France

Seine-Saint-Denis : Les enfants placés consultés par le département ont « l’espoir que ça change »

Dans une grande salle de la Micro-Folie de Noisy-le-Sec, en Seine-Saint-Denis, six adolescents et adolescentes placées par l’Aide social à l’enfance adressent leurs doléances sur leur argent de poche. « Des fois j’ai envie d’acheter des choses pour mes amis ou ma mère et j’ai pas assez. Des fois, ils ont un mois de retard, ou ils oublient de nous appeler pour nous donner notre argent et ils disent que c’est notre faute », se plaint Diana*. De son côté Jérémie* aimerait pouvoir économiser pour « avoir le permis » ou « acheter un téléphone ». Appelé au tableau, Waheb* explique en collant les post-it de son équipe qu’il aimerait que l’argent de poche soit le même pour tous les âges.

Nous voici en plein conseil des jeunes de l’Aide sociale à l’enfance du département de Seine-Saint-Denis, une initiative lancée en novembre 2022 suite aux préconisations du dernier Schéma départemental de prévention et protection de l’enfance, et peu de temps après la diffusion d’un documentaire pointant les dérives dans deux foyers. L’idée : recueillir l’avis de quelques-uns et quelques-unes des 9.000 enfants accueillis dans des établissements de protection de l’enfance et en famille d’accueil, grâce à quatre réunions thématiques dans l’année, sur des thèmes choisis par les participantes et participants. Ont déjà été abordés l’accompagnement vers l’autonomie, la scolarité et l’orientation, les sorties ou encore les conditions d’accueil.

« En créant ce Conseil des jeunes de la protection de l’enfance nous voulons faire évoluer les actions menées par nos services de l’Aide Sociale à l’Enfance en partant plus directement des ressentis et des préoccupations des enfants et jeunes que nous accueillons », avait déclaré le président du département, Stéphane Troussel, au lancement de l’initiative, en novembre.

Discussion sur les écrans, portables et ordinateurs

Les ressentis des enfants, justement, ne sont pas toujours en adéquation avec leurs besoins réels. Laura Biaud, chargée de mission participation à l’observatoire départemental de la protection de l’enfance, qui anime la session de brainstorming du jour, tente de le faire comprendre aux enfants, en leur apprenant à distinguer ce qui relève de « besoin » de ce qui relève du « désir ». Les aliments nutritifs, c’est un besoin ou un désir ? Demande-t-elle. Un hamburger frites, un besoin ou un désir ?

Les réponses varient, mais la notion semble plus floue lorsqu’on en arrive à discuter des écrans. Sagata* souhaiterait avoir son téléphone avec lui la nuit et ne comprend pas pourquoi il ne peut pas le garder, ignorant les recommandations des autorités sanitaires, ni pourquoi les ordinateurs sont interdits en dessous de 14 ans. « On leur dit toujours que toutes les propositions ne pourront pas être retenues », précise Laura Biaud.

« Je sais que ça peut changer les choses »

Malgré la mise en garde, les ados semblent très contents et contentes de leur expérience. Diana*, 13 ans, explique à *Arnaud, 12 ans, qui semble un peu perdu, à quoi sert le Conseil des jeunes. « Ça sert à pouvoir changer les choses. Dans des foyers, ils pouvaient frapper les enfants. Ça sert à y remédier » explique-t-elle posément. Un des jeunes nous signale d’ailleurs pendant la séance avoir vécu des violences de la part de l’un des éducateurs, violences que nous ne détaillerons pas pour éviter qu’il puisse être identifié. « Nous veillons à ce que ce soit pris au sérieux dès lors qu’un enfant se saisit de l’espace qu’offre le Conseil des jeunes pour en parler », réagit Laura Biaud, à qui nous signalons ce témoignage.

« Oui c’est utile [le Conseil des jeunes], les éducateurs quand on vient ici ils sont plus gentils., explique Sagata*, 12 ans. Ma mission c’est de faire entendre qu’on peut parler, les enfants de foyers, je voulais dire qu’on peut être autonomes » « J’aime beaucoup faire ça car je sais que ça peut changer les choses, on a des réunions d’enfants au foyer mais des fois c’est pas vraiment écouté. Là j’ai plus d’espoir que ça change », complète Diana*, qui voudrait « améliorer la nourriture et la sécurité », après avoir vécu une intrusion dans son foyer. Diana* se plaint aussi du « sexisme » dit-elle des éducateurs et éducatrices, et voudrait proposer qu’une formation leur soit proposée. « Des fois ça déteint sur les autres enfants, certains enfants nous disent  »les filles vous servez qu’à faire le ménage » », illustre-t-elle.

Il reste encore une quatrième réunion thématique en mai, avant la restitution finale en juin.

* Le prénom a été changé