Belgique

La cavale rocambolesque de Mohamed Abrini

Personne, pensait-on, ne pouvait ignorer son visage. Et pourtant… Comme l’a montré un témoignage, lu jeudi devant la cour d’assises, Mohamed Abrini, dont les portraits ont été diffusés à maintes reprises à la télévision ou sur internet, a passé des soirées au café et a été hébergé chez une femme, sans que l’on ne se doute de rien.

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Cette femme, alors âgée de 44 ans, se prénomme Assia. Cocaïnomane, elle habitait dans un appartement, chaussée de Mons à Anderlecht. Sous certificat médical, elle ne s’est pas présentée devant la cour d’assises. Son témoignage, recueilli par les policiers, a été lu.

Après le 22 mars 2016, Mohamed Abrini était en cavale. Il a logé – on ne sait pas exactement combien de jours – chez un autre accusé, Hervé Bayingana. Il aurait, selon ses dires, dormi quelques nuits dans le parc de Forest.

Le 5 avril 2016, dans la soirée, il était dans un café près des abattoirs d’Anderlecht, non loin des fameuses statues de taureau. À 23 h 00, Assia vient dans ce café pour y rencontrer un ami. Il n’est pas là. On lui dit qu’il viendra une heure plus tard. Un homme jouait déjà au bingo. À 23 h 30, elle revient. Son ami n’est toujours pas là. Elle va fumer une cigarette dans le fumoir. Elle retourne dans le café. Son ami est là et il lui procure du haschisch.

Des liasses de billets

Assia a soif. Elle n’a pas d’argent. Elle se dirige vers un trio qui joue au bingo, une activité dont on sait que Mohamed Abrini est accro de longue date. Il y a “un noir, un bouclé et un homme avec une casquette”. Elle fait la manche. L’homme à la casquette répond positivement. C’est Mohamed Abrini. Il avait sur lui, a raconté Assia, des liasses de billets de 50 et de 20 euros. Il change un billet au bar et donne 10 euros à Assia.

”Je lui ai dit de ne pas user tout son argent au bingo”. La conversation s’engage. “Il m’a dit qu’il passait son temps car sa famille était en Allemagne et qu’il ne savait pas rentrer chez lui. Je lui ai demandé pourquoi il n’allait pas à l’hôtel. Il m’a dit que les hôtels demandaient une carte d’identité et que la sienne était toujours dans sa chambre chez ses parents”.

Assia va fumer une autre cigarette au fumoir. Il lui paie une bière. Elle propose à Abrini de l’héberger. Il accepte et lui propose de la dédommager. Vers 01 h 00, ils quittent ensemble le café pour rejoindre l’appartement d’Assia, situé à une petite dizaine de minutes à pied. Mohamed Abrini, a-t-elle raconté, n’avait qu’une petite sacoche avec lui.

Une descente de police inopinée

Détail surprenant : alors qu’ils étaient dans le café, une patrouille de police a pénétré dans l’établissement. Ce n’était pas un contrôle mais une simple vérification.

Ce n’était pas la première soirée de Mohamed Abrini dans ce café. L’ami d’Assia lui a raconté que, récemment, l’homme à la casquette venait souvent au café, restant seul jusqu’à la fermeture.

Hebergé par Assia sans qu’elle ne l’ait reconnu, Mohamed Abrini était très discret et regardait la télé quasi toute la journée.

Mohamed Abrini dormira trois nuits sur un matelas dans l’appartement d’Assia. Le premier jour, il lui demandera du pain et lui donnera 50 euros pour les courses. Il ne sortait pas après 16 h 00. “Il était normal et ne priait pas”. Il était discret et regardait la télé toute la journée.

Le vendredi 8 avril 2016, en début de soirée, Assia est seule à la maison, dans sa salle de bains. Elle allume la télé, dans l’attente de “Plus belle la vie” qu’elle regarde tous les jours. Il y a un flash info sur l’arrestation de Mohamed Abrini, capturé non loin de chez elle, par la police, qui l’avait suivi depuis l’appartement d’Hervé Bayingana.

Elle est choquée car elle reconnaît l’homme qu’elle a hébergé. Elle ne sait que faire. Elle se teint les cheveux. Elle descend les poubelles. La police l’arrête.

Et, au cours de ses auditions, elle l’assure. Elle ne l’avait pas reconnu. Et quand les policiers lui demandent si elle n’a pas vu les avis de recherche, elle le répète : elle ne l’a pas reconnu. Chez elle, avec Abrini, elle a pourtant vu ces reportages à la télé sur “l’homme au chapeau”. Abrini ne commentait pas. “Si cela avait été Salah Abdeslam”, je l’aurais reconnu assure-t-elle.

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