Maroc

Établissements pénitentiaires : La réforme arrive

La commission de justice, de législation et des droits de l’Homme à la Chambre des représentants vient d’approuver à l’unanimité le projet de loi n°10.23 portant organisation et gestion des établissements pénitentiaires. La réunion tenue par la commission de la justice, de la législation et des droits de l’Homme de la Chambre des représentants a été marquée par un long débat qui a nécessité plus de 11 heures de travail continu en présence notamment de Abdellatif Ouahbi, ministre de la justice. La réunion a été consacrée à l’adoption d’amendements et au vote du projet de loi en question. Un total de 362 amendements avaient été proposés par les groupes et groupements parlementaires dans une atmosphère caractérisée par un esprit de responsabilité et de sérieux. Chaque amendement a été examiné séparément en donnant la possibilité aux députés de la majorité et ceux de l’opposition de donner leur avis concernant les amendements proposés conformément au règlement intérieur de la première Chambre parlementaire. Selon des sources parlementaires, le ministre de la justice a interagi positivement avec les avis et suggestions des différents groupes parlementaires, et a fourni des explications et des éclaircissements précis sur les contraintes qui empêchent l’acceptation de certains amendements. Par contre, toutes les propositions d’amendements qui corrigeaient certaines lacunes du projet de texte ont été bien accueillies. Dans ce sens, un total de 70 amendements ont été adoptés intégralement ou partiellement par les membres de la commission. Ces amendements qui ont touché de nombreuses dispositions ont abouti à la modification de 45 articles du projet de loi n°10.23 portant organisation et gestion des établissements pénitentiaires. À l’issue de la réunion, la commission a approuvé le projet de loi avec 15 voix pour, aucun rejet et un total de 9 abstentions.

Dispositions
Il faut dire que le texte vise à réaliser une révision globale et profonde de la loi n°23.98 relative à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires, en tenant compte de la préservation de la sécurité des détenus, des personnes, des bâtiments et des installations consacrées aux prisons. Le texte œuvre également au maintien de la sécurité publique et la garantie des droits et la sécurité des détenus, outre l’amélioration de leurs conditions humaines et de leur conduite, ainsi que leur réinsertion sociale. Le projet de loi comprend un ensemble de dispositions qui concernent la promotion des droits au sein des établissements pénitentiaires, notamment en matière de réhabilitation et de réinsertion des détenus selon une approche nouvelle et innovante qui tient compte de l’engagement du Maroc à l’égard de ses obligations internationales et des principes, droits et devoirs requis par ses chartes. Ces dispositions reflètent, en outre, l’attachement du Royaume aux droits de l’Homme tels qu’universellement reconnus, ainsi que son engagement absolu à protéger et à faire progresser le système des droits de l’Homme et à contribuer à son développement. Le texte appelle, par ailleurs, à accorder un traitement humain à toutes les personnes privées de liberté, dans le respect de la dignité inhérente à la personne humaine, et à séparer celles en détention provisoire des condamnés, ainsi que les mineurs des adultes. De manière générale, le texte veille à ce que les détenus bénéficient d’un traitement dont l’objectif premier est l’amélioration de leur conduite et leur réinsertion sociale.

Recommandations
Pour rappel, le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) avait rendu son avis sur le projet de loi n°10.23 portant organisation et gestion des établissements pénitentiaires. Dans son avis, le CNDH avait conclu que « le projet nécessite une révision globale afin d’établir un équilibre essentiel entre les impératifs de préservation de la sécurité et de l’ordre public, et les exigences de réhabilitation des détenus, en utilisant des termes alternatifs qui reflètent l’approche des droits de l’Homme dans le projet de loi». Parmi les remarques formulées par le Conseil figurent notamment «le grand nombre de renvois à des textes réglementaires complémentaires à la loi, la plupart étant liés à la mise en œuvre des droits fondamentaux des détenus. Cette situation soulève de nombreuses interrogations concernant les délais de publication de ces textes et la garantie de leur conformité aux normes internationales relatives à la protection des droits des détenus». Le Conseil avait recommandé également de remplacer le terme «ne peut pas» par «est interdit» dans toutes les dispositions du projet de loi relatives aux actes, à la gestion ou aux mesures prises par les fonctionnaires, les établissements pénitentiaires, l’administration chargée des prisons ou toute autre personne.

Cette modification vise à garantir qu’aucun détenu ne soit soumis à une forme d’abus ou de traitement dégradant, contraires à la dignité humaine. Parmi les recommandations du CNDH figurait également l’établissement de critères objectifs mesurables concernant les contenus des termes tels que «extrême dangerosité», «niveau de danger», «personnalité du détenu», «comportement exemplaire» et «bonne conduite» dans toutes les dispositions du projet de loi. Ceci afin d’éviter les interprétations subjectives et les jugements de valeur et de garantir l’application de ces critères sur une base objective, assurant ainsi la justice et l’équité dans l’évaluation de la situation des détenus, avait indiqué le Conseil. Après l’adoption du texte en commission, ce dernier est prêt pour son adoption en séance plénière dès l’ouverture de la session parlementaire du mois d’octobre vendredi prochain (voir encadré). Un autre projet de loi en rapport avec la réforme de la justice avait également été adopté en commission il y a quelques jours. Il s’agit du projet de loi relatif aux peines alternatives.

Année législative
Inauguration La 3ème année législative de l’actuelle législature s’ouvre vendredi dans un contexte particulier marqué par plusieurs chantiers, défis et enjeux à leur tête la gestion des conséquences du séisme d’Al Haouz, la réforme du Code de la famille et du système de la justice et la consolidation des fondements de l’État social. La gestion des effets du séisme qui a frappé plusieurs régions du Royaume interpelle opposition et majorité et place l’institution législative au centre de la mobilisation nationale, conformément aux Hautes Orientations Royales, portant sur l’accompagnement et la contribution à la mise en œuvre du programme de reconstruction et de réhabilitation générale des zones impactées. Dans cet élan de mobilisation nationale, le Parlement a anticipé l’ouverture de la nouvelle session législative qui commence le deuxième vendredi d’octobre, par une réunion conjointe de ses commissions de finances au cours de laquelle le ministre délégué chargé du budget, Fouzi Lekjaa, a détaillé les grandes lignes du programme de reconstruction et les mesures prises par le gouvernement pour faire face aux incidences de cette catastrophe naturelle. Pour sa part, la commission des finances et du développement économique à la Chambre des représentants a approuvé le projet de décret-loi n°2.23.870 portant création de l’Agence de développement du Grand Atlas. Ce décret-loi vise à créer une entité publique dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, en l’occurrence l’Agence de développement du Grand Atlas, qui aura pour mission de piloter l’exécution du programme de reconstruction et la gestion de ses projets. La session parlementaire automnale sera également marquée par le débat sur le projet de loi de Finances (PLF) qui devrait prévoir une série de mesures pour répondre aux répercussions du séisme d’Al Haouz, outre le chantier de la réforme du système de la justice et l’adoption de textes décisifs visant à consolider les fondements de l’État social, un choix que la majorité gouvernementale considère qu’il reflète une volonté politique constante.