’aller jusqu’à 18 semaines comme le recommandent la plupart des autres partis.

Le CD&V risque-t-il de perdre sa crédibilité de revirement en revirement ? Selon Nicolas Bouteca, politologue à l’UGent, l’impact de ce nouveau positionnement du CD&V auprès de l’électorat du parti sera plutôt limité. “Dans notre pays, l’électeur CD&V est relativement progressiste à l’image des Flamands eux-mêmes en ce qui concerne les questions éthiques”, nuance le politologue qui se dit à peine surpris de ce léger revirement du parti centriste.

Avortement : la pression va monter sur le CD&V

L’électorat évolue

Le politologue précise cependant que la situation prendrait une tout autre tournure pour le CD&V si d’autres questions éthiques (comme l’euthanasie) devaient se retrouver également au Parlement. Mais ce risque d’embrasement est plutôt faible à un an des élections.

Du reste, le repositionnement du CD&V dans le dossier IVG tient sand doute avant tout à la stratégie politique. “En se montrant plus flexible sur l’IVG, résume Nicolas Bouteca, le CD&V espère sans doute gagner des points sur d’autres dossiers en suspens au sein de la Vivaldi, comme la réforme fiscale par exemple où il pourrait demander à ses partenaires de faire des concessions à leur tour.

Quel sera l’effet de ce revirement sur le comportement des membres de l’aile conservatrice du parti ? “Les conséquences seront relativement limitées dans la mesure où cet électorat traditionnel a aussi changé”, pronostique le politologue.