Maroc

Stress hydrique : le détail du plan d’urgence

Mobilisation générale au Maroc pour sécuriser l’approvisionnement en eau face à un déficit pluviométrique qui devient chronique et un taux de remplissage des barrages plutôt inquiétant. Le Royaume annonce ainsi un plan d’urgence élaboré par les départements concernés. Eclairages.

Le Maroc déploie un plan d’urgence face aux effets du stress hydrique. Dans ce sens, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a présidé au Palais Royal de Rabat une séance de travail consacrée à la problématique de l’eau. Cette réunion s’inscrit dans le cadre du suivi continu et de la Haute Sollicitude qu’accorde Sa Majesté le Roi à cette question stratégique, particulièrement dans le contexte actuel marqué par un déficit notable en termes de précipitations et une très forte pression sur les ressources hydriques à travers les régions du Royaume. Au début de cette séance de travail, le ministre de l’équipement et de l’eau, Nizar Baraka, a présenté un exposé sur la situation hydrique, qui fait ressortir, pour la période de septembre à mi-janvier 2024, un déficit pluviométrique de 70% par rapport à la moyenne, ainsi qu’un taux de remplissage des barrages de 23,2% contre 31,5% à la même période de l’année dernière. Grâce aux actions déjà engagées suite aux Hautes Orientations Royales, notamment dans le cadre du Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027, plusieurs provinces et régions ont pu être convenablement approvisionnées ces dernières années en eau potable. C’est le cas, en particulier, de la réalisation de l’interconnexion des bassins de Sebou et Bouregreg et de la mise en service des stations de dessalement d’Agadir et de Safi-Jorf Lasfar.

Mesures
Le ministre a ensuite présenté devant Sa Majesté le Roi le plan d’action d’urgence élaboré par les départements concernés afin de faire face à la situation actuelle et assurer l’approvisionnement en eau potable, particulièrement dans les villes, centres et localités déficitaires ou susceptibles de l’être. Ce plan d’action d’urgence présenté devant le Souverain, et décliné au niveau des différents systèmes hydrauliques du Royaume, prévoit une diversité de mesures comprenant, à court terme, la mobilisation optimale des ressources au niveau des barrages, des forages et des stations de dessalement existantes, la réalisation d’équipements urgents d’adduction et d’approvisionnement de l’eau, et là où la situation l’exige, des mesures éventuelles de restriction de l’eau d’irrigation ou des débits de distribution. Parallèlement, et conformément aux Hautes Orientations Royales, il sera procédé à l’accélération des chantiers programmés ayant un impact à moyen terme, en particulier les barrages en cours d’exécution, l’interconnexion entre les bassins du Sebou, du Bouregreg et d’Oum Rabia, le programme national des stations de dessalement de l’eau de mer, le programme de réutilisation des eaux usées épurées, le programme de l’économie de l’eau au niveau des réseaux d’adduction et de distribution de l’eau potable et d’irrigation. Sa Majesté le Roi a exhorté les départements et organismes concernés à redoubler de vigilance et d’effort pour relever le défi de la sécurité hydrique et assurer l’approvisionnement en eau potable à l’échelle de toutes les localités du Royaume.

Communication transparente
A cet égard, le Souverain a invité le gouvernement à instaurer une communication transparente et régulière en direction des citoyens sur les évolutions de la situation hydrique et sur le plan des mesures d’urgence qui seront mises en œuvre, tout en renforçant la sensibilisation du grand public à l’économie de l’eau et à la lutte contre toutes les formes de gaspillage ou d’usages irresponsables de cette matière vitale. Ont pris part à cette séance de travail le conseiller de SM le Roi, Fouad Ali El Himma, le ministre de l’intérieur, Abdelouafi Laftit, le ministre de l’eau et de l’équipement, Nizar Baraka, le ministre de l’agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, Mohammed Sadiki, le ministre délégué auprès de la ministre de l’économie et des finances, chargé du budget, Fouzi Lekjaa, et le directeur général de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable, Abderrahim El Hafidi. A noter enfin que le stress hydrique qui touche le Maroc est devenu structurel après la succession des années de sécheresse. Il est dû en grande partie au changement climatique. Durant les deux dernières années, le niveau de la hausse des températures a passé deux degrés, ce qui représente un taux plus élevé que la moyenne mondiale, selon M. Baraka qui s’exprimait récemment au Parlement. Ce dernier avait expliqué que cette hausse a donné lieu à une moyenne d’évaporation de l’eau des barrages de 1.500.000 mètres cubes par jour. Il a, en outre, fait état de la baisse de la moyenne annuelle des ressources hydriques à 7.000.200.000 mètres cubes au cours des dix dernières années, et à 5.000.200.000 mètres cubes entre 2017 et 2023. Le ministre a aussi précisé que depuis septembre une moyenne d’un milliard 500 millions de mètres cubes de ressources hydriques a été enregistrée, alors qu’actuellement seulement une moyenne de 500 millions de mètres cubes est enregistrée, ce qui constitue une baisse de 67% qui a concerné l’ensemble des bassins hydrauliques. Pour faire face à ces problématiques, le gouvernement a pris les mesures nécessaires susceptibles d’arrêter le gaspillage, garantir un usage rationnel de l’eau et baisser la pression hydrique sur les réseaux et, le cas échéant, procéder à des coupures d’approvisionnement en eau dans certaines zones pendant certaines heures. Et pour cause, la situation hydrique relative à quelques bassins est inquiétante. C’est le cas pour le bassin de Bouregreg dont le taux de remplissage est actuellement de 19% alors que la situation aurait été pire si le projet royal d’interconnexion entre les bassins de Sebou et de Bouregreg n’avait pas été réalisé. Concernant la situation du bassin hydraulique d’Oum Er Rabia, le ministre a relevé que le taux de remplissage des barrages dans ce bassin a atteint 4,6%, alors que le remplissage du barrage Al Massira, qui approvisionne la région sud de Casablanca, Berrechid, El Jadida et les provinces sud avoisinantes et aussi Tamansourt et Safi, ne dépasse pas 32 millions de mètres cubes, soit un taux de remplissage de 1,2%.

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Dessalement
Priorité : Le dessalement des eaux demeure une priorité pour gérer le déficit hydrique. M. Baraka avait noté récemment au Parlement qu’à l’horizon 2030, l’approvisionnement en eau potable sera assuré à hauteur de 50% grâce au dessalement des eaux, rappelant que le gouvernement a mis en place un plan visant à réaliser plusieurs stations de dessalement afin d’atteindre un niveau de production de 1,4 milliard de m3 à cette date. Le ministre a également précisé qu’OCP se chargera du dessalement de 560 millions de m3, soulignant que 500 millions de m3 d’eau seront destinés au secteur agricole tandis que le volume restant sera dédié à l’approvisionnement des citoyens en eau potable. Et d’ajouter que selon le plan gouvernemental, les villes côtières seront dotées de stations de dessalement, dans le cadre d’un partenariat entre les secteurs public et privé, ce qui signifie qu’elles ne bénéficieront pas des eaux des barrages qui seront destinées à la satisfaction des besoins des villes intérieures, du monde rural ainsi qu’à l’irrigation. Par ailleurs, le ministre a expliqué que pour répondre au problème du stress hydrique, le gouvernement a adopté une approche basée sur la solidarité entre les villes côtières et intérieures en étendant les canaux d’approvisionnement en eau potable, en allégeant la pression sur les barrages dont les eaux seront destinées aux régions intérieures, au monde rural et au secteur agricole. Le programme des stations de dessalement permettra de dépasser la situation actuelle à l’horizon 2027 et garantira de ce fait l’approvisionnement des citoyens à hauteur de 100% en eau potable dans les zones côtières, en plus de consacrer une superficie de 100.000 hectares à la production de produits alimentaires de base, ce qui aura un impact positif sur le citoyen marocain et contribuera à diversifier les sources de devises, a-t-il conclu.