Belgique

« C’est le début de la campagne » : les verts vont-ils faire tomber le gouvernement De Croo ?

Selon lui, il convient de ne pas “surcharger” la législation en renforçant les normes en matière d’azote, de restauration de la nature et de la biodiversité, en plus des objectifs concernant les émissions de CO2. Les industries pourraient ne plus arriver à suivre le rythme imposé par le pouvoir politique et les objectifs climatiques, qui restent prioritaires pour le libéral, ne pourront pas être atteints.

Suite à ces déclarations, l’aile écologiste de la Vivaldi a réagi très fortement sur les réseaux sociaux. Entre autres, Rajae Maouane et Jean-Marc Nollet, les coprésidents d’Ecolo, ont dénoncé des propos jugés “hallucinants”. Chez les verts flamands, même ton tranchant : Nadia Naji, coprésidente de Groen, a déclaré sur Twitter qu’il n’y avait pas de place pour les climatosceptiques au sein du gouvernement fédéral…

L’Open VLD doit montrer qu’il n’est pas la victime des verts

Comment décoder cette séquence ? Il y a plusieurs degrés de lecture. Tout d’abord, l’Open VLD, le parti du Premier ministre, n’est pas en grande forme dans les sondages. À un an des élections, les libéraux flamands veulent montrer qu’ils ne sont pas les victimes de leurs partenaires de gauche au sein de la majorité fédérale. En particulier, vis-à-vis des écolos.

C’est le début de la campagne, analyse un poids lourd de l’Open VLD. Alexander a voulu prendre ses distances vis-à-vis de la Vivaldi. Or, en Flandre, il faut savoir que cette formule de majorité est surtout associée à Groen, qui focalise les critiques. On aurait trop cédé à cette formation, selon ces critiques. Il ne faut toutefois pas interpréter ces propos comme une prise de distance vis-à-vis de la cause environnementale. Au contraire. Mais, simplement, Alexander ne croit pas à la décroissance mais à la croissance verte.

Cette flèche envoyée en plein cœur des écologistes permet également au Premier ministre de répondre à la N-VA et la ministre flamande de l’Environnement, Zuhal Demir. La nationaliste s’était montrée fataliste à l’égard du réchauffement climatique et estimait qu’il fallait s’y préparer plutôt que de multiplier les législations environnementales.

”Au sein de l’Open VLD, les gens attendaient ça”

Ce discours peut passer comme “pro-entreprises” et plaire en Flandre puisqu’il tient compte de la pression que les normes écologiques font peser sur la compétitivité du secteur privé. Pour l’Open VLD, il devenait difficile de ne pas se positionner également en faveur d’une pause dans l’inflation des règles “vertes”. “On est beaucoup plus climat-friendly que la N-VA mais on ne peut pas tout faire en même temps, affirme la même source libérale flamande. Au sein de l’Open VLD, les gens attendaient cela.

La sortie d’Alexander De Croo mélange donc de réelles convictions du Premier ministre et une initiative plus politique en faveur de l’intérêt électoral de sa formation. Toutefois, sa démarche pourrait avoir de lourdes conséquences au sein de la majorité fédérale. Pour rappel, la Vivaldi, coalition à sept branches, associe l’Open VLD, le MR, Ecolo, Groen le PS, Vooruit et le CD&V.

Dans les couloirs des cabinets ministériels, on envisage carrément la chute du gouvernement. Ce n’est pas la première fois, il faut le reconnaître… Les polémiques ont été nombreuses depuis le 1er octobre 2020, date de la prestation de serment des ministres de l’équipe fédérale. Cette fois, le malaise est plus profond : il reste un an avant les élections de juin 2024 et la majorité est en état de mort clinique. Pas de réforme fiscale, pas de réforme structurelle des pensions, le financement de plan de relance par l’Europe pourrait échapper à la Belgique… Et, désormais, la mise en œuvre des objectifs environnementaux est remise en cause.

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Le calice jusqu’à la lie…

L’aile écologiste du gouvernement, qui jusque-là n’avait pas critiqué ouvertement Alexander De Croo (contrairement au PS ou au MR), perd son dernier cheval de bataille au fédéral (l’environnement). Quel pourrait être son intérêt à continuer l’aventure ? Ecolo et Groen, on l’a écrit, ont déjà dû digérer la prolongation de deux réacteurs nucléaires et la mise en suspens de leurs convictions pacifistes afin de donner du matériel militaire à l’Ukraine.

Les verts ont vu, par ailleurs, leur gestion épinglée à de nombreuses reprises ces dernières semaines. Que l’on pense notamment à la démission de Sarah Schlitz, l’ancienne secrétaire d’État à l’Égalité des chances, emportée par le “logo-gate”, ou encore aux accusations graves portées contre Petra De Sutter, la vice-Première ministre Groen, à l’égard des suspicions de conflits d’intérêts au sein de son cabinet dans le dossier bpost… Si Ecolo et Groen ont pu être associés à une éthique politique plus exigeante, ce ne sera plus le cas à l’avenir. En tout cas, leurs adversaires politiques auront beau jeu de leur rappeler leurs erreurs et leurs bourdes durant la prochaine campagne électorale.

Dans ce contexte très tendu et plombé, les verts pourraient-ils faire tomber le gouvernement De Croo plutôt que de boire le calice jusqu’à la lie jusqu’en 2024 ? Pas forcément. On connaît cette règle non écrite de la politique belge : celui qui fait chuter une coalition perd les élections qui suivent. Par ailleurs, en raison de diverses exclusives (notamment à l’égard de la N-VA), la Vivaldi est la seule formule politiquement possible permettant aux écologistes de participer au pouvoir fédéral. Ont-ils vraiment intérêt à saborder cette majorité et précipiter ainsi un probable retour dans l’opposition ?

Une autre règle non écrite pourrait par contre plaider en faveur du scénario reposant sur la chute de De Croo Ier : une majorité ne tient que si toutes ses composantes y ont intérêt…

Mais une source écolo minimise l’impact des propos du Premier ministre : il ne s’agirait que d’un positionnement politique par rapport aux normes européennes, sans impact direct sur les discussions au sein du gouvernement fédéral. Pour cette raison, estime cet informateur, la Vivaldi ne devrait pas tomber sur la question environnementale.