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L’arrestation de Imran Khan enfonce le Pakistan dans une crise politique à hauts risques

Sa détention a éveillé une colère envers l’armée. Mardi, dans la foulée de cette annonce, ses partisans ont attaqué la résidence du chef de corps à Lahore ainsi que l’entrée du quartier général à Rawalpindi. Au moins 1200 personnes ont été interpellées, quatre ont été tuées, et 130 policiers blessés, d’après un bilan provisoire. Son parti, le PTI, a saisi la Cour suprême mercredi pour obtenir sa libération.

La crise politique a commencé en avril 2022 quand Imran Khan a perdu un vote de confiance à l’Assemblée nationale. Des députés lui ont tourné le dos, alors même que l’économie du pays est en berne et il a quitté le pouvoir. M. Khan a alors accusé le nouveau gouvernement de Shehbaz Sharif d’avoir acheté des parlementaires et exigé des législatives anticipées. Une marche “populaire” vers Islamabad a alors été lancée pour déloger la coalition de la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz et du Parti du peuple pakistanais. Une tentative qui a avorté après qu’Imran Khan a échappé à une tentative d’assassinat en novembre. Depuis lors, le leader du PTI accuse l’armée et le pouvoir civil de vouloir le tuer. Des accusations qu’il a réitérées dimanche, pointant du doigt un officier supérieur de l’Isi, les services secrets militaires. Pour la puissante armée, dont Imran Khan ne cesse de contester la légitimité, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Mardi, il a été brutalement interpellé dans la Haute Cour d’Islamabad où il comparaissait pour une affaire le concernant. Des paramilitaires l’ont extrait par le col comme un vulgaire délinquant. Ses conseillers ont désormais peur d’être les prochains sur la liste : “J’essaye d’éviter d’être arrêté. On ne s’attendait pas à ça. L’armée ne veut pas qu’il fasse campagne pour les législatives cette année”, confie son porte-parole Fawad Chaudhry, avec de l’abattement dans la voix.

Le spectre d’un nouveau coup d’État militaire

La détention de Imran Khan précipite le Pakistan dans l’incertitude. “Toute la société est divisée”, pointe Fawad Chaudhry. Aucun apaisement entre la coalition au pouvoir et le PTI ne semble possible. Dans ce contexte, difficile d’affirmer que les élections censées se tenir d’ici l’automne auront lieu. “Il n’y aura sans doute pas de scrutin. La situation n’est pas propice. Mais j’ignore ce qui se passera quand la législature arrivera à son terme en août”, explique de son côté un parlementaire de la coalition.

Cette instabilité intervient au pire moment. Le pays traverse une crise économique marquée par une dette de 100 milliards de dollars, une inflation à deux chiffres et une pénurie de réserves de change qui empêche les entreprises d’importer des matières premières. Si la Chine a accordé au pays un prêt de 700 millions en février pour éviter un défaut de paiement, Pékin a appelé le gouvernement à résoudre l’impasse politique pour se concentrer sur le redressement de l’économie.

Mais le PTI ne cherche pas seulement à libérer son chef pour le porter au pouvoir. Il veut plus largement renverser le système politique en place depuis la chute de la dictature militaire en 2008. Après cet épisode, l’armée a laissé la démocratie parlementaire fonctionner en gardant son domaine réservé : la sécurité intérieure, la politique étrangère, l’arsenal nucléaire et ses entreprises présentes dans des pans entiers de l’économie. Ce partage du pouvoir, Imran Khan répète qu’il veut y mettre fin. “Tous ces gens qui manifestent ne veulent plus de cet État profond. Ils veulent que la démocratie prenne le dessus”, affirme Fawad Chaudhry.

Dans ce contexte, les généraux vont-ils à nouveau s’emparer du pouvoir comme ils l’ont fait à trois reprises dans le passé ? Les leaders du PTI comptent sur le soutien d’une partie des troupes pour empêcher pareil scénario. “Certains soldats soutiennent Imran Khan. L’armée est divisée en interne”, parie l’un d’eux.

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