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Non, un Prix Nobel n’a pas recommandé la pratique du jeûne contre le diabète et certains cancers

Sur les réseaux sociaux, la pratique du jeûne a bonne presse. Elle aiderait à purifier le corps… et parfois même l’esprit. Sur une publication Facebook datant du mois de juin 2022 et redevenue virale cette semaine, un internaute recommande de « s’abstenir de manger et de boire pendant seize heures ». « Ce processus devrait être répété pendant un certain temps afin d’atteindre l’organisme pour une utilisation maximale et d’empêcher les cellules malades de réagir. Il est recommandé de répéter le processus de faim et de soif deux à trois jours par semaine », poursuit-il.

Une technique qui permettrait au corps de se nettoyer et éliminer toutes les cellules malades. Cela fonctionnerait contre de nombreuses maladies, aussi bien pour les cancers que pour l’Alzheimer, mais aussi contre le diabète. À terme, les cellules mourantes se seront recyclées, explique la publication. Toute cette démonstration aurait été prouvée scientifiquement par le Prix Nobel Yoshinori Ohsumi. Qu’en est-il réellement ? 20 Minutes fait le point.

FAKE OFF

Le 3 octobre 2016, le biologiste Yoshinori Ohsumi et professeur à l’Institut de technologie à Tokyo se voyait décerner le prix Nobel de médecine pour ses travaux sur l’autophagie, un processus permettant le renouvellement des cellules. « Les mutations des gènes de l’autophagie peuvent provoquer des maladies et le processus autophagique est impliqué dans plusieurs affections comme le cancer et les maladies neurologiques », expliquait le spécialiste à l’époque.

L’autophagie est réellement apparue dans les années 1960, mais ce sont les recherches de Yoshinori Ohsumi qui ont réellement pu mettre en lumière les mutations des gènes et ses bénéfices pour certaines maladies. D’après le site de l’Inserm, l’autophagie permet aux cellules de « faire le ménage ». Cette sorte de tri sélectif dans notre organisme pourrait s’avérer utile lorsque la cellule manque d’apports en nutriments, par exemple lors d’un jeûne. « Ce mécanisme va lui permettre de survivre en recyclant ses propres constituants, usés ou non indispensables, pour produire ce qui lui est absolument nécessaire en attendant des jours meilleurs », confirme l’Inserm.

Mais lorsque l’on vieillit, l’autophagie peut ne plus fonctionner au fil des années et cela peut entraîner des maladies, neurodégénératives, infectieuses, cancéreuses, cardiovasculaires, métaboliques, cite l’Inserm. « La diminution de l’efficacité de l’autophagie pourrait par exemple contribuer à l’accumulation d’agrégats de protéines délétères, une anomalie typique de plusieurs maladies neurodégénératives comme les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson », ajoute le site. Le processus d’autophagie pourrait ainsi permettre à certaines cellules de mieux se maintenir.

« Se manger soi-même »

Pour mieux comprendre la pratique, 20 Minutes a rencontré le Club francophone de l’autophagie (CFATG). « Il s’agit avant tout d’un mécanisme cellulaire que presque toutes nos cellules sont capables d’effectuer. L’autophagie consiste à se manger soi-même et à recycler des composants cellulaires », résume son secrétaire général Frédéric Gros. Encore plus simplement, notre corps pourrait être comparé à une voiture. « Parfois, il y a des pièces qui ne marchent pas, on les enlève, on les recycle et on en rajoute une autre », poursuit notre interlocuteur.

Seulement, la publication virale sur Facebook semble faire un raccourci entre la pratique du jeûne et l’autophagie. Historiquement, le jeûne a été une des premières méthodes utilisées pour mettre en place l’autophagie. Mais l’autophagie ne se résume pas à la pratique du jeûne. « L’autophagie est un mécanisme qui est induit dans des conditions de jeûne, mais c’est loin d’être le seul. C’est vrai à l’échelle d’une cellule, c’est vrai aussi à l’échelle d’un organisme », résume Frédéric Gros.

Un lien supposé, mais pas démontré

Aujourd’hui, l’autophagie est toujours à la phase d’essais cliniques, « chez l’homme et chez l’animal », souligne le CFTAG. « Un des effets bénéfiques du jeûne passe par l’autophagie, c’est supposé. Mais ce n’est pas toujours clairement démontré ». Ses bénéfices sont nombreux, cela pourrait limiter les inflammations et même favoriser le changement de métabolisme.

Toutefois, notre interlocuteur reste prudent. Dans le cas d’essai clinique, la pratique du jeûne est toujours suivie de près par les médecins. Selon les différentes maladies, la durée prescrite peut être différente. « C’est quelque chose de prometteur mais il ne faut pas les initier seul », prévient le secrétaire général du CFTAG.