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Pourquoi la Tunisie, déplace-t-elle des migrants vers une zone de départ pour l’Italie ? – Actualités Tunisie Focus

Des dizaines de bus ont acheminé ces derniers jours des immigrés subsahariens depuis la ville de Sfax vers El Amra, à environ 30km de là. La localité est connue comme étant l’un des principaux points de départs des bateaux pour l’Italie. Mais la plupart des exilés acheminés vivaient à la rue depuis des mois et n’ont pas les moyens de payer la traversée, souligne une chercheuse.

Sur des photos et vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, des dizaines de personnes tentent de bloquer une route sur laquelle des bus blancs ont été contraints de s’arrêter. La scène se passe près de la ville d’El Amra, à une trentaine de kilomètres au nord de Sfax.

Dans ces bus se trouvent des centaines de migrants subsahariens qui ont été expulsés du centre-ville de Sfax dimanche 17 septembre. De nombreux exilés avaient été arrêtés dans la ville côtière, plus précisément sur une place du quartier Bab El-Jebli, où ils avaient trouvé refuge après avoir été expulsés de leur logement au début du mois de juillet.

« Cette campagne de sécurité a été bien accueillie par les habitants de la région, en particulier après le rétablissement de l’ordre public et l’évacuation des places publiques », s’est félicité le ministère de l’intérieur dans un communiqué publié dimanche, cité par le journal Le Monde.

« Les gens ont été abandonnés »

Pourquoi déplacer ces personnes à El Amra, l’un des principaux points de départs des bateaux de migrants pour tenter de rejoindre l’Europe?

« On a du mal à entrevoir une stratégie, reconnaît Nadège Lahmar, consultante et chercheuse sur les droits humains en Tunisie. Cela peut être vu comme des actions de communication ou bien une démonstration de force pour répondre à la pression venant d’Italie et de l’Union européenne (UE) ».

Selon Romdhane Ben Amor, porte-parole du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), interrogé par Le Monde, les expulsions de dimanche se sont déroulées sans résistance de la part des exilés « car on leur a fait croire qu’ils allaient être pris en charge dans des camps, alors qu’ils ont été jetés au milieu des champs d’oliviers ». « Il n’y a rien dans cette zone, les gens ont été abandonnés », abonde Nadège Lahmar.

Alors qu’aucun hébergement n’est prévu pour les exilés à El Amra, les autorités tunisiennes peuvent-elles avoir délibérément amener des centaines de Subsahariens sur un point de départ vers l’Europe ? Nadège Lahmar n’exclut pas totalement cette possibilité mais souligne un paradoxe : « [Les autorités tunisiennes] amènent les personnes près des points de départ des bateaux et en même ces personnes, à la rue depuis des mois, n’ont pas l’argent pour payer la traversée ».

Pour elle, « les autorités tunisiennes essayent de répondre aux attentes et protestations de la population locale et en même temps aux partenaires européens », sans vraiment avoir de solutions.

Des départs en forte hausse

Depuis le mois de février, les départs d’exilés depuis la Tunisie se sont multipliés, notamment après un discours du président Kaïs Saïed en février dernier. Le chef de l’État s’en était pris verbalement aux immigrés d’Afrique subsaharienne, évoquant des « hordes des migrants clandestins » dont la présence en Tunisie serait source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables ».

Les départs depuis les côtes tunisiennes se sont encore accélérés à la suite de la vague de violence anti-migrants qui a débuté à Sfax, début juillet, après le décès d’un Tunisien, mort dans une rixe entre migrants et locaux.

Selon Le Monde, la Garde nationale tunisienne avait annoncé en juillet avoir intercepté plus de 30 000 migrants dans les six premiers mois de l’année 2023.

Au même moment, les autorités italiennes indiquaient que 81 000 personnes étaient arrivées dans le pays par la mer depuis le 1er janvier, soit une hausse de 140 % par rapport à la même période l’an dernier où 33 000 débarquements avaient été enregistrés.

Source/ infomigrants.