Belgique

Irangate: la pression sur Lahbib a baissé d’un cran, mais PS et Ecolo n’ont pas renoncé à rendre au MR de Bouchez la monnaie de sa pièce

Entre méthode Coué et resserrement des rangs, plusieurs élus libéraux comptaient vendredi sur “un effet week-end” pour faire retomber la pression. Le MR n’avait évidemment pas anticipé les troubles survenus en Russie samedi. Mais l’actualité a effectivement rebattu quelque peu les cartes, en replaçant Hadja Lahbib au cœur de l’action du gouvernement, dans un rôle nettement plus valorisant.

Dimanche matin, la ministre Lahbib a ainsi participé à un conseil national de sécurité (CNS) consacré à la Russie, au terme duquel elle a pris la parole.

Paul Magnette agite la menace d’une coalition sans le MR mais avec les Engagés, Maxime Prévot “n’exclut rien”

”Une manœuvre de distraction”

Ce conseil de sécurité, c’est une manœuvre de diversion”, a estimé sur VTM Theo Francken, député N-VA. “Il faudrait m’expliquer pourquoi le CNS se réunit aujourd’hui. Alors qu’il n’y a aucune menace en Belgique.”

La cheffe de la diplomatie se rendra ce lundi à Luxembourg pour assister à une réunion du Conseil des ministres des Affaires étrangères européens consacrée à la situation en Russie.

Cette réunion entraîne une modification de l’horaire de l’audition en commission des relations extérieures de la Chambre, qui aura bien lieu lundi, mais en fin de journée.

Ces enjeux internationaux ne vont certes pas enterrer les critiques qui visent Hadja Lahbib dans l’Irangate. Mais ils lui permettent de se positionner en femme d’action et de déplacer la perspective. “Il y a d’autres points d’attention plus importants actuellement que l’affaire des visas”, résume une source au sein de la Vivaldi.

D’autant qu’une dynamique de désescalade semble s’être déjà amorcée depuis vendredi soir. Le matin, David Clarinval, Vice-Premier MR, avait échoué à convaincre le kern de sauver Hadja Lahbib d’une motion de méfiance, en essayant de court-circuiter le débat parlementaire. Le MR a alors amorcé une courbe rentrante. David Clarinval a donné des signes d’apaisement, en confirmant sa présence, un temps incertaine, au conclave fiscal de samedi.

Pas d’accord au kern pour sauver Lahbib : le MR amorce une courbe rentrante

Au sein du MR, comme au sein de l’Open VLD, on est d’accord sur un point. “Alors que le mensonge de Sarah Schlitz (qui a ensuite démissionné) était notifié et visible, ce n’est pas le cas, jusqu’à preuve du contraire, de Hadja Lahbib”, glisse une source gouvernementale.

Une réponse a ainsi été apportée ce dimanche à un élément clé pointé par la N-VA. Peter De Roover, chef de groupe N-VA, avait accusé Hadja Lhabib d’avoir menti à la Chambre en disant que “la délivrance des visas, le 8 juin, était la conséquence de l’avis de l’OCAM” alors que “nous n’avons reçu que le 9 juin l’avis de l’OCAM”. Si cet avis n’a été demandé que le 9 juin, c’est parce que la demande ne portait que sur la sécurité du maire de Téhéran, écrit le Soir. Et non pas, comme imaginé, sur un risque de sécurité pour la population belge ou les opposants iraniens.

La Sûreté de l’Etat (VSSE) a également levé un doute en assurant à La Libre avoir été sollicitée le 7 juin à 15h33 pour la venue du maire de Téhéran et toute la délégation, et avoir “communiqué qu’il y n’y avait pas d’objection” le 8 juin à 7h43. Le feu vert en matière de sécurité a donc bien été délivré avant la délivrance des visas.

De plates excuses de Lahbib ? Probablement pas…

Comment la ministre envisage-t-elle de se défendre ce lundi ? Selon nos informations, il ne faut a priori pas s’attendre à une franche contrition ni à de plates excuses. Mais la ministre va « trouver les mots pour apaiser les députés« , assure un libéral. Le ton pourrait se rapprocher de ce qui a été évoqué par David Clarinval vendredi sur la Première (RTBF). Il est possible qu’Hadja Lahbib reconnaisse “que sur la tonalité de son expression” ce ne fut pas parfait. Sans toutefois formellement admettre une faute, car cela pourrait ouvrir la porte, craint-on dans le clan libéral, à une démission.

Sera-ce suffisant ? Il est permis d’en douter.

”Si elle ne fait pas un geste, ça sera difficile”, pointe un ténor écologiste.

guillement

« C’est un secret de polichinelle que Mme Lahbib a agi sous la conduite de M. Bouchez, pour attaquer le gouvernement bruxellois où le MR est dans l’opposition ».

Ce ne sont pas des excuses que nous attendons, ce sont des clarifications, des faits. S’il y a eu des fautes, nous devons savoir ce que la ministre va faire pour éviter cela à l’avenir”, a commenté dimanche Paul Magnette, le président du PS, sur le plateau du Zevende Dag de la VRT. “C’est un secret de polichinelle que Mme Lahbib a agi sous la conduite de M. Bouchez, pour attaquer le gouvernement bruxellois, où le MR est dans l’opposition. Ils ont utilisé cette affaire contre leurs opposants politiques. Ce n’est pas ma manière de faire de la politique, mais c’est celle, systématiquement, de Bouchez. Mme Lahbib doit démontrer qu’elle est une ministre indépendante et non la porte-parole du président de son parti.”

C’est justement cette accusation d’avoir agi sur instruction de Georges-Louis Bouchez qui avait fait sortir Hadja Lahbib de ses gonds mercredi dernier en commission. Le ton de son discours avait déplu au PS et à Ecolo. La manière dont la ministre des Affaires étrangères se défendra ce lundi sera donc déterminante.

Certains ont très envie de faire mordre la poussière à Bouchez

La Schaerbeekoise n’est clairement pas encore sauvée, surtout si le président du MR persiste à faire peser l’entièreté de la faute sur Pascal Smet (ex-Secrétaire d’État bruxellois, qui a démissionné).

En filigrane de toutes ces discussions figure de manière évidente Georges-Louis Bouchez, à qui certains ont très envie de faire mordre la poussière. C’est clairement le cas de Paul Magnette et de Jean-Marc Nollet.

” Alexander a fait le maximum pour aider sa ministre, mais Georges-Louis Bouchez, lui, n’a pas compris qu’il devait saisir la perche semaine dernière”, pointe un ténor Ecolo.

”Si Lahbib ne donne pas toutes les explications…”

”Si Hadja Lahbib ne donne pas toutes les explications, il faudra en tirer les conclusions. Et même si Georges-Louis Bouchez a tenté de mouiller le Premier (Ndlr : sur Jeudi en prime (RTBF), il avait rappelé que cette opération a aussi reçu l’aval du cabinet du Premier ministre), les visas sont une compétence exclusive des Affaires étrangères. Elle seule est responsable, cela n’implique pas l’ensemble du gouvernement”, assure un poids lourd du PS, où la volonté semble être d’éviter, même en cas de démission, d’entraîner la chute du gouvernement.

L’affaire est désormais entièrement dans les mains des députés. L’issue, cela n’est pas si courant, ne se joue pas en coulisses et entre présidents de partis. En d’autres termes, bien que la pression soit légèrement redescendue, tout peut encore arriver ce lundi.