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Remco Evenepoel avant le Tour d’Italie 2023 :“Entre Roglic et moi, c’est du 50-50″

guillement

« J’ai un maillot spécial sur le dos et ça peut m’aider. »

Remco, les bookmakers font de vous le favori pour la victoire finale au Giro ?

”Ce n’est pas très surprenant. Mes trois résultats probants à l’UAE Tour (1er), au Tour de Catalogne (2e) et à Liège-Bastogne-Liège (1er) montrent que je suis en forme. C’est donc assez logique que l’on me considère comme l’un des deux favoris, voire le favori. Mais je pense qu’entre Roglic et moi, c’est du 50-50. Il est aussi très bon. Pour preuve : il a remporté les deux courses auxquelles il a pris part cette année. Mais j’ai un maillot spécial sur le dos et cela peut m’aider, je crois.”

Jusqu’à présent, il n’y a eu aucun grain de sable dans votre préparation. Vous êtes dans la même situation que l’an dernier, avant la Vuelta, lorsque vous aviez gagné San Sebastian. On en arrive à se demander ce qu’il peut vous arriver de fâcheux au Giro…

”On ne peut pas comparer le Tour d’Italie à celui d’Espagne ou à la Grande Boucle. C’est le grand tour où l’on rencontre le plus de météos différentes en trois semaines. On ne sait jamais à quoi s’attendre. On peut passer de la chaleur, à la pluie, la neige d’un jour à l’autre. Il faut aussi rester vigilant et concentré dès le premier jour, puisqu’après le chrono de samedi, on enchaîne avec deux étapes de plus de 200 kilomètres. Je m’attends à un Giro très exigeant et contraignant pour les organismes. Ce seront trois semaines très difficiles. Il faudra gérer sa fatigue et garder de l’énergie pour la fin. Il va aussi falloir être patient, lucide et détendu mentalement. Au Giro, les routes ne sont pas toujours en bon état, ce sera un piège aussi à éviter. Mais avec la forme que l’on a dans l’équipe, tout peut très bien se passer si l’on fait tout correctement.”

La dernière semaine s’annonce très compliquée avec de la haute montagne. Qu’avez-vous reconnu de ces sept ultimes jours de course ?

”Rien. Quand on a voulu le faire en novembre, il neigeait. D’ailleurs, il neige encore là-haut en ce moment. Je connais un peu l’étape 15, parce qu’on a fait le Monte Bondone lors de l’Euro d’il y a deux ans. Mais on l’avait abordé en descente, ce n’est pas pareil (il sourit). Mais la dernière semaine s’annonce tellement difficile que je pense que ce seront les jambes qui feront la différence. Et puis, je ferai un peu de reco sur l’application Veloviewer. En revanche, j’ai effectué la reconnaissance de six étapes de la première semaine. En vélo et en voiture. Parce que j’ai l’impression que ces jours-là, il y aura pas mal d’étapes piégeuses, dont il faudra se méfier. On parle là de moyenne montagne avec des routes sinueuses. Par exemple, je me méfie de la 8e étape. Il n’y a qu’une toute petite bosse à dix bornes de l’arrivée, mais ça monte à 12 % pendant deux bornes. Et puis, en première semaine, tout le monde est frais et cherche à bien se placer en tête du peloton. En outre, il y a deux chronos dans les neuf premiers jours. Il me semblait donc important de savoir à quoi m’attendre. On connaît aussi l’arrivée à Bergame (NdlR : le dimanche 21 mai) parce que ce sont les routes du Tour de Lombardie.”

En Italie, vous avez connu quelques mauvaises expériences. Comme votre terrible chute au Tour de Lombardie ou votre abandon au Giro en 2021…

(il coupe) “Je ne pense plus à tout ça. Je n’ai que des sentiments positifs en arrivant en Italie, cette fois-ci. J’ai quand même passé des vacances ici, joué des chouettes matches de foot et vécu des bonnes journées lors du Giro 2021. En tout cas, j’ai hâte de débuter ce nouveau chapitre de ma carrière.”

Il y a trois chronos : deux plats et un dernier qui s’achève par la montée d’un col. Que vous inspire-t-il ?

”Je suis très content du parcours, en général. Quant à l’ascension du dernier samedi, je ne la redoute pas du tout. Je crois avoir montré ces derniers temps que j’ai très bien progressé en montagne. Les arrivées au Tour de Catalogne, ce n’était pas rien et je m’en suis très bien sorti. Je suis plus fort que l’année passée dans ce domaine. J’ai réussi à devancer Adam Yates en montagne en février, alors qu’on n’était qu’au début de la saison. Dans le passé, je n’étais pas en forme si tôt. Le plus encourageant dans tout ça, c’est qu’en Catalogne, je n’étais pas aussi fort qu’aujourd’hui. J’ai énormément confiance en moi.”

On imagine que vous avez prévu une stratégie.

”La première semaine, on mettra tout sur les deux chronos. Le reste du temps, on va essayer de s’épargner, de ne pas faire d’actions inutiles. Et puis, il faudra rester le plus calme possible jusqu’à la dernière semaine qui sera décisive. En tout cas, je rêve d’arriver à Rome en rose après l’avoir fait en rouge à Madrid. C’est un rêve mais il y a encore presque quatre semaines avant la fin du Giro. Et si je n’y arrive pas cette année, je pense que je reviendrai pour essayer à nouveau.”

Avez-vous prévu ce que vous ferez si vous prenez le maillot rose dès samedi ?

”Dans la sélection qu’on dévoilera demain (NdlR : ce mardi, donc), il y aura deux, trois rouleurs qui devront nous permettre de contrôler la course lors des étapes plates. Bien sûr, je chercherai à gagner le contre-la-montre inaugural et à prendre un maximum de temps sur mes rivaux. Mais, après, on pourrait décider de laisser filer quelques jours le maillot de leader. On sait aussi que gagner une étape dès le début du Giro nous enlèvera une certaine pression des épaules. On pourra aborder la suite avec plus de tranquillité. À la Vuelta, j’ai pris le leadership après six jours. Si, cette fois, il faut attendre le huitième ou neuvième, ça me va aussi.”

guillement

« Les deux chronos de la semaine initiale rendront la course atypique. »

Roglic est champion olympique du chrono et vous êtes l’un des trois meilleurs du monde dans ce domaine…

”Oui, cela devrait nous servir lors des deux premiers chronos, qui sont presque tout plats. 55 kilomètres de chrono durant la première semaine, c’est très bien pour des gars comme nous. D’autres, en revanche, auront un peu peur parce qu’il pourrait déjà y avoir de gros écarts. Je m’attends à un Giro très spécial avec une première semaine piégeuse, une deuxième qui servira d’échauffement pour la troisième. Les organisateurs ont tout mis sur la dernière semaine mais les deux chronos de la semaine initiale rendront la course atypique.”

guillement

« Je sens que je suis dans ma meilleure forme. »

Êtes-vous plus fort qu’au début de la Vuelta de l’an dernier ?

”Je pense que oui. J’ai acquis davantage de résistance. Je dois moins vite puiser dans mes réserves. J’ai aussi un peu plus de force dans les jambes. On a aussi plus travaillé les chronos que l’année passée pour être très fort dès le premier jour. Et puis, on a davantage axé la préparation sur la troisième semaine de course en passant des longues journées sur le vélo. Je sens que je suis dans ma meilleure forme et que je récupère très bien des entraînements. En tout cas, je suis très content de ma préparation.”

Pourquoi est-ce si important pour vous de revenir au Giro après avoir gagné la Vuelta ?

”Quand j’ai vu qu’il y avait trois chronos, je n’ai pas hésité longtemps. Et puis, on a un plan qui est de parvenir à gagner le Tour de France un jour. Mais pour me donner toutes les chances d’y arriver, il faut que je grandisse pas à pas. Et l’équipe avec moi. Je ne veux pas risquer de brûler les étapes. Cela me semble être le plan le plus sage. On veut monter la marche suivante de l’escalier avant de s’attaquer à son sommet. On est tous sur la même longueur d’onde. On avance patiemment, sans stress, avec beaucoup de maturité et de confiance.”

Vous avez fait beaucoup de stages en altitude. Avez-vous eu le temps de préparer spécifiquement le chrono ?

”Oui, oui, ici à Denia, ça a été beaucoup plus facile de le faire qu’à Tenerife. Ici, il y a une boucle idéale parfaite pour rouler derrière le scooter de mon père. Je serai prêt pour samedi.”

On parle beaucoup de Roglic comme grand rival mais voyez-vous d’autres prétendants à la victoire finale, le 28 mai à Rome ?

”Bien sûr qu’il y a d’autres candidats. Almeida, Vlasov, Thomas, ce sont des gars qui ont déjà fait de très bons résultats dans des grands tours. On sait que beaucoup de coureurs peuvent gagner le Giro, mais je me focalise sur notre plan, notre stratégie. C’est facile de donner deux, trois favoris avant un tour. Mais dans un grand tour, les dangers sont présents à chaque coin.”

guillement

« Peut-être qu’à certains moment, Primoz et moi, on aura besoin l’un de l’autre. »

Avez-vous eu l’occasion de parler à Roglic, quand vous étiez ensemble en stage au Teide ?

”Oui, quelques fois mais on avait chacun un programme chargé. C’est vrai qu’il y a de la concurrence entre nous mais peut-être qu’à certains moments, Primoz et moi, on aura besoin l’un de l’autre. Je n’ai pas beaucoup d’ennemis dans le peloton. Bien sûr, c’est difficile d’avoir une vraie amitié avec un rival mais nous avons beaucoup de respect l’un pour l’autre.”