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Ski alpin : Shiffrin rejoint Stenmark dans la légende !

Symbole fort, c’est au-dessus du lac gelé d’Are, dans le pays de Stenmark, que Shiffrin a égalé l’un des records les plus emblématiques, tenant depuis plus de 34 ans, bien avant sa naissance. Véritable coup de force, l’Américaine atteint cette marque encore très jeune.

« Il y a déjà quatre ans, je me suis dit qu’elle serait la première à gagner 100 courses, et même plus, si elle se maintient en bonne santé », avait prévenu Ingemar Stenmark lui-même.

Mikaela Shiffrin peut rêver de tels sommets grâce à sa faim de victoires depuis plus de dix ans, mais aussi sa polyvalence, elle qui a déjà gagné dans les six disciplines (slalom, géant, super-G, descente, combiné, parallèle). La skieuse du Colorado est également septuple championne du monde et double championne olympique. Sa domination, son palmarès et sa polyvalence la place comme une candidate crédible au titre de meilleure skieuse de l’histoire, même si l’évolution des saisons de Coupe du monde et des disciplines rend les époques incomparables.

Ce vendredi, aidée par une bonne luminosité lors de son passage, elle a écrasé la première manche avant d’assurer sur le deuxième tracé pour dominer l’Italienne Federica Brignone et la Suédoise Sara Hector, championne olympique en titre. Intraitable, elle a ainsi enchaîné une 12e victoire en 27 départs, en plus de ses trois médailles au Mondial (or en géant, argent en super-G et en slalom).

Mikaela Shiffrin s’est assurée de remporter le « petit globe » du géant avant les finales de la semaine prochaine, à Soldeu (Andorre), où elle soulèvera également le « petit globe » du slalom et son cinquième « gros globe » de cristal (après 2017, 2018, 2019 et 2022).

“Quelle journée spectaculaire. Je savais que le « globe » en géant était gagné avant de m’élancer en deuxième manche. Avec ce brin de chance de la météo, je m’étais battue pour le décrocher !”, a réagi l’Américaine qui aura l’occasion, ce samedi, de dépasser Stenmark.

“Peu importe ce que je réussis, c’est incomparable par rapport à ce que vous avez accompli”, a dit Shiffrin à Stenmark dans un message vidéo envoyé au Suédois. “Peut-être que je vais gagner une 87e course, peut-être pas, mais mon plus grand rêve était d’être associée à vous dans la même phrase. Le skieur que vous avez été et la personne que vous êtes m’ont inspirée.”

L’Américaine a su se relever de plusieurs épreuves pour reprendre le fil d’une carrière exceptionnelle. La mort de son père, la pandémie de Covid-19, des problèmes au dos et une quinzaine catastrophique lors des Jeux de Pékin, rien n’a pu empêcher l’avènement programmé de la nouvelle reine du ski mondial.

“Il y a dix-sept ans que j’y travaille. Tout le monde dit que c’est arrivé vite, mais ça m’a semblé une éternité.”

La déclaration de Mikaela Shiffrin n’est pas liée à son record. Elle date de plus de dix ans, lorsque l’Américaine s’était imposée pour la première fois sur le circuit, se révélant à la face du monde en décembre 2012, à Are déjà. Poussée par ses parents et le désir de copier son grand frère, Shiffrin a quitté Vail et le Colorado à 8 ans pour rejoindre la Burke Mountain Academy, une école privée spécialisée dans le ski de compétition dans le Vermont.

Surdouée, elle a débarqué sur la scène internationale à deux jours de ses 16 ans, le 11 mars 2011, à Spindleruv Mlyn.

“J’étais une petite fille très ambitieuse, qui se voulait parfaite…”, raconte-t-elle. « Je suis arrivée sur ce géant en me disant que je pouvais gagner alors que j’ai terminé 43e de la première manche ! En slalom, le lendemain, j’avais moins pensé au résultat, mais plus au ski que je voulais montrer.”

Et elle termina 32e de la première manche.

“Ce fut ma première leçon, je l’ai gardée en tête toute ma carrière.”

Véritable prodige, l’Américaine est devenue championne olympique de slalom à 18 ans, en février 2014, à Sotchi. Après son explosion précoce, elle étendit son talent à plusieurs disciplines et gagna trois fois d’affilée le classement de la Coupe du monde, de 2017 à 2019.

Sa folle série de succès fut stoppée en février 2020 avec le décès de son père, Jeff, dans un accident domestique. Avec l’arrivée du Covid-19 sur le circuit, les annulations de courses et des soucis au dos, l’Américaine entra dans une période sombre, dont l’abîme survint en 2022 aux Jeux de Pékin qui furent pour elle un échec majeur avec trois sorties de piste !

Humiliée, avec le sentiment du “ridicule” selon ses termes, la skieuse a rebondi spectaculairement. L’été dernier, elle a consulté un psychologue du sport et, cette saison, elle a retrouvé le rythme de victoires de ses plus belles années.

“Depuis trois ans, j’ai toujours voulu revenir en arrière, revoir mon père en vie. Je me sens différente désormais. Je respecte mon chemin, mais aussi ce que j’ai aujourd’hui, une superbe relation, une famille présente. Ça me donne de l’espoir. J’ai compris que je ne voulais pas guérir de la mort de mon père. Il peut me manquer mais, en même temps, je peux être heureuse de tout ce qui m’arrive !”

L’Américaine met également en avant sa relation sentimentale avec Aleksander Aamodt Kilde comme facteur de son renouveau. Sur son casque est gravée la règle d’or fixée pendant son enfance par son père : “Be nice, Think first, Have fun” (Sois respectueuse, réfléchis d’abord, amuse-toi).