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Tour d’Italie : « Il marche fort »… Comment Thibaut Pinot va nous faire vibrer pour son dernier Giro

Le mois de mai est quand même bien fait. Autant de jours fériés pour profiter du Giro, c’est du pain béni. Des après-midi entiers à regarder, les doigts de pied en éventail, le peloton souffrir dans les Dolomites, grimper les hauts plateaux suisses ou se mettre à la planche sur les trois contre-la-montre, il n’y a pas grand-chose de mieux. Enfin, si : voir Thibaut Pinot, dodelinant, mettre tout ce beau monde à l’amende.

Avant de mettre un terme à sa carrière à la fin de la saison, notre TP national, le seul, l’unique, a tenu à participer une dernière fois au Tour d’Italie. « Ce n’était pas imaginable de faire ma dernière saison sans le grand Tour que je préfère, a raconté en conférence de presse le grimpeur de la Groupama-FDJ. Ce n’est que ma troisième participation, et c’est un grand regret dans ma carrière de ne pas l’avoir fait plusieurs fois et plus tôt. J’espère me rattraper cette année, car sur mes deux premières participations, j’ai quand même de sacrés souvenirs. »

Alors, pour cette dernière participation, on attend du Franc-Comtois qu’il remplisse à ras bord la boîte à souvenirs. On veut des envolées, des victoires d’étapes, un beau classement général, Evenepoel et Roglic qui adoubent le maître devant le Colisée. Bref, on veut des émotions. Alors, pour vous raconter comment Thibaut Pinot va nous faire vibrer, on a convié Pierre Rolland, maitre-ès attaque aujourd’hui consultant pour La chaîne L’Equipe, et Anthony Roux, ancien coéquipier de l’éleveur de chèvres de Melisey.

Le chrono et la première semaine plutôt tranquille

La tâche sera ardue pour Thibaut Pinot lors de ce Giro, surtout avec 73 km de contre-la-montre, avec des gros rouleurs-grimpeurs comme Remco Evenepoel et Primoz Roglic. Ça commence dès ce samedi, en introduction, avec 19,6 km de chrono dans les Abruzzes, sur une route presque plate. Pas forcément la came de notre TiboPino.

L’avis d’Anthony Roux : « Thibaut sait qu’il ne gagnera pas ce chrono. Mais, l’avantage, c’est qu’il y a dans l’équipe Stefan Küng, qui est là pour aller chercher ce premier maillot rose. Finalement, Thibaut va être dans la dynamique de Stefan, et ça va peut-être l’aider à réussir ce premier chrono, car, au sein de l’équipe, on a quelqu’un qui va jouer la gagne. Et puis, Thibaut marche très bien en contre-la-montre cette année, avec des temps très corrects. Sur 19 km, no stress. »

Après ce chrono inaugural, la première semaine de course sera plutôt light, plutôt réservée aux sprinteurs et baroudeurs, même si on espère une envolée lyrique du Français à Lago Lacena, mardi, ou au Campo Imperatore, vendredi, avec une très longue montée (26,4 km, dont les quatre derniers à plus de 8 %). Idéal pour récupérer du temps perdu sur le chrono et faire se lever le pays ?

L’avis de Pierre Rolland : « C’est compliqué, un coureur comme Thibaut n’aura pas de bon de sortie, à moins qu’il perde vraiment énormément de temps. Il sera très surveillé, j’ai du mal à croire qu’il prenne du temps avant la dernière semaine. S’il reste toujours en embuscade au classement général, il restera avec les grands leadeurs. Il pourra peut-être anticiper le final [sur le Campo Imperatore], mais ce n’est pas dans ses habitudes. »

» Une deuxième semaine crescendo

Après un nouveau chrono de 35 km qui mène à Cesena, le 14 mai, où le leadeur de la Groupama-FDJ devrait perdre de très grosses secondes sur les favoris à la victoire finale, le Tour d’Italie va commencer à se corser pour ceux qui n’aiment pas l’altitude. La 13e étape, le 19 mai, avec près de 5000 mètres de dénivelé et une arrivée à Crans Montana va ainsi être un premier galop d’essai pour les grands leadeurs. On imagine bien Thibaut Pinot tenir tête à tout le monde et arriver avec Evenepoel et Roglic pour la victoire d’étape.

L’avis d’Anthony Roux : « Le gros atout qu’il a, c’est que c’est son dernier Giro. Donc c’est le Tour qu’il va aborder le plus positivement possible. Il prend les choses comme elles viennent et profite à 100 % de chaque jour de courses. Il sait qu’il marche fort, et je pense qu’on va voir du grand Pinot. Après, c’est sûr qu’il y aura des étapes plus compliquées pour lui. Le général viendra naturellement si ça se passe bien. »

L’avis de Pierre Rolland : « Le Giro, c’est une course où on peut arriver à 90, 95 %, avec une réserve de forme, et se dire qu’on va continuer de progresser et s’affûter sur des étapes plates ou intermédiaires, parce que la dernière semaine est terrible en montagne. »

» La troisième semaine, l’enfer de Dante

Âmes sensibles s’abstenir. La troisième semaine de ce Giro sera un véritable calvaire pour les sprinteurs ou ceux qui n’auront pas les jambes. Juste après la deuxième journée de repos, les coureurs enchaînement les cols lors de la 16e étape, pour finir au Monte Bondone (21,4 km à 6,7 %, avec des passages à 15 %). On mise gros sur cette étape : Thibaut Pinot lèvera les bras à l’arrivée et fera son retour dans le top 5 du général.

L’avis de Pierre Rolland : « Sur le papier, Evenepoel et Roglic sont vraiment les deux plus forts. Son objectif à Thibaut, ça doit être de rester le plus longtemps possible avec Evenepoel et Roglic et pouvoir les attaquer à la toute fin. »

Trois jours plus tard, les coureurs auront aussi un énorme morceau à se farcir dans les Dolomites. Cinq cols au programme et l’enchaînement Tre Troci-Tre Cime pour finir, avec les quatre derniers kilomètres à environ 12 % de moyenne.

L’avis d’Anthony Roux : « Une troisième semaine, ce n’est pas donné à tout le monde, mais Thibaut a les acquis pour et attend cette troisième semaine avec impatience. Il performe au fil des jours, il va pouvoir lâcher les chevaux. Si ça se passe bien, c’est là qu’il va prendre du plaisir. Si la santé est là, il sera là tous les jours. »

Et ce n’est pas fini. Les organisateurs du Tour d’Italie ont décidé que, non, ce n’était pas suffisant, et ont rajouté un contre-la-montre la veille de l’arrivée à Rome. Et pas n’importe quel chrono : 18,6 km avec, pour finir, 7,3 km à 12,1 %. On ne sait pas dans quel état arrivera Pinot, mais n’oublions pas le contre-la-montre de la Planche des Belles-Filles, en 2020, où Pogacar avait renversé Roglic. Un même scénario ne serait pas à exclure.

L’avis de Pierre Rolland : « Clairement, il ne faut pas avoir de mauvaises jambes ce jour-là, sinon, ça peut se compter en minutes. Ça bouleverse toute la hiérarchie. Même moi, j’ai fait 4e d’un chrono en montée sur le Giro. Pour un grimpeur comme Thibaut, un chrono comme ça, c’est clairement un avantage. Moi, je le vois sur le podium au général, derrière Evenepoel et Roglic. »