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Que va chercher la sonde Juice, qui décolle vers les lunes de Jupiter ?

C’est une journée à oublier sa pause déjeuner pour lever la tête vers les étoiles. Ce jeudi à 14h15, heure française, la fusée Ariane 5 décollera de Kourou, marquant le début d’un long voyage pour la sonde européenne Juice. Un petit évènement à suivre sur Internet, mais aussi en direct depuis la Cité de l’Espace à Toulouse dès 13h30, qui a invité des chercheurs à commenter le lancement pour le public à cette occasion.

Modèle d’ambition et d’indépendance européenne, la mission tiendra l’ESA en haleine pendant huit ans, avant quatre ans d’étude des lunes de Jupiter. Mais c’est quoi exactement cette mission Juice ? Quelle est la lune la plus prometteuse pour l’étude ? Et on fait quoi en attendant que la sonde arrive à Juipiter ? 20 Minutes entre pour vous en orbite autour de Juice, avec l’aide d’Olivier Sanguy, responsable de l’actualité spatiale à la Cité de l’Espace de Toulouse.

C’est quoi Juice ?

De son nom complet Jupiter icy moon explorer. « Quand on a dit ça, on a décrit la mission », sourit Olivier Sanguy. La mission et sa sonde éponyme visent « les lunes glacées de Jupiter, à savoir Io, Europe, Ganymède et Calisto ». Des corps connus depuis bien longtemps, puisque ce sont celles que Galilée a observées en 1610, ce qui leur vaut le surnom de « lunes galiléennes ». Si elles avaient permis au savant de montrer que « tout ne tourne pas autour de la Terre » ni du Soleil, elles avaient été quelque peu délaissées depuis, selon Olivier Sanguy. Mais « on s’est rendu compte récemment qu’elles pouvaient avoir des conditions d’habitabilité », point de départ d’un regain d’intérêt.

Mais attention à ne pas tout confondre : « Juice ne va pas savoir s’il y a de la vie » sur les lunes visitées. L’objectif est de « mieux comprendre ces lunes » et de savoir si « les conditions sont réunies » pour un éventuel « développement de la vie ». Eau, conditions chimiques, champ magnétique, autant de facteurs scrutés par la sonde européenne.

Peut-on s’attendre à des résultats positifs ?

Ce qui rend ces lunes intéressantes, c’est la présence, sous la croûte de glace, « d’eau liquide » indispensable au développement de la vie. Ce sont même « de gigantesques océans », selon le directeur général de l’ESA, Josef Aschbacher. Reste à déterminer si des échanges ont lieu entre la glace et l’océan, qui pourrait alors intégrer des nutriments. De ce point de vue « Ganymède est très intéressante », reprend Olivier Sanguy, car elle pourrait présenter « un empilement de couches de glace et d’océans ».

La plus grosse lune de Jupiter, d’une taille proche de celle de la planète Mercure, sera d’ailleurs l’objet central de la mission Juice dans une seconde étape ; à partir de 2035, la sonde entrera en orbite exclusivement autour de Ganymède, une première. « Elle a son propre champ magnétique, et peut donc être protégée des radiations agressives de Jupiter ». Là encore, la présence d’un champ magnétique est un indispensable au développement de la vie, permettant par exemple de conserver une atmosphère et surtout, dans le cas des lunes glacées, de ne pas se faire irradier en continu. De plus, la présence d’eau liquide, à une si grande distance du Soleil, s’explique par « d’importantes marées gravitationnelles, qui réchauffent » le satellite. Eau liquide, bouclier magnétique et chaleur, autant d’éléments qui pourraient favoriser le développement d’une forme de vie extraterrestre. Même si on parle de micro-organisme, et non de petits hommes gris.

On fait quoi pendant 8 ans ?

L’ESA a d’autres sondes que Juice dans le cosmos, et entre analyse des données en cours et planification des futures missions, il n’y a pas de quoi rester les bras croisés. De plus, le voyage ne va pas être de tout repos pour Juice. « Jupiter, c’est loin », mais « si on arrive trop vite, on aura du mal à se mettre en orbite », explique Olivier Sanguy. Alors, pour arriver dans les meilleures conditions possibles, la sonde va économiser du carburant et se servir de « l’assistance gravitationnelle » de la Terre à plusieurs reprises, mais aussi de Vénus. Ce qui représente déjà du temps dédié « à la navigation » en plus d’offrir « un peu de science d’opportunité ».

Mais surtout, « les équipes vont préparer et répéter la navigation » qui les attend une fois Juice arrivée autour de Jupiter. Avec « 35 survols des lunes de Jupiter de 2031 à 2034 », qui nécessitent chacun « la bonne trajectoire et la bonne orientation » pour optimiser la collecte de données, des heures de simulations attendent les équipes d’ingénieurs. « Ça va être très intense », prévient Olivier Sanguy, d’autant qu’une étape inédite attend Juice : entrer en orbite autour d’un satellite, Ganymède, à partir de 2035. « Heureusement qu’on a huit ans pour se préparer », souffle le Toulousain.