France

Manifestation antibassines dans les Deux-Sèvres : Après les violences, il reste des questions

Des affrontements ont eu lieu samedi 25 mars à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, entre manifestants et forces de l’ordre, autour du chantier d’une réserve d’eau controversée, destinée à l’irrigation agricole. La mobilisation a rassemblé 8.000 participants selon la police et 30.000 selon les organisateurs (Les Soulèvements de la Terre, la Confédération Paysanne et Bassines non merci). Le bilan humain est très lourd avec 47 blessés chez les forces de l’ordre et 200 parmi les manifestants dont l’un, S., un trentenaire toulousain, se trouve toujours entre la vie et la mort. Sa famille a annoncé ce mercredi avoir déposé plainte pour « tentative de meurtre et entrave volontaire à l’arrivée des secours ».

Les secours ont-ils été empêchés d’intervenir ?

Depuis samedi, la polémique enfle autour de l’envoi des secours sur le site de la manifestation de Sainte-Soline pour prendre en charge S., un blessé dans un état grave qui souffre d’un traumatisme crânien. Dans un enregistrement, rendu public par les Soulèvements de la Terre ce mercredi, on entend un médecin qui demande « une évacuation immédiate » pour S. Il fait valoir que les observateurs de la LDH basés sur le site rapportent que les lieux sont calmes depuis trente minutes. Le SAMU lui répond : « On n’a pas l’autorisation d’envoyer des secours sur place, parce que c’est considéré comme étant dangereux ».

Sans répondre sur ce cas particulier, Emmanuelle Dubée, la préfète des Deux-Sèvres, dément l’interdiction émanant des forces de l’ordre pour empêcher le SAMU d’intervenir. Elle rappelle « le rôle essentiel joué par un médecin de la gendarmerie qui a notamment porté secours à un participant blessé en urgence absolue, au milieu d’un groupe d’opposants agressifs ». Elle insiste sur la priorité donnée à la sécurité des secours envoyés sur place, dont l’évaluation est laissée aux forces de l’ordre. « Il n’est donc pas surprenant que, si ces conditions de sécurité n’étaient pas réunies, les forces de l’ordre aient pu, pour certaines géolocalisations et dans certaines périodes de temps, indiquer qu’un envoi d’ambulance n’était pas possible dans l’immédiat ».

« S. a attendu l’ambulance du SMUR pendant 1h40 pour être enfin admis au CHU de Poitiers 3h40 après le premier appel »,  s’indigne Les Soulèvements de la Terre.

Quelle a été la stratégie des forces de l’ordre sur place ?

Dans son premier rapport du 26 mars, la LDH pointe « un usage immodéré et indiscriminé de la force sur l’ensemble des personnes présentes sur les lieux, avec un objectif clair : empêcher l’accès à la bassine, quel qu’en soit le coût humain ». Des binômes de gendarmes montés sur des quads sont venus au contact du cortège, utilisant massivement des gaz lacrymogènes, avant même son arrivée à proximité du chantier de la bassine, « créant une mise en tension importante » relève la LDH.

Dans son rapport, le directeur général de la gendarmerie nationale Christian Rodriguez rapporte au contraire que « les premiers tirs de grenades lacrymogènes ont été effectués après sommation face à des cortèges d’individus qui participaient à une manifestation interdite ». Il précise aussi que dans « un milieu rural ouvert et venteux » les effets des lacrymogènes sont beaucoup moins « opérants ». Et certains participants étaient équipés pour s’en prémunir, si bien « qu’un usage proportionné d’emploi des grenades de désencerclement et des LBD a été effectué », ajoute Christian Rodriguez.

 Au total, 5015 grenades lacrymogènes ont été tirées, 89 grenades de désencerclement GENL, 81 tirs de LBD et « 40 dispositifs déflagrants ASSD », des grenades assourdissantes. L’Inspection générale de la gendarmerie nationale a été saisie pour deux tirs de LBD (présentés comme non touchants) depuis des quads.

La responsabilité peut-elle être renvoyée sur les organisateurs ?

La préfète des Deux-Sèvres estime que les organisateurs de la mobilisation avaient pour responsabilité d’assurer la sécurité des participants mais qu’il « n’a pas été possible, comme ce doit être le cas, de préparer conjointement un dispositif prévisionnel de secours partagé avec les organisateurs ». La manifestation était non déclarée et interdite. La préfète explique qu’un dispositif conséquent a néanmoins été mis sur pied par les services de l’Etat. Au plus fort de la crise, cinq équipages SAMU et 37 véhicules des pompiers étaient mobilisés sur le site de Sainte-Soline. « Les organisateurs ne pouvaient pas ignorer la violence qui se déchaînerait lors du rassemblement qu’ils avaient préparé », conclut-elle.

Sur sa page Facebook, le collectif Bassines non merci raconte une autre histoire. Celle de manifestants pacifiques qui ont marché six kilomètres dans « une ambiance festive, déterminée ». Le désarmement collectif d’une pompe du chantier et des actions paysannes de plantage de 300 mètres de haies et de montage d’une serre ont été réalisés sur le trajet pour dénoncer « l’accaparement de l’eau ».

Les organisateurs appellent à des rassemblements ce jeudi à 19 h devant toutes les préfectures et sous-préfectures, en soutien aux blessés de Sainte-Soline et à toutes « les victimes des violences policières ».