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Les différentes raisons qui poussent les Pays-Bas à vouloir absolument fournir des F-16 à l’Ukraine

Une volonté de soutien

De quoi satisfaire les Néerlandais, qui insistent pour fournir à l’Ukraine ces avions de combat, que ne cesse de réclamer le président Zelensky. La première raison de l’attitude des Pays-Bas demeure la volonté d’être un ferme soutien à l’Ukraine dans son combat contre l’envahisseur russe. Selon Peter Wijninga, expert en défense et armement au Centre des études stratégiques de La Haye, le gouvernement néerlandais souhaite avant tout “aider un pays en difficulté et lui fournir l’aide dont il a besoin”.

S’ajoutent deux autres raisons, qui expliquent l’insistance du Premier ministre Mark Rutte à livrer ces avions de combat à Kiev.

La livraison de F-16 à l’Ukraine permettra « une grosse montée en puissance » face aux Russes

Un renouvellement de l’artillerie

La raison primordiale, selon Peter Wijninga, est le renouvellement de la force aérienne néerlandaise. Les Pays-Bas sont en train de remplacer leurs F-16 (ils furent les premiers Européens à en recevoir en 1979) par des F-35A, et “il faut bien se débarrasser” des premiers, confie l’expert, sourire en coin. “Évidemment, le gouvernement pourrait passer par un long processus de revente à d’autres pays, mais ils préfèrent essayer de les livrer à l’Ukraine, qui en a le plus besoin”.

Ce qui semble cependant primer sur toutes ces considérations serait d’ordre politique.

Mark Rutte à l’avant-scène internationale

Il y a des rumeurs” explique le politologue David Bos, de l’Université d’Amsterdam, “selon lesquelles Mark Rutte pense à son avenir”. Le Premier ministre néerlandais occupe son poste depuis 2010 et en est à son quatrième mandat. En fonction depuis plus de 12 ans, il est le doyen des chefs de gouvernement européen. “Alors les spéculations vont bon train. Et l’une d’entre elles serait que Mark Rutte aspire à accéder au poste de secrétaire général des Nations unies”, glisse M. Bos. Même si le Premier ministre dément la rumeur quant à ses envies de changer d’air, “cela pourrait expliquer la volonté des Pays-Bas de se mettre en avant sur la scène internationale”, juge David Bos.

Outre ces conjectures, si un accord survient entre les États-Unis et les pays européens à propos de la livraison de F16 à Kiev, “Mark Rutte jouira d’un nouveau statut aux yeux en Europe et cela le mettrait en lumière à l’international”, pose Peter Wijninga.

Car pour pouvoir faire en sorte que la livraison de ces F-16 bénéficie réellement à l’Ukraine, les pays européens doivent se serrer les coudes. “Il faut entraîner les pilotes qui partent de zéro, et pour cela l’aide de la France, du Danemark et de la Norvège pourrait s’avérer utile. Cela créerait une nouvelle coalition, en quelque sorte, comme avec la livraison des chars Léopard en janvier. Et le Royaume-Uni serait de la partie.” Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a fait savoir en début de semaine, lors du sommet du Conseil de l’Europe, à Reykjavik, que Londres travaillait à établir cette coalition, dont M. Rutte pourrait être la tête de pont sur le continent. Les F-16 belges sont trop vieux pour être envoyés en Ukraine, a fait savoir de son côté la ministre belge de la Défense, Ludivine Dedonder (PS), mais la Belgique est prête à participer à la formation des pilotes ukrainiens.

Patrick Bolder, lieutenant-colonel de l’armée de l’air royale néerlandaise à la retraite, corrobore le propos concernant la manœuvre de Mark Rutte : “C’est sa chance, en tant que l’un des dirigeants politiques européens les plus expérimentés, de faire preuve de son sens politique dans un cadre international.” “Il y a toujours une pointe d’ego en jeu”, conclut-il.

Cela posé, même si les avions devaient être livrés rapidement, la formation de pilotes pourrait durer des mois, voire des années. L’Ukraine ne pourrait en faire usage qu’à un horizon encore lointain.