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Rennes : La patinoire ne doit pas devenir « un trophée écolo », selon ses habitués

« On ne peut pas aller glisser sur l’herbe. On n’a pas d’autre choix que de venir ici ». Julien Nerat est le président du club de patinage artistique de Rennes. Comme les deux autres associations qui utilisent le Blizz à l’année, il a appris la fermeture estivale de la patinoire, la seule que compte le département d’Ille-et-Vilaine. Un choix à la fois économique face à la flambée du coût de l’énergie, mais aussi écologique, que la municipalité assume. « Est-ce qu’il faut patiner sur la glace par 40 degrés au mois de juillet ? Sans doute pas », interrogeait à l’automne la maire socialiste de Rennes Nathalie Appéré. Si la décision d’une fermeture estivale est plutôt bien comprise dans l’ensemble, c’est la durée qui fait tiquer. « Quatre mois, c’est long. C’est surtout embêtant pour la rentrée de septembre, c’est là que l’on reçoit beaucoup de nos nouveaux inscrits », justifie Julien Nerat.

A la sortie de la grande piste du Blizz, la professeure de danse ne décolère pas. Elle qui enseigne depuis plus de trente ans est catégorique : « quatre mois sans pratique, ce sera dramatique pour les enfants ». Même constat mais plus nuancé du côté de la présidente du club de hockey des Cormorans. « Le choix de fermer en été, je le comprends. Les sports de glace doivent l’accepter, les temps ont changé », reconnaît Lydie Poirée. « Mais on aurait tellement aimé pouvoir reprendre en septembre. Pour tout le monde, ça aurait été plus facile ». La présidente compte bien faire reprendre ses hockeyeurs à la rentrée mais avec du travail physique en extérieur. Une option qui s’offre moins facilement aux danseurs, tributaires de leur piste glacée pour pratiquer.

La patinoire Le Blizz, à Rennes, a accueilli plus de 140.000 personnes en 2022.
La patinoire Le Blizz, à Rennes, a accueilli plus de 140.000 personnes en 2022. – C. Allain/20 Minutes

Construite en 2001, la patinoire des Gayeulles a fait l’objet d’investissements importants notamment pour remplacer les groupes de froid. Résultat : elle consomme moins d’électricité et beaucoup moins d’eau. « Nous avons aussi fait des concessions sur l’épaisseur de la glace ou sa température. On ne peut pas faire plus », poursuit le président du club de patinage, qui compte 350 adhérents. Au total, plus de 700 enfants et adultes s’entraînent chaque semaine sur la glace du Blizz. Il faut y ajouter les 141.000 entrées payantes enregistrées sur l’année. « C’est la seule patinoire du département, je ne comprends pas que l’on puisse la fermer si longtemps. Elle est utilisée toute l’année, même en été », dénonce Stéphanie Roblin, secrétaire du club de danse sur glace. Dans les faits, ce n’est pas tout à fait exact. En juillet, alors que la canicule brûlait son toit, le Blizz a enregistré moins de 4.000 entrées, creusant un bilan financier déjà déficitaire. Surtout, c’est cinq fois moins d’entrées qu’en décembre.

Le groupe écologiste ne veut plus de la patinoire

La principale peur des trois clubs de patinage, c’est que l’équipement ferme définitivement. Cette crainte a été alimentée par des déclarations du groupe écologiste siégeant dans la majorité. En octobre, l’élue écologiste Lucile Koch s’est prononcée en faveur d’un abandon de la glace lors d’une intervention en conseil municipal. Son groupe plaidait pour une « reconversion de cet équipement vers d’autres usages sportifs » comme « les sports de glisse sur roulette ».

« Si nous sommes choqués de voir l’Arabie saoudite prétendre à l’organisation des Jeux Asiatiques d’hiver, nous sommes tout aussi choqués de voir une patinoire ouverte en pleine canicule estivale bretonne avec plus de 40 degrés au compteur », avait ajouté l’élue.

« La patinoire ne doit pas devenir une idéologie. Elle a aussi un rôle social pour toutes les familles qui vivent dans les immeubles en face et qui n’ont jamais vu la montagne. Il ne faudrait pas qu’elle devienne un trophée écolo », prévient Julien Nerat.

Et les piscines ? Et le Stade Rennais ?

Comme bon nombre de patineurs, il ne peut s’empêcher de comparer. « Une patinoire, ça consomme moins qu’une piscine. Donc on les ferme toutes ? Et le Stade Rennais, qui chauffe sa pelouse pour un match tous les quinze jours, on lui dit quoi ? ». Sur la grande piste du Blizz, une quinzaine d’adolescentes (et un garçon) s’entraînent à danser sur un fond musical. Ici, l’argument environnemental est parfaitement assimilé, même s’il n’empêche pas un brin d’amertume. « Je comprends la volonté écologique. Mais deux mois de pratique en moins, ça pique », glisse Katell, 17 ans. Océane, qui patine depuis qu’elle a 3 ans, reconnaît qu’elle a « un peu peur de perdre sa technique » pendant ce long arrêt estival. Avant de relativiser. « Ce n’est pas comme si elle fermait à tout jamais ». Pour l’instant, ce n’est pas d’actualité.