France

Réforme des retraites : Les méthodes de la Brav-M sont-elles vraiment plus brutales que celles des autres unités ?

Ses agents ne représentaient, mardi, même pas 2 % des effectifs engagés pour sécuriser la manifestation parisienne contre la réforme des retraites. Ils ont pourtant fait l’objet d’une attention toute particulière. Il faut dire que ces derniers temps, les polémiques se sont multiplées autour de la Brav-M, la brigade de répression de l’action violente motorisée. En cause : plusieurs affaires de violences policières imputées à ces policiers facilement reconnaissables à leur tenue noire et à leurs casques de moto. Les vidéos de cet agent assommant un manifestant d’un coup de poing, ou de cet autre roulant sur la jambe d’un jeune homme, ont fait le tour des réseaux sociaux. Et les enregistrements sonores de menaces et d’insultes à caractère raciste proférées à l’intention d’un petit groupe d’interpellés ont fait réagir jusqu’au plus haut sommet de l’Etat. 

Si depuis sa création en mars 2019 – peu après le début de la crise des « gilets jaunes » – la Brav-M n’a jamais eu bonne presse auprès des manifestants, ce désamour semble avoir atteint son paroxysme. Une pétition appelant à la dissolution de cette brigade a recueilli plus de 170.000 signatures en cinq jours. Ses auteurs dénoncent des « exactions violentes et brutales » qui « participent à l’augmentation des tensions ». Surtout, ils font le parallèle avec les Voltigeurs, une unité à moto ultraviolente, dissoute après l’implication de trois agents dans la mort de Malik Ousekine en 1986.

Une doctrine différente des Voltigeurs

« Ce n’est pas parce qu’ils se déplacent à moto que la doctrine est la même », note le sociologue Mathieu Zagrodzki, chercheur au Centre d’études sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip). Si les Voltigeurs pouvaient intervenir directement depuis leur engin en mouvement et disperser les manifestants à coups de matraque, pour les Brav-M, « la moto est un moyen de transport, pour se rendre rapidement sur un lieu où sont signalés des débordements, et non une méthode d’intervention », précise le chercheur. Les Brav-M travaillent en duo : le pilote est chargé de déposer son binôme – « l’opérateur » – sur les lieux de l’intervention. Ce dernier assure ensuite la mission à pieds. « En les comparant aux Voltigeurs, on joue sur le traumatisme », appuie Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat Unité-SGP Police. Et d’insister : « Les Brav-M c’est juste une section d’une compagnie d’intervention qui se déplace à moto pour être plus mobile dans la foule. »

Comment alors expliquer une si mauvaise réputation ? Même la commissaire aux droits humains du conseil de l’Europe s’est émue d’un usage excessif de la force lors des dernières manifestations. Doit-on y voir un effet de loupe, amplifiées par des vidéos virales, ou y a-t-il une forme de brutalité inhérente au fonctionnement de cette brigade qui compte moins d’une centaine d’équipages ? « Le mandat de la Brav-M est offensif, rappelle Mathieu Zagrodski. C’est une unité ultra-mobile qui a été créée pour aller au contact de groupes ultra-mobiles. » L’unité est principalement déployée en cas de débordements, lorsque le cortège « se tend ». Les agents interviennent lorsque des violences urbaines sont constatées ou en soutien à des unités en difficulté. Elles sont alors chargées de mener des actions de dispersion ou des interpellations. « Ils vont là où les CRS et les gendarmes mobiles, qui sont de grosses unités plutôt statiques, avec des équipements et des véhicules lourds, peinent à aller », précise le sociologue.

« Climat insurrectionnel »

Si les Brav-M étaient relativement discrets au début de la mobilisation contre la réforme des retraites, l’utilisation du 49.3 a radicalement changé la configuration des manifestations. Lundi, veille de la journée de mobilisation, le ministère de l’Intérieur annonçait s’attendre à la présence de 1.000 « éléments radicaux », dont certains pourraient venir de l’étranger. « Ce qu’on a constaté jeudi dernier, c’est une montée en volume de ce black bloc, une montée en radicalité », a pour sa part pointé le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, sur France Inter, dénonçant la volonté de certains « de créer un climat insurrectionnel ». « La réponse de la Brav-M est proportionnée aux actes auxquels ils sont confrontés, insiste Linda Kebbab. On ne peut pas demander de faire de la désescalade face à des personnes qui mettent le feu à des immeubles, envoie des cocktails molotov. »

Quid alors des affaires de violence qui ont fait la Une ces derniers jours ? De plateau télé et studio radio, le préfet de police rabâche le même discours : le comportement de certains ne doit pas jeter l’opprobre sur toute une unité. Mais pour certains, ces débordements s’expliquent également en partie par l’autonomie dont jouit la Brav-M. « Les agents fonctionnent sur ordre, ils se rendent là où la salle de commandement leur dit d’aller, précise Mathieu Zagrodski. Mais une fois sur place, ils sont à l’initiative. » Or, il s’agit là d’une différence fondamentale avec les CRS et les gendarmes mobiles, dont la hierarchie est sur le terrain et peut donc non seulement adapter les manoeuvres à la réalité du terrain, mais également exercer un pouvoir de contrôle. 

Pour autant, et malgré les polémiques, le préfet de police de Paris n’a eu de cesse de le réaffirmer cette dernière semaine : une dissolution, ou même une réorganisation de cette unité, n’est pas à l’ordre du jour. Mardi matin, au micro de France Inter, Laurent Nuñez a même prévenu que « désormais » il comptait saisir la justice pour tout propos qu’il jugerait insultant envers cette brigade.