Belgique

Avec l’arrivée d’Olivier de Wasseige, Les Engagés jettent une pierre de plus dans le jardin du MR

Les coups durs débouchent parfois sur des opportunités. Fin avril 2023, Olivier de Wasseige, alors administrateur-délégué de l’Union wallonne des entreprises (UWE), est remercié par la fédération patronale. Des problèmes relationnels en interne auraient précipité sa chute. Choqué, Olivier de Wasseige s’interroge : cet ancien entrepreneur actif dans l’informatique va-t-il se relancer dans le business ? Il est alors contacté par Maxime Prévot, président des Engagés (ex-CDH). Dans un message WhatsApp, ce dernier prend de ses nouvelles sur le plan personnel et se montre empathique. Comment traverse-t-il cette pénible épreuve ? Maxime Prévot conclut son texte par une invitation à discuter de… politique. Olivier de Wasseige accepte.

Tête de liste à Liège mais pour un seul mandat

Quelques mois plus tard, ces contacts ont porté leurs fruits. À 61 ans, l’ancien patron des patrons wallons se lance dans l’arène démocratique. Il sera tête de liste aux élections régionales dans la circonscription de Liège (il habite depuis plus de 30 ans dans le centre de la Cité ardente). Lors de la conférence de presse annonçant son arrivée au sein du parti turquoise, Olivier de Wasseige a toutefois précisé qu’il ne ferait qu’un seul mandat de député, pour peu qu’il soit élu en 2024. Il ne souhaite pas devenir un “politicien professionnel”.

Comment analyser cette arrivée ? Tout d’abord, sur le plan local, voilà une communication qui fera du bien aux Engagés liégeois. Depuis quelques années, les héritiers du vieux PSC sombrent électoralement. Vu l’absence de perspectives, le renouvellement des cadres est très difficile. En particulier à Liège-ville, où le parti est passé de 26 % des voix aux communales de 1976 à… 6 % en 2018 (sous la bannière CDH). Fort de sa solide expérience dans le privé, Olivier de Wasseige redonnera un peu de visibilité et de crédit aux Engagés dans la Principauté.

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Chasser sur les terres libérales

Par ailleurs, de manière stratégique, le lancement des Engagés en mars 2022 reposait sur la conviction qu’il existe du côté francophone un grand espace au centre/centre-droit. Le MR de Georges-Louis Bouchez a pu crisper certains libéraux plus centristes ou préférant une communication politique moins agressive. Chez les turquoises, on en est convaincu : en 2024, il sera possible d’aller chercher des voix chez les bleus. Jean-Luc Crucke, au nom du libéralisme social et au nom d’une certaine vision de l’écologie, avait d’ailleurs claqué la porte du MR en février pour rejoindre le mouvement de Maxime Prévot. Il estimait que la ligne de Georges-Louis Bouchez était fixée trop à droite pour lui.

Avec Olivier de Wasseige, Les Engagés jettent une nouvelle pierre dans le jardin du MR en leur chipant une personnalité du monde de l’entreprise qui aurait pu (dû ?) trouver une terre d’accueil naturelle chez les réformateurs. L’ancien administrateur-délégué de l’UWE a d’ailleurs fixé son cap idéologique : un “centrisme de droite”, l’humanisme et le libéralisme social. Pour rappel, le “libéralisme social” est une tendance progressiste qui avait notamment été défendue à la fin des années 90 et au début des années 2000 par Louis Michel. Ce courant semble désormais moins mis en avant par le président Bouchez.

Un renouvellement des cadres sans précédent se prépare chez Les Engagés

L’année dernière, c’était Yvan Verougstraete qui rejoignait les rangs des Engagés. L’ancien CEO de Medi-Market (la chaîne de produits de parapharmacie), désigné manager de l’année en 2019, aurait pu lui aussi choisir le MR et sa doctrine favorable à l’initiative privée. Mais non. Il a fait le pari d’un centrisme jugé plus rassurant et moins clivant.

Yvan Verougstraete, vice-président du mouvement politique Les Engagés, fondateur de Medi-Market.
Yvan Verougstraete, vice-président du mouvement politique Les Engagés et fondateur de Medi-Market. Un profil entrepreneurial qui peut faire mal au MR. ©Dphotography

Bien entendu, une hirondelle ne fait pas le printemps. C’est dans les urnes, en juin et en octobre 2024, que l’on pourra évaluer l’impact réel de ces transferts politiques et autres arrivées de personnalités de la société civile. D’autant plus que Les Engagés souffrent en parallèle du départ de “piliers”. Pensons à Catherine Fonck, par exemple. Après 20 ans passés en politique, la cheffe de file du mouvement au fédéral ne se présentera pas au prochain scrutin.

Gagner le “second tour” des élections

Un dernier élément de décodage qui pourrait peser lourd l’année prochaine : placés au centre du jeu politique, Les Engagés espèrent également remporter le “second tour” des élections, c’est-à-dire les négociations entre présidents de parti en vue de constituer des coalitions gouvernementales. La piste d’une alliance “Olivier” (PS, Écolo et Engagés) semble avoir les faveurs de Paul Magnette. Le président socialiste ne cache pas son ambition : rejeter le MR dans l’opposition partout où cela sera possible….