Belgique

« Il est nonchalant, un vrai noir », « Cours et tacle, fais pas ta tapette » : quand la violence verbale se banalise sur un terrain de foot

L’équipe hôte est en tête de championnat – et n’a rien à perdre –, mais voudrait finir avec les honneurs. Et donc sans défaite. L’équipe visiteuse, elle, joue le maintien. Et se voit donc obligée de gagner pour ne pas se retrouver dans une division inférieure.

”Je suis pas raciste, mais…”

Pour ces mômes de 15 ans, on sent que ce match de foot n’est pas “juste un jeu”. Mais en bord de terrain ou depuis la buvette, les mots d’encouragement sont un peu particuliers. Comme ce : “un conseil : cours et tacle, fais pas ta tapette. Et ça ira”, suggéré par un papa. Son gamin se contente de hocher la tête, pressé d’enfiler son équipement et de retrouver le terrain.

Racisme, homophobie, sexisme : cette violence verbale qui gangrène le foot amateur

Le papa supporter rejoint le reste du comité de soutien rassemblé à la buvette. Et ça papote en attendant. “T’as vu, y a Molenbeek qui joue sur le terrain juste à côté. Mais j’ai autre chose à foutre que de regarder une bande de Suédois”, déclare, hilare, une des personnes présentes.

Et t’as vu les autres ? Franchement, tu me connais, je suis pas raciste, mais leur place, c’est au basket, pas au foot. Encore que ceux-là, ils sont un peu civilisés”, rétorque un autre.

Match entre deux équipes de football U16 à Bruxelles, mars 2023
Match entre deux équipes de football U16 à Bruxelles, mars 2023 ©DR

Des dérapages de plus en plus nombreux

Ibrahim Mimouni, l’arbitre de la rencontre, pénètre dans la buvette, accompagné des deux coachs pour vérifier la feuille de match avant le coup d’envoi. “On essaie, au niveau de l’arbitrage, de rappeler les règles du fair-play, de répéter que le foot, ça doit rester un plaisir”, explique le jeune arbitre. Malheureusement, les dérapages sont de plus en plus nombreux. Nous, arbitres, on en pâtit beaucoup. Je suis souvent chambré. Parfois insulté. Mais bon, pour la beauté du foot, on espère que ça ira mieux au prochain match”.

Les 22 joueurs s’échauffent pendant qu’aux abords du terrain, quelques gamins crient les noms des copains pour les supporter. Ou balancent des insultes aux adversaires. “Vas-y Sveltesse”, entend-on hurler, à l’adresse du gardien de l’équipe adverse, un petit jeune en surpoids. Ce dernier semble entendre le surnom moqueur, puisqu’il lance un regard assassin vers la bande de supporters. Qui éclate de rires.

Le match va bientôt débuter. L’arbitre rappelle, une fois encore, les règles du fair-play, l’interdiction des mauvaises paroles et des mauvais gestes. Puis siffle le coup d’envoi.

La rencontre est plutôt correcte. Sans vilain geste. Mais le temps passe et il n’y a toujours pas de but inscrit, ce qui agace un peu le coach de l’équipe hôte. Jusqu’au moment où un penalty est sifflé en faveur de son équipe. Sauf que le joueur tire et loupe complètement le cadre. “Il est nonchalant. Un vrai noir”, crie le coach. Qui décide d’opérer un changement, pour faire sortir le malheureux tireur.

Ce score nul et vierge ne contente personne. Au fil des minutes, la rencontre devient tendue. Les fautes se multiplient. L’arbitre va d’ailleurs de plus en plus les siffler. Score final : 1-2, victoire de l’équipe visiteuse, qui évite ainsi la relégation. L’équipe hôte était déjà première, mais cette défaite gâche la fête. Et provoque un peu de rififi. Quelques insultes sont échangées, puis rapidement, le calme revient.

”On a évité la bagarre. Heureusement, parce que je trouve ça dramatique qu’un match se termine de la sorte. Je crois qu’au niveau des instances supérieures, on fait beaucoup pour lutter contre ça. Mais je trouve que la violence est encore trop présente. C’est la passion qui devrait animer les terrains de foot, pas la haine”, conclut Ibrahim Mimouni.