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Vers une politique européenne du cannabis ? Malgé les contraintes de la Commission, l’Allemagne veut montrer la voie

Ce circuit commercial est relégué au statut expérimental. Des projets modèles, limités à cinq ans et accompagnés scientifiquement, seront organisés sur des territoires restreints, encore à définir. “Ce que nous a dit Bruxelles nous a d’un côté déçus, mais c’est aussi l’opportunité de poser les fondements d’une politique européenne du cannabis avec des projets modèles bien structurés”, positive Karl Lauterbach. Pour éviter le narco-tourisme, Berlin envisage des mesures strictes, tel l’alignement des volumes autorisés à la vente sur la taille de la population des territoires concernés. De nombreux détails restent à fixer, notamment si la production devra avoir lieu sur les territoires retenus pour l’expérimentation. Un projet de loi est attendu pour après l’été.

Des “clubs cannabis”

Si la possibilité de cultiver soi-même trois plantes demeure dans la feuille de route, les “clubs cannabis” constitueront l’axe majeur de distribution, selon le plan du gouvernement. À but non lucratif, ces associations cultiveront le chanvre dans des conditions de qualité encadrées et distribueront la drogue auprès de leurs membres, dans la limite de 50 grammes par mois, soit deux fois la quantité que les Allemands seront autorisés à avoir sur eux. Chaque club ne pourra dépasser la barre des 500 adhérents.

Ce volet sera présenté dès ce mois-ci au Bundestag. Sur le plan formel, la coalition d’Olaf Scholz veut légiférer sans passer au Bundesrat où les conservateurs, vent debout contre la légalisation, pourraient bloquer les textes.

Cofondateur de l’entreprise Demecan, principal acteur allemand pour le cannabis thérapeutique, également les rangs pour le marché récréatif, Cornelius Maurer veut voir le verre à moitié plein. Il met en avant la “sécurité juridique” du projet expérimental. “Si on regarde ce qui s’est passé au Canada et aux États-Unis, il y a eu d’abord une petite légalisation, pour le cannabis à usage médical, puis des produits pour le marché récréatif et enfin une légalisation plus large”, poursuit-il. Même avec une portée réduite, il voit des perspectives d’affaires dans la légalisation proposée par le gouvernement.

Les associations “auront besoin de trouver les semences ou les plants quelque part. Nous menons des recherches sur la culture du cannabis depuis plusieurs années. Nous avons déjà sélectionné des variétés que nous pouvons mettre à disposition”, précise Cornelius Maurer. Il peut aussi s’imaginer louer les locaux de son entreprise, qui a une plantation près de Dresde, aux “clubs cannabis”. “Ce n’est pas explicitement interdit à ce stade”, fait valoir le responsable de Demecan. Il compte aussi sur les mois à venir pour faire bouger les lignes sur le paramétrage du circuit commercial expérimental. Son idée : étendre le projet à tout le territoire. Une ficelle un peu grosse ? “Ce serait similaire à ce que font les Pays-Bas”, se défend l’entrepreneur en forçant un peu le trait. Dix villes néerlandaises participent à une expérimentation qui doit commencer en 2024.