Tunisie

La Tunisie termine l’année en récession et aborde la nouvelle dans l’incertitude – Actualités Tunisie Focus

Techniquement la Tunisie est en récession économique. L’économie tunisienne s’est contractée pour de 0,2 % par an au troisième trimestre. Deux semestres de suite, l’économie est en zone neutre ou négative. Mais, on n’en parle pas dans les médias, sans exception, incompétence ou complaisance, ou les deux. Les experts économistes évitent aussi le sujet.

Pourtant c’est affiché en gras sur le site de l’INS.

Les autres indicateurs sont étonnamment faibles, et on ne peut que s’attendre au pire pour 2024. Le cycle récessif est logiquement bien enclenché, malgré la relative bonne saison touristique et l’appui grandissant ramené par les transferts d’argent procurés par les expatriés tunisiens.

Horizons incertains

Un taux de croissance qui nous a incité au pessimisme, dans un contexte préélectoral électrisant.

Quatre économistes tunisiens consultés par E4T nous ont fait part de leur pessimisme quant à la demande intérieure et aux exportations nettes au quatrième trimestre et le premier semestre de 2024. Et ce. en raison des vents contraires intérieurs et de la baisse de la demande de biens et de services de la zone euro.

Les risques se multipliaient suite à une escalade quasi certaine de la guerre entre Israël et le Hamas et qui pourrait avoir un impact négatif plus prononcé sur l’économie tunisienne, tandis que l’obtention d’un financement étranger pourrait apporter un certain soulagement à l’économie.

Au final, nos estimations du taux de croissance réel pour 2023 serait compris entre 0,1% et 0,5 % en raison de données décevantes du troisième trimestre et quatrième trimestre.

L’économie tunisienne va mal

Cela est dû au fait que le rebond trimestriel de la demande intérieure, qui comprend la consommation privée et publique ainsi que la formation de capital fixe, ont été plus faibles que prévu, malgré de solides entrées de fonds injectés par les expatriés et les Touristes.

En outre, alors que les chiffres des arrivées de tourisme avaient suggéré une reprise des exportations de services, le déficit net des exportations s’est creusé. Sur la base de la ventilation sectorielle, nous pensons que les importations de céréales ont été plus élevées que ce que nous avions pris en compte, car la contraction du secteur agricole a été légèrement plus forte que prévu. La sécheresse a plombé les espoirs des agriculteurs.

Des indicateurs alarmants

La croissance démographique procure une variation entre de presque 50 000 personnes par an, malgré les flux d’émigration grandissants. Rien que cela aurait pu, toutes choses étant égale par ailleurs, créer un boost à la croissance réelle.

L’inflation reste très élevée, quasiment de 9%. Les taux d’intérêt bancaires moyens frôlent les 14%. L’investissement n’est pas près de se redresse de sitôt, dans les prochaines semaines …ou mois.

Le chômage concernent plus de 650 000 actifs et fait des ravages chez les diplômés, notamment les filles qui subissent la double peine …face au marché de l’emploi et face aux droits à l’héritage (moitié des garçons, au meilleur des cas).

Les déficits commerciaux et budgétaires sont criants, alors que l’année 2024 sera une année très difficile pour le remboursement de la dette extérieure, plus de 3,5 milliards de $, à rembourser.

Le FMI préfère le statuquo

Nous ne pensons pas qu’un accord final avec le FMI se concrétisera au cours des six prochains mois, ce qui, à son tour, limitera davantage l’accès au financement indispensable, alimentera les pressions dépréciatrices du dinar et stimulera les pressions inflationnistes.

Nous prévoyons que la croissance des exportations sera plus faible en raison de facteurs nationaux et externes. Nous pensons que les vents contraires liés au climat et les pénuries d’eau limiteront la reprise dans le secteur agricole, pesant par exemple sur les exportations d’huile d’olive de la Tunisie. Pendant ce temps, la contraction continue dans le secteur pétrolier et gazier continuera de conduire à une baisse des exportations de dérivés du pétrole.

Cela sera amplifié par la faible croissance des exportations de services due aux retombées de la guerre entre Israël et le Hamas. Nous pensons qu’une augmentation perçue du sentiment anti-occidental découragera les touristes étrangers, en particulier les Européens, de visiter la Tunisie compte tenu de son histoire d’attaques terroristes contre les touristes, telles que les attaques de 2015 contre des touristes à Sousse et l’attaque de mai 2023 contre une synagogue historique à Djebra.

La faiblesse de l’activité économique dans la zone euro, où nous pensons maintenant que la croissance s’élève à 0,8 % au lieu de 0,9 % en 2024, ajoutera également aux vents contraires pour la Tunisie.

Le bloc européen est la destination de la majorité des exportations tunisiennes, abrite la plupart des expatriés tunisiens et est la source d’environ un tiers des touristes du pays.

Les élections présidentielles vont se pointer dans quelques mois. Avec leur lot de risques et d’incertitudes sur l’économie. Beaucoup d’investisseurs vont attendre pour voir.

Élections présidentielles

Le gouverneur de la Banque centrale Marouane serait aussi sur le départ dans moins 2 mois. Son mandat prend fin après 6 ans à la tête de l’institution et un bilan néfaste pour l’investissement, pour la valeur du dinar et surtout pour la stabilisation monétaire et financière. Qui sera son remplaçante …ou remplaçant ? On le saura avant la fin de janvier. Dans les milieux bancaires, on sait que le nom d’une macro économiste est pressenti.

Encore une incertitude qui plane sur tout le secteur bancaire, qui traverse aussi une zone de turbulence suite des accusations de comportements collusionnaires et cartelistes, enregistrant des bénéficies colossaux, alors que l’économie est à plat.

Moktar Lamari, 2 janvier 2023
Economics for Tunisia, E4T