Belgique

Racisme, homophobie, sexisme : cette violence verbale qui gangrène le foot amateur

Lors de l’audience, Abdel a expliqué avoir “perdu les pédales” car il avait été la cible d’insultes racistes de la part des supporters. “J’ai eu une zine, qui n’est pas excusable”, a toutefois reconnu le jeune homme qui, aux moments des faits, avait 23 ans. En cas de non-exécution de la peine de travail, Abdel risque six mois de prison.

« Il est nonchalant, un vrai noir », « Cours et tacle, fais pas ta tapette » : quand la violence verbale se banalise sur un terrain de foot

Toujours en février dernier, c’est un match dans une division encore inférieure (Provinciale 4) qui a dégénéré. La police a été appelée pour mettre fin à une bagarre générale entre les joueurs du FC Dampoort et Oostakker, deux équipes gantoises. Au coup d’envoi, l’ambiance était plutôt positive. Mais à dix minutes du terme, un penalty est sifflé pour Oostakker. Le tir au but est converti, provoquant la colère des joueurs qui venaient d’encaisser. L’arbitre intervient comme il peut. Avec un carton rouge, puis un autre, et même six. Sans succès. Selon certains témoignages, tout a commencé lorsqu’un des joueurs a copieusement insulté un adversaire, qui a répondu par une gifle.

« L’objectif n’est pas d’être uniquement dans la répression, mais de susciter des prises de conscience. »

Un jeune joueur sur trois victime de “body shaming”

Ce que révèlent ces deux exemples, c’est que la violence physique, de plus en plus importante au sein du monde du football, débute très souvent par des faits de violence verbale. Des critiques, des petites invectives, puis des insultes. Racisme, homophobie, négrophobie, grossophobie, sexisme, tout y passe.

Au sein de l’URBSFA, qu’on appelle habituellement l’Union belge de football, on est bien conscients du phénomène. Une campagne intitulée “Come Together” a d’ailleurs été lancée début mars, un mois faste en activités et ateliers de sensibilisation à la lutte contre la discrimination et le racisme, “qui bien souvent le point de départ des actes de violence sur les terrains et en dehors”, confesse Samia Ahrouch, responsable de l’inclusion de l’URBSFA.

”Ce qui se passe dans le monde du football n’est que le reflet de ce qui existe au sein de la société. Après le Covid, les signalements pour des cas de violences verbales et de racisme ont explosé. Nous avons commandé une étude à la KULeuven et le résultat était assez effarant : un jeune joueur sur trois est victime de discrimination, principalement de “body shaming”. Nous avons décidé de prendre nos responsabilités en mettant en place un plan d’action qui a notamment donné lieu à des groupes de travail mêlant victimes de ces faits et experts”, explique Samia Ahrouch.

Pierre Cornez, porte-parole de l’URBSFA, ajoute. “L’objectif n’est pas d’être uniquement dans la répression, mais de susciter des prises de conscience”.

Le plan d’action a notamment fait émerger une sorte de tribunal interne créé en 2021 : la Chambre Nationale pour la lutte contre la discrimination et le racisme. Cette Chambre peut sévir mais également proposer des résolutions de conflits de façon alternative.

« Nous essayons, d’endiguer le phénomène de la violence physique en essayant d’abord de lutter par ce qui en est souvent le moteur : la violence verbale. »

Mesures alternatives

”On peut effectivement comparer cette Chambre à un tribunal avec un juge qui est en fait un juriste, accompagné de deux experts issus de pools diversifiés. Toute affaire liée à une discrimination à tous les niveaux de la fédération peut y être traitée. La Chambre peut décider de sanctions comme des suspensions, des amendes destinées aux clubs ou imposer des matchs à huis clos”, détaille Samia Ahrouch. Mais nous refusons la logique du “punir pour punir”, car l’objectif est, in fine, de tendre vers un changement des comportements qui mènent aux violences verbales et physiques. Pour ces mesures alternatives, nous travaillons avec quatre organisations : la Caserne Dossin, le Musée d’Afrique, la Rainbow House et Play 4 Peace.”

L’objectif, en travaillant avec ces partenaires, est de sensibiliser les auteurs d’actes racistes ou violents de façon pédagogique. “En Flandre, il existe aussi un tribunal des sports. Bien évidemment, toute personne qui nous contacte peut aussi saisir la police pour une plainte et porter l’affaire devant la justice. Mais, à notre échelle, nous essayons d’endiguer le phénomène de la violence physique en essayant d’abord de lutter par ce qui en est souvent le moteur : la violence verbale”.

Et Pierre Cornez de conclure : “Nous écoutons, nous apprenons et nous essayons d’apporter des solutions constructives. Ce plan d’action évoluera en fonction de la situation. Mais dans tous les cas, nous resterons toujours vigilants quant à la violence. Car le football est un sport populaire, il doit rester ouvert et accessible à tous”.