Suisse

Les gouvernements et les entreprises n’arrêteront pas la course à l’IA

Les chercheurs en intelligence artificielle (IA) appellent à une pause dans les «expériences géantes d’IA», mais cela n’arrivera pas, affirme Jürgen Schmidhuber, chercheur en IA basé en Suisse.

Ce contenu a été publié le 20 avril 2023




dernière lettreLien externe de chercheurs de premier plan aura un impact significatif, car de nombreux chercheurs en IA, entreprises et gouvernements l’ignoreront complètement.

La proposition utilise fréquemment le mot «nous» et se réfère aux humains. Or, il n’existe pas de «nous» auquel tout le monde puisse s’identifier. Interrogez dix personnes et vous entendrez dix opinions différentes sur ce qui est «bon». Certaines de ces opinions seront totalement incompatibles les unes avec les autres. N’oubliez pas l’énorme quantité de conflits entre les nombreuses personnes impliquées.

Jürgen Schmidhuber 

Jürgen Schmidhuber est le scientifique en chef de la société NNAISENSE, basée à Lugano, au Tessin, qui vise à construire la première IA pratique à usage général. Il est souvent invité à s’exprimer sur des sujets liés à l’IA et conseille divers gouvernements sur les stratégies d’IA. Les réseaux neuronaux et les applications les plus cités aujourd’hui, tels que la reconnaissance vocale de Google, Google Translate, Siri d’Apple et Alexa d’Amazon, s’appuient tous sur les travaux réalisés dans ses laboratoires.

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La lettre dit également: «Si une telle pause ne peut être adoptée rapidement, les gouvernements devraient intervenir et instaurer un moratoire». Le problème est que les différents gouvernements ont également des opinions différentes sur ce qui est bon pour eux et pour les autres. Une grande puissance dira ainsi que si nous ne le faisons pas, une autre grande puissance le fera, peut-être en prenant secrètement l’avantage sur nous. Il en va de même pour d’autres grandes puissances.

Quel rôle la Suisse doit-elle jouer dans ce contexte? Elle doit bien sûr s’efforcer de rester à la pointe de la recherche sur l’IA. En 2020, la Suisse publiait, par habitant, beaucoup plus d’articles dans les grandes conférences sur l’IA que n’importe quel autre pays. Un moratoire ne ferait que nuire à sa compétitivité.

Une évolution de plusieurs décennies

Par exemple, ChatGPT repose sur des bases développées par des chercheurs qui travaillent aujourd’hui dans notre entreprise NNAISENSE, basée à Lugano, dont la devise est «AI∀» ou «AI For All».

ChatGPT utilise un réseau neuronal artificiel appelé Transformer, qui s’appuie sur des mécanismes d’attention humaine – censés imiter l’attention cognitive – pour le traitement du langage naturel. Les employés de Google ont publié en 2017 un article désormais largement cité sur ce sujet, intitulé «Attention is all you need» (l’attention est tout ce dont vous avez besoin). J’en suis heureux, car il y a plus de 30 ans, j’ai publié une variante de Transformer et j’ai récemment présenté d’autres recherches sur le sujet.

Les modèles GPT dépendent également des «connexions résiduelles», des mécanismes qui fournissent un autre chemin aux données pour atteindre des parties d’un réseau neuronal en sautant certaines couches. Les connexions résiduelles sont enracinées dans notre LSTM des années 1990 (le réseau neuronal artificiel le plus cité du XXe siècle) et dans notre Highway Network (depuis mai 2015), le premier réseau neuronal véritablement «à apprentissage profond» dont les principes se retrouvent dans des milliers d’applications aujourd’hui.

Le présent et l’avenir

Que se passera-t-il ensuite? J’ai souvent comparé ChatGPT et d’autres modèles linguistiques similaires à des hommes politiques. Les politiciens sont généralement doués pour la parole, et ils peuvent donner des réponses rapides et prêtes à l’emploi à n’importe quelle question. Ils combinent des slogans qu’ils ont utilisés dans de nombreux discours précédents de manière toujours nouvelle, de sorte qu’il n’y a pas deux réponses identiques. Néanmoins, ils proposent souvent des platitudes sans trop de perspicacité ou de profondeur.

Les grands modèles linguistiques tels que ChatGPT ne sont pas encore capables de réfléchir à de nombreux aspects logiques, comme le font les mathématiciens et d’autres scientifiques. D’un autre côté, nous disposons depuis un certain temps de réseaux neuronaux capables d’apprendre d’une manière similaire, du moins en principe. Nous nous attendons maintenant à des progrès rapides dans ce domaine, qui faciliteront la vie de nombreuses personnes.

Relu et vérifié par Sabrina Weiss et Veronica DeVore, traduit de l’anglais par Kessava Packiry

Les opinions exprimées dans cet article sont uniquement celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position de SWI swissinfo.ch.

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