Belgique

Au plus bas dans les sondages, l’Open VLD craint pour son avenir: “Avons-nous eu raison d’accepter le poste de Premier ministre ?”

La grogne monte dans les rangs de l’Open VLD à mesure que les élections de 2024 se rapprochent. Le malaise est palpable partout dans les sections locales, en Flandre comme à Bruxelles. Le parti libéral flamand peine à afficher son union. De nombreux élus peinent à faire entendre leur différence sur le terrain tandis que les dirigeants du parti évitent les débats qui fâchent. Fin juin, le président Egbert Lachaert, fragilisé par des luttes intestines récurrentes, a été poussé vers la sortie. Mauvais sondages, brouille avec le Premier ministre Alexander De Croo… Lachaert supportait de moins en moins de ne plus être le vrai patron du parti.

Mais que se passe-t-il chez bleus flamands ? Au pouvoir sans interruption depuis 1999, l’Open VLD semble aujourd’hui à bout de souffle. La base réclame du changement. Mais où porter le fer ? Qui doit prendre l’initiative, avec quels moyens, et quand ? Personne ne semble vraiment en mesure de répondre à ces questions existentielles. Contactés par La Libre, plusieurs élus expriment dès lors leur inquiétude. Déphasés, parfois découragés, ils avouent qu’ils ne savent pas de quoi l’avenir de l’Open VLD sera fait.

À moins d’un an des élections, le parti a fait d’Alexander De Croo sa figure de proue de la campagne électorale. Le Premier ministre belge reste un homme politique populaire alors que, paradoxalement, son parti s’affaiblit de plus en plus. Il fait le plein de voix en Flandre orientale où il se présente. Mais l’Open VLD se montre incapable de recruter des faiseurs de voix dans les autres provinces flamandes. Notamment à Anvers, dans le Limbourg et dans le Brabant flamand où le malaise est plus profond qu’il n’y paraît. En Flandre occidentale, les libéraux résistent encore. Pour l’instant. Le parti peut compter sur la popularité de Bart Tommelein, le bourgmestre d’Ostende, et le dynamisme d’une poignée d’élus locaux. Mais pour combien de temps ? Les libéraux flamands tremblent aujourd’hui à l’idée de voir les effets que pourrait avoir le “pipigate” – qui a touché le Courtraisien Vincent Van Quickenborne, ministre de la justice – sur le résultat des élections dans la province de Flandre orientale.

Un président inféodé au Premier ministre

Le malaise à l’Open VLD est d’autant plus étrange qu’il s’agit du parti du Premier ministre. À en croire les derniers sondages, le parti libéral flamand est passé en dessous de la barre des 10 %. La popularité d’Alexander De Croo ne profite donc pas à sa formation politique. C’est tout juste si le Premier ministre réussit à limiter la casse. Entre-temps, au bas de l’échelle, la grogne des militants commence à s’exprimer. Certains élus, nous disent plusieurs sources, ont le sentiment de ne pas être écoutés, rarement suivis, jamais encouragés. L’état-major de l’Open VLD n’arrive plus à surmonter le mécontentement des troupes. Et comment pourrait-il le faire ? Il est gangrené par une guerre des clans larvée. Des sensibilités différentes s’y affrontent. Entre ceux qui revendiquent un libéralisme très marqué – Egbert Lachaert ou Patrick Dewael – et ceux qu’on nomme les linksliberalen (les “libéraux de gauche”) – Bart Somers, Sven Gatz, Mathias De Clercq, Bart Tommelein -, la lutte d’influence rend le parti presque incontrôlable.

« La stratégie de l’Open VLD est claire : tout miser sur Alexander De Croo »

Des élections internes au parti sont prévues le 23 septembre. Tom Ongena, nommé président ad interim jusqu’en octobre 2024, est le candidat soutenu par le Premier ministre et les instances dirigeantes. Personne ne doute qu’il ne puisse pas être élu haut la main. Certes, deux autres candidats se sont présentés : Bert Schelfhout, un échevin de la commune de Deerlijk en Flandre-Occidentale qui fut aussi président des jeunes de son parti et Vincent Stuer, ancien porte-parole de Karel De Gucht dont on dit qu’il fait partie de l’aile progressiste de l’Open VLD. Mais ces deux candidats ont peu de chances de l’emporter…

La question qui occupe aujourd’hui les ténors du parti est plutôt de savoir comment mobiliser les membres à se déplacer samedi prochain pour élire un président qui avait été nommé temporairement pour faire les quatre volontés d’Alexander De Croo. L’Open VLD fait face à l’indifférence de ses membres qui ne voient pas l’intérêt de se déplacer pour un scrutin somme toute très symbolique. “Pourquoi ne pas avoir organisé un scrutin en ligne au lieu de se rendre physiquement dans l’isoloir pour voter ?”, s’interroge un membre bruxellois du parti.

Els Ampe : “Les dés sont pipés”

”Ces élections internes ont pris l’allure de sévices infligés aux membres et imposés par les huiles du parti”, observe Noël Slangen, ancien conseiller en communication de Guy Verhofstadt, qui estime que ce congrès, mis sur pied à moins d’un an des élections, accentuera encore la division entre les membres. “La façon dont ces élections présidentielles ont été organisées en interne est fort critiquée”, reconnaît d’ailleurs un membre influent de l’Open VLD.

Et elle alimente un peu plus la division. Ce jeudi, la députée flamande Els Ampe a annoncé sur Twitter son départ du bureau de son parti. Habituée à ruer dans les brancards, l’élue proteste contre la manière dont se déroulera l’élection du nouveau président le samedi 23 septembre. “Je refuse de participer à ce cirque-là, les dés sont pipés”, a-t-elle déclaré très en colère sur les médias sociaux. Els Ampe n’a pas l’habitude de mâcher ses mots, même si, pour reprendre les termes d’un élu, “avec elle, en fin de compte, c’est un pétard mouillé”. Pour beaucoup, elle dit tout haut ce que bon nombre de jeunes élus pensent tout bas. Une source prétend qu’elle pourrait créer sa propre liste ou alors rejoindre la liste de Jean-Marie Dedecker. “Comme elle, beaucoup d’autres sont déçus des agissements de l’ancienne garde trop occupée à conserver ses privilèges”, confie un ancien membre de la section bruxelloise.

L’herbe plus verte ailleurs

L’heure du bilan avant les élections approche à grands pas. Plusieurs bourgmestres Open VLD (Mathias De Clercq à Gand, Bart Tommelein à Ostende, Patrick Dewael à Tongres) ont réussi à tirer leur épingle du jeu en formant des coalitions taillées à leur mesure. En revanche, le bilan du gouvernement de Jan Jambon (N-VA, CD&V, Open VLD) n’est pas brillant, ce qui peut faire pâlir les étoiles libérales de ce gouvernement, Bart Somers et Lydia Peeters.

Et quid du bilan des libéraux au fédéral ? Leurs deux chefs de file, Alexander De Croo et Vincent Van Quickenborne, ont-ils fait du bon travail ? Les avis sont mitigés. Un élu, en off, se demande même : “Au fédéral, avons-nous eu raison d’accepter le poste de Premier ministre alors que nous étions loin d’être le plus grand parti en Flandre ?”.

C’est dans ce contexte morose et incertain que les libéraux vont aborder les élections de juin 2024. La bataille sera rude. La course à droite va être impitoyable. Surtout si Jean-Marie Dedecker dépose à nouveau des listes. “Les libéraux vont tenter de valoriser les acquis au fédéral de la Vivaldi. Ils vont dénoncer la politique de la N-VA et la mauvaise gestion de Jan Jambon comme ministre-président flamand”, pronostique Noël Slangen.

Mais dans quel état monteront-ils au front ? Et avec quelles forces ? Certains élus, comme Els Ampe, pourraient être tentés de renoncer. Il faudrait du sang neuf, de nouvelles têtes de listes. Encore faut-il que l’Open VLD parvienne encore à séduire. Pour beaucoup, c’est loin d’être gagné.