Suisse

«La Suisse est encore une place économique attractive pour les grandes multinationales»

Annette Luther, la nouvelle présidente de SwissHoldings. Avp Media-design Gmbh

Régulièrement sous le feu des critiques, les multinationales jouent pourtant un rôle important pour la prospérité de la Suisse, estime Annette Luther. La nouvelle présidente de SwissHoldings veut communiquer directement avec la population pour faire passer son message. Entretien. 

Ce contenu a été publié le 22 août 2023 – 09:06




SwissHoldingsLien externe emploient environ 1,8 million de personnes dont environ 200’000 en Suisse (chiffres pour 2021); de plus, ces entreprises représentent environ deux tiers de la capitalisation boursière totale de la Suisse.

Depuis mai 2023, SwissHoldings est présidée par la fribourgeoise Annette Luther, également cheffe des relations gouvernementales internationales chez Roche. Rencontre avec la nouvelle présidente dans ses bureaux bâlois.

Annette Luther

Née en 1970, Annette Luther a fait ses études aux universités de Fribourg et de Bâle, avec pour point d’orgue un doctorat en biomédecine obtenu en 2000. Après sa formation, elle a rejoint Novartis puis Roche. Dans cette dernière entreprise, la Fribourgeoise a occupé divers postes à responsabilité dans la communication, la direction générale et le secrétariat du conseil d’administration; depuis avril 2023, elle est responsable des relations gouvernementales internationales.

En plus de la présidence de SwissHoldings et de son rôle chez Roche, Annette Luther occupe de nombreuses autres fonctions: vice-présidente de l’Université de Bâle, présidente de la fondation de la Haute École spécialisée de Lucerne, vice-présidente de scienceindustries, membre du comité d’economiesuisse et membre du Conseil d’administration de la Banque cantonale zougoise. 

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swissinfo.ch: Les intérêts de l’économie suisse sont défendus par plusieurs organisations patronales. Qu’est-ce qui différencie SwissHoldings?

Annette Luther: Bien que nous soyons tous du même bord, notre mode opératoire, les sujets couverts et les entreprises que nous représentons diffèrent quelque peu. En ce qui concerne SwissHoldings, nous sommes une association professionnelle intersectorielle qui représente 63 grandes entreprises multinationales des secteurs industriel et tertiaire. Notre mission est le maintien d’un environnement libéral et des conditions-cadres optimales pour nos entreprises membres.

Pour optimiser la défense de vos intérêts, une fusion de plusieurs organisations patronales est-elle avisée?

Je ne le pense pas et il n’y a aucun mouvement dans ce sens. À mon avis, la diversité actuelle est bénéfique, car le monde de l’économie n’est pas homogène. Par exemple, notre fédération est particulièrement attentive à certaines thématiques spécialement importantes pour les grandes entreprises multinationales, mais pas forcément pour les entreprises de plus petite taille.

Quels sont les sujets de prédilection de SwissHoldings?

Nous nous focalisons sur le droit, la fiscalité et l’économie. Dans le domaine fiscal, par exemple, nous avons beaucoup planché sur l’imposition minimale de 15% sur le profit des grandes multinationales dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 750 millions d’euros.

Ce nouveau régime fiscal vient heureusement d’être accepté par le peuple suisse, mais nous restons très attentifs quant à ses modalités d’application.

Deux autres exemples de sujets importants sont la réforme du droit des sociétés anonymes et les rapports ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance); sur ce dernier point, il importe que les obligations légales demeurent supportables pour les entreprises.

Officiellement, SwissHoldings rassemble 63 entreprises des secteurs industriel et tertiaire dont le siège est situé en Suisse mais vous avez aussi quelques membres basés à l’étranger.

En effet, des entreprises comme Mitsubishi Chemical Advanced Materials, Procter & Gamble International Operations ou Takeda comptent également parmi nos membres. Pour faire partie de notre organisation, les entreprises ne sont pas tenues d’être basées en Suisse, mais elles doivent avoir une présence importante dans ce pays.

Néanmoins, aucune société du secteur de la finance et des assurances n’est membre de votre fédération.

Cela est correct. Depuis la fondation de notre organisation en 1942, ces deux secteurs ne font pas partie de SwissHoldings à cause de leurs centres d’intérêt différents et de leurs positions parfois divergentes. Cela ne signifie pas pour autant que nous ne collaborons pas. Nous avons souvent des préoccupations communes, en particulier avec les banques et les compagnies d’assurance à vocation internationale.

Comment évoluent le nombre et l’importance de vos entreprises membres?

Ces dernières années, nous observons une situation très stable. De plus, la plupart des vingt sociétés du SMI (ndlr: Swiss Market Index, l’index phare de la Bourse suisse) sont membres de notre fédération. 

Comment mesurez-vous le succès de SwissHoldings?

Notre raison d’être est la défense d’une place économique attractive. Le nombre de grandes entreprises présentes en Suisse est la principale mesure de notre succès.

Heureusement, la Suisse est encore une place économique attractive pour les grandes entreprises. Nous devons veiller à préserver voire à améliorer cette situation, car ces entreprises multinationales sont importantes pour notre prospérité.

Quel est votre mode opératoire? 

D’une part, nous avons tout notre travail interne: nos groupes de travail sont des plateformes d’échanges pour les spécialistes (juridiques, fiscaux …) employés par nos entreprises membres.

D’autre part, nous représentons à l’externe les intérêts de nos entreprises membres. Pour ce faire, nous expliquons l’impact sur ces membres de certains projets de réglementation. Nous maintenons également des contacts avec l’Administration fédérale et nous exprimons nos positions lors des procédures de consultation.

Nos contacts avec l’étranger sont ponctuels. Nos bureaux sont situés uniquement dans la Berne fédérale et nous n’avons pas de présence permanente à l’étranger.

Quid de vos contacts avec la population, parfois appelée à s’exprimer lors de référendums ou d’initiatives populaires?

Depuis peu, nous avons commencé à communiquer directement avec la population, principalement par le biais des réseaux sociaux. Nous nous sommes en effet rendu compte qu’une partie de cette population éprouve un certain malaise à l’égard des multinationales et souhaite en savoir davantage sur celles-ci.

«Nous avons commencé à communiquer directement avec la population, principalement par le biais des réseaux sociaux»

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Comment êtes-vous financés et quelles sont les principales utilisations de vos ressources financières?

Nous sommes entièrement financés par nos entreprises membres. Notre budget n’est pas public, mais il sert avant tout à payer les salaires de notre dizaine d’employés. Contrairement à d’autres organisations patronales, nous ne finançons pas de partis politiques ou de politiciens.

En fait, nous servons de très grandes entreprises, mais nous sommes une petite organisation avec des moyens financiers réduits. Néanmoins, nous nous efforçons d’être aussi efficaces que possible tout en bénéficiant de l’expertise professionnelle des représentants de nos entreprises membres.

Parmi les cent principales entreprises suisses, environ la moitié sont dirigées par des CEO (directeurs généraux) étrangers. Est-ce positif ou négatif?

L’économie suisse est très internationale. Il n’est donc pas surprenant que de nombreux cadres viennent de l’étranger. Et je me réfère non seulement aux CEO, mais également aux autres cadres. Naturellement, il est important que ces dirigeants étrangers comprennent les spécificités suisses et, dans ce contexte, SwissHoldings joue un rôle important. 

Les onze membres de votre Comité directeur occupent avant tout des positions d’état-major (plutôt que de CEO) au sein de vos entreprises membres. Pour quelle raison?

En effet, nous avons beaucoup de directeurs financiers, de responsables légaux ou fiscaux, etc. SwissHoldings approfondit de nombreux dossiers concernant les états-majors et notre comité directeur est donc un reflet de ces activités.

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