France

Nord : Des salariés de VertBaudet entament leur deuxième mois de grève, un conflit inédit pour l’enseigne

« Avant, on était des moutons. Maintenant, on est devenues des lionnes. ». Alisson, responsable syndical CGT à VertBaudet, ne mâche pas ses mots. A Marquette-lez-Lille, dans le Nord, près de 80 employés, pour la grande majorité des femmes, sont en grève. Depuis plus d’un mois ils se relaient non-stop, de jour comme de nuit, devant l’entrepôt de l’enseigne pour enfants. Un conflit social totalement inédit sur ce site qui emploie 320 personnes.

Abrités sous des bâches en plastique, la pluie ne les arrête pas. « Nous, ce que l’on veut, c’est une augmentation des salaires », réclame Manon, déléguée syndicale CGT. Cette revendication est sur toutes les bouches des grévistes qui assurent qu’aucune prime d’ancienneté n’est versée et que la grande majorité d’entre eux continue de toucher le Smic (environ 1.380 euros). Et pourtant, certains sont là depuis plus de vingt ans.

Un « ras-le-bol général »

VertBaudet est une des plus grandes entreprises françaises, spécialisée dans la vente de vêtements et d’ameublements pour enfants. Présente sur l’e-commerce comme en magasin, la marque fête cette année ses 60 ans. Soixante ans de dur labeur pour ses salariés qui expriment un « ras-le-bol général ».

C’est pourquoi, depuis le 20 mars, les grévistes sont installés au bord de la route, dans la zone industrielle. « Le mouvement a commencé par des manifestations pour la réforme des retraites, raconte Alisson. Des militants de la CGT sont venus, dès 4 heures du matin, pour bloquer les accès du site. C’est comme ça qu’on a pris l’initiative de se mettre en grève. Mais sans bloquer l’entrée du site. »

Environ 80 salariés de l'entrepôt de VertBaudet, à Marquette-lez-Lille, dans le nord, réclament une augmentation de salaire.
Environ 80 salariés de l’entrepôt de VertBaudet, à Marquette-lez-Lille, dans le nord, réclament une augmentation de salaire. – G. Durand

Debout, près d’un brasero aménagé, les employés échangent sur les évènements passés durant ce dernier mois. L’une est préposée pour aller chercher les pizzas, plus loin, une autre s’occupe de son fils. Tous regrettent l’entêtement de la direction. « Avec l’inflation, on ne s’en sort plus ! », s’exclame Martine*, salariée dans l’entrepôt.

Beaucoup de solidarité

Une réunion de conciliation a bien eu lieu il y a quelques jours, mais elle n’a pas abouti. « La direction continue de refuser la moindre augmentation de salaire », regrette Manon. Pour soutenir financièrement les grévistes, des caisses de grève ont été mises en place.  « On remarque que les gens sont en général très solidaires, il y a beaucoup de voitures qui s’arrêtent pour nous aider et nous donner de l’argent », explique Alisson.

Par ailleurs, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, a appelé vendredi, lors d’une visite auprès du personnel en grève, au boycott de l’enseigne tant que les négociations sur les salaires ne seront pas ouvertes. Elle a également dénoncé l’embauche d’intérimaires pour remplacer les grévistes. Une infraction constatée par l’inspection du travail, selon nos informations. La direction devra d’ailleurs s’expliquer mardi devant le tribunal de Lille sur le sujet.

Ce sera une nouvelle étape dans le conflit qui oppose les deux camps. « On sait qu’on l’aura cette augmentation de salaires, on ne va pas lâcher maintenant », lâche Alisson. « Et les salariés qui ne font pas grève seront bien contents de les obtenir, ces augmentations », renchérit Manon. Selon elle, VertBaudet a réalisé des « chiffres extraordinaires « pendant la crise du Covid-19. Et une semaine avant le début du mouvement, les grévistes se souviennent que le PDG, Mathieu Hamelle, avait avoué que « la trésorerie se portait très bien ».

* Le prénom a été changé.

Le point de vue de la direction de VertBaudet

Contactée, la direction de VertBaudet explique avoir signé un accord sur les salaires avec deux organisations syndicales majoritaires : FO et la CFTC. « Les demandes des grévistes d’une augmentation de 20 % représenteraient une enveloppe salariale complémentaire supérieure au montant des bénéfices et mettraient immédiatement la société en difficulté financière », affirme-t-elle, considérant que les conditions salariales « sont au-dessus des rémunérations de la très grande majorité de ses concurrents logistiques ».

Elle assure aussi que « les salariés de l’entrepôt perçoivent annuellement 17 % de plus que le SMIC légal », notamment grâce à un treizième mois. Sont également proposés « des jours de congés payés plus nombreux en fonction de l’ancienneté, de 1 jour pour 5 ans d’ancienneté jusqu’à 7 jours pour 20 ans d’ancienneté ».

Enfin, la direction considère que « le climat de menaces, d’intimidations, de dégradations physiques par des personnes extérieures à l’entreprise et se réclamant du syndicat CGT ne peut en aucun cas constituer un cadre de dialogue ». Elle annonce avoir déposé plainte pour des violences et des dégradations, la semaine dernière.