Belgique

Le Belge Raphaël Liégeois poursuit son entraînement intensif d’astronaute : “Aller dans l’espace, c’est vraiment une épreuve physique et psychologique”

Lors de cette visite, le Roi et la Reine ont participé à une table ronde avec des universitaires et des acteurs économiques, afin de discuter de l’approfondissement des relations entre la Belgique et l’Allemagne dans le secteur spatial. Exemple majeur : la déclaration commune en vue d’implanter le télescope Einstein dans la zone frontalière des trois pays.

Un dossier majeur glissé dans les valises de la prochaine visite royale en Allemagne

Raphaël Liégeois était l’un des intervenants. Ce Belge sélectionné pour devenir l’un des cinq nouveaux astronautes de carrière à l’ESA (agence spatiale européenne) poursuit son entraînement au Centre européen des astronautes de Cologne, dirigé par Frank De Winne.

Comment se passe votre formation, à Cologne ?

Très bien. C’est un peu une année de retour à l’école, avec des cours à suivre et des examens. Mais c’est aussi différent de dans le sens où nous avons une variété énorme de sujets.

Vous avez notamment participé à un exercice dans la mer baltique, en canot. Quel était l’objectif ?

L’idée, c’était d’apprendre à manipuler les outils de survie en mer. Lors d’un amerrissage, il se peut qu’on ait à utiliser cela. L’exercice était couplé à du team working, pour travailler sur la cohésion et la manière de résoudre des problèmes en équipe. Nous avons eu également une simulation de blessure à bord. Dans ce type de mission, chacun a un rôle à tenir et on essaye de s’en sortir.

Il semble que l’exercice en piscine, en combinaison d’astronaute, à 10 mètres de profondeur, soit le plus difficile.

https://www.lalibre.be/planete/sciences-espace/2021/02/16/herve-stevenin-instructeur-au-centre-des-astronautes-de-cologne-et-ancien-candidat-on-est-dans-le-meme-etat-desprit-que-les-sportifs-aux-jo-XIVEEHPVMFD3ZC3RELMNZ7VWLY/

J’ai surtout trouvé ça génial, car c’est un pas de plus vers le fait d’endosser le costume d’astronaute. Cette partie de l’entraînement en sortie extra-véhiculaire, c’est vraiment l’image d’Epinal qu’on se fait du travail d’astronaute. C’était une étape émotionnellement importante, et physiquement difficile.

Pourquoi ?

Cela représente 90 minutes en plongée, avec un équipement extrêmement encombrant et lourd. Nous devons effectuer des opérations, être physiquement actifs pendant 90 minutes. C’est une vie ferrata sous l’eau (Ndlr : itinéraire aménagé dans une paroi rocheuse). C’est intensif et il faut suivre une procédure bien précise, en communication radio avec le centre de contrôle. Mais les vrais sorties extra-véhiculaires dans l’espace, cela dure jusqu’à 6 heures.

Cette sortie en piscine ressemble-t-elle vraiment à ce qu’on ressent dans l’espace ?

C’est qu’on peut faire de plus proche, sans faire de vol parabolique. Même si, quand on a la tête en bas dans l’eau, on se rend compte qu’on a la tête en bas, que le sang descend vers la tête. Alors que dans l’espace, pas du tout.

Quels sont les autres aspects de l’entraînement ?

Il y a trois semaines aux Pays-Bas, on a fait la centrifugeuse. C’est comme la machine pour essorer la salade, sauf qu’on met des gens dedans et qu’on la fait tourner pour qu’on ressente une gravité 5 à 6 fois plus élevée que la gravité terrestre. Il faut être au point physiquement. Il s’agit d’acquérir les connaissances qui sont indispensables pour faire une mission spatiale. Pour le moment, nous accomplissons ce qu’on appelle l’entraînement de base. Nous sommes encore astronautes candidats. Mais fin avril, après cet entraînement de base de 13 mois au total, nous serons astronautes.

Quand pourrez-vous pourrez aller dans l’espace ?

Nous sommes cinq dans la classe de 2022, et il y a cinq vols prévus pour des Européens entre 2026 et 2030. Des vols de six mois à chaque fois.

Vous êtes donc assuré, si vous réussissez vos examens, d’aller dans l’espace d’ici à 2030.

D’ici à 2030, oui, si rien de mal ne se passe d’ici là. Le plan, c’est que les cinq astronautes soient assurés d’y aller (il touche la table en bois de son poing).

Vous poursuivrez bientôt votre formation à Houston ?

C’est une première visite de familiarisation avec le site. Car le premier d’entre nous qui se verra assigner une mission devra s’entraîner à Houston pendant deux ans.

Vous aviez déjà rencontré le Roi à plusieurs reprises ?

Non, mais il m’a invité à Laeken après ma sélection. J’ai été très agréablement surpris de son enthousiasme pour le sujet, par ses connaissances aussi. Cela le passionne.

Comment le formateur s’assure-t-il que vous êtes prêts physiquement et psychologiquement à tenir le choc d’une mission spatiale ?

C’est un des gros défis. Physiquement, on suit entraînement relativement intensif de 7 heures par semaine. Il est assez spécifique sur certains muscles dont on sait qu’ils vont fondre pendant les 6 mois d’impesanteur. On fait aussi beaucoup de sport à bord de la station spatiale internationale, car cela reste une épreuve physique. En 6 mois, on perd 20 % ou plus de masse musculaire. Nous perdons en densité osseuse l’équivalent de ce qu’une personne âgée perd sur terre en 20 ans. C’est vraiment une épreuve physique et psychologique à laquelle on doit être préparé.

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« Dans l’espace, il faut pouvoir arrondir les angles en cas de conflits et gérer 6 mois de solitude »

Il faut un profil particulier pour être astronaute ?

Évidemment, il ne faut pas une personne colérique ou qui va générer des conflits trop facilement. C’est un des critères dans la sélection. Il faut quelqu’un qui va pouvoir arrondir les angles en cas de conflits et gérer 6 mois de solitude.

Vous êtes le seul des cinq aspirants astronautes à avoir des enfants. D’un point de vue personnel, c’est compliqué d’être loin de la famille ?

Oui, mais la famille est venue avec nous à Cologne. Ceci étant, c’est quand même un aspect difficile et ce le sera encore davantage quand je serai basé à Houston (Ndlr : pour la formation de deux ans). Ensuite, je serai complètement pris par la mission, qui va durer 6 mois. J’essaie de privilégier la qualité du temps que je passe en famille.

Ça vous fait toujours autant rêver le métier d’astronaute, maintenant que vous découvrez mieux ses différents aspects, via l’entraînement ?

Ça me fait toujours rêver, j’ai toujours autant de plaisir et je me pince toujours régulièrement.

Redoutez-vous le moment du décollage ?

C’est une phase qui m’intéresse beaucoup. Mais je n’y pense pas en termes de crainte, même si évidemment des risques y sont associés. Mais je ne vous signe pas un papier disant que je n’aurai pas du tout peur une fois que je serai sur la fusée.

Cela représente quoi, pour vous, d’être un astronaute belge pour vous dans ce groupe ?

Entre nous, on ne se raconte pas beaucoup d’histoire de Belges (rires). Cela me fait très plaisir de représenter la Belgique. J’ai habité 10 ans hors de la Belgique, à Singapour, en Suisse et aux États-Unis, et j’ai l’impression que ça m’a aidé à encore plus me sentir belge. La classe à laquelle j’appartiens est un milieu très international. Je leur ramène du chocolat et des bières belges.