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Real Madrid-Manchester City : Mais d’où vient cette fascination de tous les joueurs pour le Real ?

Mais quel est donc le secret du Real Madrid ? C’est l’histoire d’un club qui, saison après saison, entretient la légende qui fonde ses succès futurs. Une sorte de cercle vertueux savamment élaboré, où les grands joueurs du moment sont là grâce à ceux d’hier, et assurent déjà la relève pour les dix années à venir en scotchant devant leur télé les gosses qui deviendront les rois du jeu. On voit d’ici le nouveau crack de l’année 2030, qu’il soit Français, Brésilien ou Camerounais, raconter lors de sa première interview au stade Santiago Bernabeu comment il est tombé amoureux du Real quand il a vu Karim Benzema retourner toutes les défenses d’Europe pour remporter la Ligue des champions 2022.

Avec son maillot blanc cosmique et son armoire à trophées qui déborde comme le grenier des grands-parents, le Real exerce une fascination sans commune mesure, à laquelle aucun autre grand club ne peut prétendre, qu’il se nomme FC Barcelone, Manchester United, Milan AC ou Bayern Munich. « C’est quelque chose qui s’est créé au fil du temps, principalement à partir de la création de la Coupe d’Europe [1955], pose Victor Martinez Paton, président de l’Association espagnole d’historiens du football (CIHEFE). La clé est le mélange entre être l’équipe la plus titrée de l’histoire du football et avoir cette particularité de ne jamais abandonner. Le parcours de l’an dernier en est le meilleur exemple. »

Décennie après décennie, le club madrilène a réussi à inscrire dans l’imaginaire collectif un truc qui touche au mystique, résumé ainsi l’année dernière par Jonathan Barnett, l’agent du néo-Madrilène Eduardo Camavinga : « Si vous voulez être le meilleur joueur du monde ou l’un des meilleurs, la meilleure chose à faire est de jouer pour le Real Madrid. »

Le jeune milieu de terrain français avait raconté lors de sa présentation à quel point ce club l’avait marqué quand il était petit. « Mes premiers souvenirs, c’est la Ligue des champions, Ronaldo, Zidane Figo… Tous les grands joueurs qui sont passés par ce club », avait-il décrit. Pas la première fois qu’on entend un joueur clamer qu’il arrive dans « son club de cœur » au moment de sa signature, sauf qu’avec le Real, on ne doute pas trop de l’authenticité. Ils sont nombreux, dans le monde du foot, à avoir déclaré leur flamme – sans se faire d’illusion parfois sur le fait que ça puisse être réciproque un jour.

Le club de rêve par excellence

Ça aurait pu l’être, à une époque, pour Paul Pogba. La rencontre ne s’est jamais faite, mais ça n’avait pas empêché le champion du monde de rappeler ce que ce club a de si spécial. « C’est l’un des plus grands clubs au monde, un rêve pour tous les enfants », avait assuré la Pioche. La jeunesse, on y vient justement. Le formateur Jérémy De Magalhaes la côtoie depuis quelques années maintenant, d’abord au sein du club du Cannet-Rocheville et depuis cette année à l’Académie Michel Hidalgo, basée à Antibes. Il l’assure, le Real tient une bonne place dans l’imaginaire des apprentis footballeurs.

« C’est une référence, depuis des générations, pose l’ancien pro, passé notamment par Laval et Cannes. Quand on est jeune on s’identifie toujours soit à des joueurs soit à des moments clés. Moi je suis plus pro-PSG et il me restera toujours la tête de Kombouaré face au Real justement [en 1993]. Les souvenirs de jeunesse ne s’effacent pas. Et ce qu’il s’est passé la saison dernière avec ces scénarios et tous ces buts de Benzema, ça a touché les jeunes c’est certain. » Comme avant ça les sucreries de Redondo et Guti, la volée de Zidane en finale contre Leverkusen ou le retourné à 3.000 mètres d’altitude de Ronaldo face à Buffon et la Juve.

Dans les couloirs de l’Académie, où sont rassemblés cette année 18 jeunes venant de France mais aussi des Etats-Unis, du Canada, des pays du Maghreb ou du Qatar, il n’est pas rare de croiser les ados avec des maillots de la Maison Blanche. Du Benzema, bien sûr, mais aussi du Modric et du Kroos, preuve que l’art de la passe a encore sa place. « On en voit arriver de nouveaux quand même, Vinicius, Rodrygo. Dans pas longtemps ceux-là prendront la place des anciens », prédit le formateur.

Les jeunes de l'Académie Michel Hidalgo, avec leur formateur Jérémy De Magalhaes (en haut, au centre).
Les jeunes de l’Académie Michel Hidalgo, avec leur formateur Jérémy De Magalhaes (en haut, au centre). – Académie Michel Hidalgo

C’est toujours comme ça avec le Real, de toute façon. A chaque époque ses grandes stars. Alfredo Di Stefano a ouvert l’âge d’or dès l’après-guerre, vite rejoint par Ferenc Puskas. Suivront Emilio Butragueno et sa « quinta des buitre », l’émergence de Raul, Figo, Zidane et Ronaldo en tête de pont de la période des Galactiques, l’ère CR7 et enfin le couronnement de Karim Benzema. Des Espagnols, mais aussi le meilleur de ce qui se fait hors des frontières. « Le Real a toujours eu cette tradition de faire venir des joueurs de l’étranger, notamment de l’Europe de l’est au départ, contrairement aux clubs anglais ou italiens qui ne le pouvaient pas. Il y a donc une sorte de rayonnement international du Real qui date de nombreuses années, expose le sociologue du sport Christian Bromberger. Le poids de l’histoire ajoute une autre dimension quand on parle de ce club. »

Le professeur émérite à l’université d’Aix-Marseille met également le doigt sur un élément sans qui le Real ne serait pas ce qu’il est : sa rivalité avec le FC Barcelone. « Elle l’a aidé à construire son image. Face au club des catalanistes qui revendiquent leur indépendance, le Real est le symbole de la Royauté, de la capitale, de l’identité de l’Espagne, estime-t-il. Dans ce pays constitué d’ensembles régionaux divers, il a en lui quelque chose de fort qui marque l’empreinte de l’Etat. Il y a une certaine noblesse dans ce Real. »

Trophées et Ballons d’or

Une grandeur jalousement cultivée à coups de phrases grandiloquentes par les différents présidents qui ont traversé l’histoire merengue, depuis le légendaire Santiago Bernabeu jusqu’à Florentino Perez, digne héritier qui ne manque jamais l’occasion de redonner un petit coup de peinture à la Maison Blanche. Un de ses couplets fétiches : « Le Real Madrid est le grand référent du monde du sport », a-t-il pour habitude de dire, que ce soit pour saluer la nouvelle recrue phare ou pour répondre à l’UEFA quand il se fait taper sur les doigts après l’avortement du projet de Super Ligue.

Le président actuel est confortablement assis sur 35 championnats, 14 Ligues des champions, trois Coupes intercontinentales et cinq Coupes du monde des clubs. Que des records, et il le sait. Le Real est également le club où il faut être pour gagner un Ballon d’or. Douze joueurs l’ont fait sous le maillot blanc – un record là aussi – et ce n’est pas pour rien que les deux seuls à s’être immiscé dans le duel Messi-Ronaldo depuis 2008 sont Luka Modric et KB9.

Les gros « prospects » européens déjà préemptés

D’un point de vue français, la rareté et la qualité des joueurs qui y ont évolué renforcent ce sentiment de majesté (on n’oublie pas Julien Faubert quand même). Seule la Juventus, peut-être, arrive à cette hauteur chez nous. « Le Real, c’est un club à part pour les jeunes », observe Jérémy De Magalhaes.

Le formateur peut d’autant mieux l’affirmer qu’il vient de montrer à ses élèves le documentaire qui passe en ce moment sur Apple TV intitulé « Real Madrid jusqu’à la victoire », qui retrace sur l’épopée de la saison dernière. « Ça les touche tous. Ce club, c’est une machine à gagner, une tradition, ils arrivent à conserver cette exigence sur le temps long, considère-t-il. Il y a notamment une interview de Camavinga qui dit que peu importe ce qu’il a réalisé en France, ça n’avait aucune valeur là-bas. Il a été obligé de cravacher pour se mettre au niveau, parce qu’il n’était pas dans ce cadre « champion ». Ça, ça les a fascinés. »

De quoi nourrir le mythe pour encore quelques années, et pour le club madrilène conserver un coup d’avance quand il s’agit de préempter les nouveaux grands talents, à l’image de Jude Bellingham, désiré par toute l’Angleterre mais qui serait sur le point d’opter pour le Real à des conditions salariales bien inférieures que ce que pouvait lui promettre un Manchester City. Finalement, le seul crack identifié à avoir résisté au club de ses rêves se nomme Kylian Mbappé. Pour l’instant. Même si ça ne faisait pas, Florentino Perez a tout de même de quoi se retourner, sachant qu’Haaland a clairement fait entendre par son agente qu’il voudrait découvrir le Real un jour. Khvicha Kvaratskhelia, Dominik Szoboszlai, Rayan Cherki… ils sont quelques-uns des principaux « prospects » actuels à ne pas cacher où ils se verraient si ça ne dépendait que d’eux.