InternationalTunisie

La Chine produit ses équipements militaires « 20 fois moins chers et 6 fois plus vite » que les Etats-Unis – Actualités Tunisie Focus

En 2021, les forces navales chinoises ont admis au service 5 destroyers Type 052D/DL et 3 croiseurs Type 055, alors que l’US Navy, pour sa part, n’aura admis au service aucun nouveau destroyer Arleigh Burke. Selon la planification en cours, la situation sera comparable dans les années à venir, même si en 2022, 2 destroyers Arleigh Burke, l’USS Franck E.Pertensen Jr et l’USS John Basilone, ont été admis au service.

Au total, sur les 3 dernières années( 2019-2021), la Marine chinoise aura reçu 11 destroyers Type 052 D/DL et 4 croiseurs Type 055 pour seulement nouveaux 3 destroyers au sein de l’US Navy. Cette situation est loin d’être anecdotique dans la course aux armements que se livrent, depuis plusieurs années maintenant, Pékin et Washington, avec pour objectif le contrôle du Pacifique occidental et de l’Ocean Indien, y compris dans le domaine des forces aériennes.

Ainsi, alors qu’il s’exprimait à l’occasion du Government Contracting Pricing Summit, l’assistant au sous-secretaire à l’Air Force en charge des acquisitions, le Major Général Cameron Holt, estima que la Chine produisait ses équipements de défense 5 à 6 fois plus rapidement que le font les Etats-Unis. Et d’ajouter qu’aujourd’hui, Pékin pouvait n’investir que 1 $ là ou Washington devait investir, pour sa part, 20 $ pour obtenir une capacité opérationnelle similaire.

En conclusion, le général Holt, qui partait en retraite quelques jours plus tard et avait de fait une certaine liberté d’expression, invita ses auditeurs à s’interroger sur les conséquences, mais également les origines de tels déséquilibres pour les années à venir.

L’écart de prix entre les équipements militaires américains n’est pas, en soit, une nouvelle exceptionnelle. Ainsi, un avion de combat J-10C est proposé sur le marché export à un prix unitaire 2,5 fois plus attractif qu’un F-16 Block 70, et une frégate Type 054A est proposée pour la moitié du prix d’une frégate européenne de même tonnage, comme la FDI.

Toutefois, jusqu’il y a peu, les performances et la fiabilité des materiels militaires chinois étaient réputées sensiblement inférieures à celles de leurs homologues américains ou occidentaux, avec une durée de vie, une évolutivité et des performances opérationnelles moindres. Ces certitudes sont désormais remises en question, tant dans le domaine aérien que naval et même concernant les armements terrestres, alors que dans le même temps, les nouveaux programmes américains ne cessent de voir leurs couts croitre.

Ainsi, le nouveau char léger qui équipera l’US Army, le MFP de General Dynamics Land System, aura un prix unitaire de l’ordre de 12 m$, équivalent à celui d’un char lourd comme le Leclerc ou le Leopard 2, là ou son pendant chinois, le Type 15 delà en service, a été acquis dans sa version export pour moins de 2 m$ l’unité par le Bangladesh, ceci incluant munitions et pièces de rechange.

L’écart de prix sur la scène export est déjà plus que significatif et problématique en soit, puisqu’il supposerait que les Etats-Unis devraient investir à minima 3 à 4 fois plus Pékin dans sa propre défense afin de rester à parité avec la Chine. La situation pourrait dans la réalité être bien pire.

Il n’est pas possible de connaitre les prix d’acquisition des équipements militaires acquis par la Chine, l’information étant particulièrement confidentielle. Toutefois, pour peu que Pékin applique une stratégie de tarification équivalente à la Russie sur la scène internationale, il se pourrait que ce coefficient multiplicateur doivent être multiplié par 2 voire par 3 pour être réaliste.

En effet, Moscou établit ses prix d’exportation non pas sur la base des couts de production de ses équipements, mais sur une évaluation de l’attractivité commerciale et des prix de marché sur la scène internationale. Ainsi, un Su-30SM est acquis pour à peine plus de 15 m$ par les forces aériennes russes, alors que l’appareil est proposé, à l’exportation, à plus de 35 m$, ce qui demeure un tarif plus qu’attractif face aux 100 m$ moyen des avions de combat équivalents occidentaux, comme le F-15 ou le Typhoon

Pour autant, le coefficient multiplicateur entre le prix d’acquisition des équipements américains (et dans une moindre mesure européens) et leurs équivalents chinois, ne serait que de 3 à 6 selon les hypothèses retenues. Le général Holt aurait-il exagéré le trait pour marquer son propose, en affirmant qu’il se situait dans un rapport de 20 contre 1 ? Pas nécessairement.

En effet, le tiers des dépenses annuelles engagées par l’US Air Force se concentrent aujourd’hui sur des investissements de Recherche et de Développement, particulièrement gourmands en crédits. Or, ces dernières décennies, force est de constater que ces investissements ont surtout permis de chercher, et assez peu de trouver, en tout cas pas dans des proportions cohérentes avec les niveaux d’investissement.

Ainsi, il fallut à l’US Air Force, et dans une moindre mesure à l’US Navy et l’US Marines Corps, investir pas loin de 400 Md$ pour le développement du programme F-35. Qui plus est, pendant prés de 10 ans, ces 3 armées firent l’acquisition de 70 à 90 F-35A/B/C chaque année, à un tarif unitaire entre 120 et 160 m$, afin de soutenir la mise en route du processus industriel, tout en sachant que ces appareils, livrés à des standards non définis, devraient faire l’objet de couteuses phases de modernisation dans les années à venir.

En d’autres termes, l’US Air Force a acquis ses 300 premiers F-35 pour le prix de prés d’un millier de F-16V neufs, ou pour le prix de 2500 J-10C chinois, voire de 5000 appareils en tenant compte des crédits de R&D, se rapprochant bien d’un ratio de 1 pour 20 avancé par le général américain.

La Chine développe en ce moment un appareil similaire au F-35C, le J-35 (désignation non définitive), un chasseur furtif de 5ème génération destiné à opéré sur les nouveaux porte-avions équipés de catapultes de la Marine Chinoise.

Bien évidemment, on ignore le montant des investissements coté chinois pour ce programme, mais si celui-ci s’est basé sur le programme de démonstrateur FC-31, et qui permit de lever de nombreuses erreurs de conception initiales, avant d’aller vers une phase de prototype, ce qui laisse supposer que les investissements consentis par la Pékin dans ce programme son infiniment moindre que ceux consentis par Washington.

Il est utile de garder à l’esprit que le développement du chasseur KF21 Boramae, développé par la Corée du Sud, dont de nombreuses caractéristiques se rapprochent de celles du J-35, n’aura couté que 8 Md€ à Séoul, 50 fois moins que l’investissement US dans le programme F-35.

De nombreux exemples pointent ce que le général Holt a tenté de dénoncer lors du Government Contracting Pricing Summit, à savoir une structure des couts concernant l’industrie de défense US incompatible avec la compétition qui s’est engagée avec la Chine.

Ainsi, les frégates de la classe Constellation, basée sur le modèle FREMM italien, couteront plus d’un Md$ par unité à l’US Navy, soit presque 50% plus chères que les 700 m$ de leurs homologues italiennes ouf françaises pas moins performantes. De même, les transport de troupe blindés Stryker de l’US Army ont un prix unitaire de l’ordre de 5 m$, soit un prix équivalent à celui du VBCI bien mieux armé (canon de 25mm) et protégé (Stanag 4 vs Stanag 2a), et là ou le VBMR Griffon français a été conçu pour ne couter que 1 m€ par unité avec des capacités opérationnelles très proches voire parfois supérieures (protection Stanag 4) à celle du blindé américain.

Et si tels écarts tarifaires sont constatés vis-à-vis de matériels européens ou sud-coréens, on imagine bien à quel point ceux-ci peuvent être importants vis-à-vis de la Chine, un pays qui dispose encore d’un salaire moyen mensuel inférieur à 1000 $ par mois, contre 4500$ outre atlantique.

Pour autant, le problème est loin de ne toucher que les Etats-Unis. En effet, de part leur prédominance sur le marché de l’armement occidental, les industries US donnent aujourd’hui le La en matière de prix comme de méthodologie et de doctrines pour l’ensemble des contrats d’équipement des armées occidentales.

On notera ainsi que les avions F-16V, Gripen E, F-35A, Rafale C F3R et autre Typhoon Block III, évoluent tous dans une gamme de prix allant de 70 à 90 m$ l’unité en tarif Fly Away, et que tous proposent une approche similaire en terme de capacités opérationnelles, à quelques détails prés. Il en va de même des chars de combat, des hélicoptères et même des satellites miltaires.

Quant aux programmes à venir, ils s’appuient tous sur de très longues phases de R&D, s’étalant parfois sur plus d’une dizaine d’années comme pour les programmes d’avions de combat NGAD et SCAF, ou de blindés comme OMFV ou MGCS, afin de developper des équipements qui seront beaucoup plus chers que ceux des génération précédentes.

Une chose est certaine, cette trajectoire suivie de part et d’autre de l’Atlantique, si elle fera très certainement le bonheur des industriels de défense et de leurs actionnaires, ne permettra pas de soutenir longtemps la compétition face à l’effort de défense parfaitement structuré et remarquablement maitrisé de Pékin.

On peut se demander, à ce propos, si les paradigmes technologiques et industriels qui sous-tendent ces développements et ces programmes, ne s’appuient pas sur certaines certitudes auto-entretenues découlant d’une analyse erronée du succès des armées occidentales en Irak en 1991, à l’origine des évolutions qui aujourd’hui handicapent la reconstruction relative des armées occidentales.

En ce sens, alors qu’il était sur le départ, le discours du Général Holt peut apparaitre comme un plaidoyer pour ouvrir de nouvelles approches industrielles en matière de production et de conception de matériel de défense, et peut-être de reconsidérer les ouvertures faites par Will Roper lorsqu’il était le chef civil du général.

Source : meta-defense.fr/