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En France, les accusations de violences policières dans les manifestations se multiplient: « Les chiffres risquent de grimper »

Un “usage excessif de la force” ?

Ces derniers jours, les accusations de violences policières se multiplient. Sont-elles justifiées ? La question divise et échauffe les esprits. Jusque dans les médias. Ainsi le quotidien Le Figaro, tendance droitière, insiste sur la violence des manifestants opposés aux bassines d’eau le week-end dernier à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, en dressant la liste des objets saisis sur eux : “11 couteaux, 67 boules de pétanque, 7 mortiers d’artifice, 6 bidons d’essence, 12 pierres et parpaings, 13 haches et machettes, 5 matraques ou battes de baseball, 20 aérosols ou bonbonnes de gaz, 69 équipements de protections, 95 outils divers”. Tandis que Libération, marqué à gauche, titre “Répression policière, l’escalade” et relate “les multiples brutalités policières, humiliations, menaces et coups, notamment sur des journalistes, documentés par des vidéos postées sur les réseaux sociaux”. Bref, chacun accuse l’autre de violences, tout en étant bien incapable de dire comment procéder à une désescalade.

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Plusieurs associations ont elles aussi dénoncé ces derniers jours des violences policières. Parmi elles, Reporters sans frontières, Amnesty international ou encore la Ligue des droits de l’homme qui a lancé une pétition demandant l’arrêt de l’”escalade répressive” et dénonçant “le retour des nasses illégales, de l’usage d’armes mutilantes comme le LBD et les grenades de désencerclement ou explosives et du gazage à outrance”. La Commissaire aux droits humains du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic, s’est même alarmée ce vendredi d’un “usage excessif de la force” envers les manifestants, appelant la France à respecter le droit de manifester. Face à ces accusations, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a reconnu sur CNews qu’”il se peut que, individuellement, les policiers et les gendarmes, souvent sous le coup de la fatigue, commettent des actes qui ne sont pas conformes à ce qu’on leur a appris à l’entraînement et à la déontologie”, avant d’appeler à “sanctionner” les coupables de tels actes.

17 enquêtes ouvertes par la police des polices

De son côté, l’IGPN a fait savoir le 26 mars que 17 enquêtes ont été ouvertes par ses services pour soupçons de violences policières depuis janvier. Est-ce beaucoup ? “C’est beaucoup… et peu au regard du millier d’enquêtes menées chaque année par la police des polices. Mais les chiffres risquent de grimper si la mobilisation se poursuit”, estime Guillaume Farde, professeur à Sciences Po et spécialiste des questions de sécurité.

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Il rappelle que ce type d’accusations contre les forces de l’ordre n’est pas nouveau. “Il y en avait déjà eu lors du mouvement des gilets jaunes en 2019 et lors de la mobilisation contre la loi Travail en 2016. Et souvenez-vous de Rémi Fraisse en 2014 (un jeune militant écologiste tué par l’explosion d’une grenade lors d’affrontements en marge de la mobilisation contre le projet de barrage de Sivens) et de Malik Oussekine en 1986 (un étudiant français d’origine algérienne mort sous les coups des policiers à Paris pendant la contestation contre le projet de réforme universitaire Devaquet)”.

”Pas mieux ailleurs”

Si la France est pointée du doigt ces jours-ci pour les violences présumées commises par certains de ses agents, Guillaume Farde estime que “ce n’est pas mieux ailleurs” : “certains ont érigé les policiers allemands en champions de la désescalade mais on les a vus intervenir à coups de matraques dans la tête lors d’un rassemblement contre l’extension d’une mine de charbon où se trouvait Greta Thunberg. En Grande-Bretagne, la police à cheval peut charger la foule, les Belges ont longtemps fait usage de chiens lors de manifestations, et un policier américain a tiré à balle réelle sur une femme lors de l’assaut du Capitole”.

Ce qui est nouveau, précise Guillaume Farde, c’est que les agissements des forces de l’ordre sont désormais filmés par des citoyens lambdas et diffusés sur les réseaux sociaux. “Cette nouvelle donne complexifie le travail des agents par rapport à il y a vingt ans. Cela peut ajouter des tensions”, explique-t-il. Tout en précisant que “cela n’affranchit personne de ses responsabilités. Si quelqu’un commet des violences, policier comme manifestant, il doit être poursuivi et sanctionné”.