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Manchester City-Arsenal : Comment Arteta a patiemment remis Arsenal sur la carte du foot anglais

C’est l’histoire d’une des plus belles résurrections de ces dernières années dans le football. A la dérive totale depuis le départ d’Arsène Wenger à l’été 2018, dans un stade aux allures de cimetière, où les supporteurs avaient pris l’habitude de laisser leurs espoirs en passant les tourniquets, Arsenal est aujourd’hui plus vivant que jamais. Et si, après trois quarts de saison idyllique, les Gunners semblent subitement pris de vertige à mesure que le titre de champion leur tend les bras, le match de l’année contre Manchester City mercredi soir arrive à point nommé pour voir ce que les Baby Gunners ont dans le ventre.

Tout heureux de se retrouver en bord terrain à cette occasion pour commenter la soirée sur Canal +, Robert Pirès ne cache pas sa joie. « Le dernier titre d’Arsenal remonte à 2004, j’y étais, rendez-vous compte, ça fait une éternité ! Pour un tel club, c’est une anormalité et on est tous excités à l’idée qu’ils soient à nouveau en position de le gagner », s’enthousiasme l’ancien de la maison.

Arteta était déjà en balance avec Emery à l’époque

Si les supporteurs d’Arsenal ont eux aussi retrouvé goût à la vie, ils le doivent à un homme et un homme seulement : « Super Mikel Arteta », comme ils l’ont surnommé dans une chanson en son honneur. Pour sa première expérience en tant que numéro 1 sur un banc, dans son club de cœur, le disciple de Guardiola a réussi le pari fou de faire de ce bateau ivre un hors-bord rugissant. Pourtant, soyons honnêtes, pas grand monde ne l’imaginait hisser Arsenal à ce niveau en si peu de temps. Lui-même le disait modestement sur ESPN, il est un peu « en avance » sur le plan initial en cinq étapes proposé aux dirigeants d’Arsenal lors de son entretien d’embauche en décembre 2019.

Malgré un CV de coach aussi vierge que le palmarès d’Arsenal ces dernières années, les propriétaires n’ont pas hésité un seul instant à lui filer les clés du camion. Autrice de plusieurs ouvrages sur les Gunners, l’ancien journaliste du Guardian Amy Laurence, aujourd’hui à The Athletic nous raconte.

Les propriétaires avaient hésité à le prendre juste après Wenger, mais ils s’étaient finalement rabattus sur Unai Emery, plus expérimenté. C’était donc tout naturel pour eux de le prendre après le passage raté d’Emery. Il dégageait une grande confiance et avait une idée très précise de la manière dont il allait s’y prendre pour relever le club, explique Amy Lawrence. De plus, il a des principes très forts auxquels il ne déroge jamais, il donne l’impression d’avoir tout compris au job et ne dégage pas l’impression d’être un novice. Lors de leur discussion, ils se sont rendu compte qu’il avait la culture du club et une vision claire pour l’avenir. »

Une anecdote nous éclaire beaucoup sur le degré de confiance des propriétaires envers Arteta, et ce dès ses premiers mois au club. « Sur la porte du bureau d’Arsène Wenger il était écrit ‘Manager’, et quand il est parti et qu’Emery est arrivé, ils ont changé l’appellation pour la remplacer par « Head Coach ». Arteta a lui aussi hérité de ce titre mais, quand il a gagné la FA Cup, durant le Covid, après une première partie de saison catastrophique avec Emery, avec une équipe dans un état de délabrement total, ils se sont dits  »ok, il est encore plus fort qu’on ne le pensait » et ils ont remis l’écriteau « Manager » ! Pourquoi ? Parce qu’ils étaient persuadés que Mikel Arteta était la personne qui allait rendre au club ses lettres de noblesse. »

Des décisions fortes, un soutien total de sa direction

Dans les allées du centre d’entraînement d’Arsenal, il est courant d’entendre l’Espagnol comparer un club de foot à un bateau à rames dans lequel tout le monde doit trimer de concert sous peine de ne pas avancer. C’est ce qu’il s’est attaché à faire depuis son arrivée, en axant tout son management sur l’idée du collectif tout-puissant et l’unité coûte que coûte. Quitte à couper quelques têtes qui dépassent au passage, notamment celle de Pierre-Emerick Aubamyang, qu’il avait pourtant promu capitaine à son arrivée au club.

Après quelques largesses du Gabonais avec le règlement intérieur, Arteta juge l’ancien Stéphanois nocif pour son groupe et décide alors de le mettre à l’écart. L’annonce faite par Arteta devant ses joueurs restera l’une des scènes les plus marquantes du documentaire All or Nothing diffusée sur Prime Video. Dans ce docu, on voit d’ailleurs les dirigeants d’Arsenal n’ont pas levé le petit doigt pour défendre leur buteur star. Au contraire, ils ont suivi leur manager les yeux fermés et se sont démenés pour lui trouver une porte de sortie lors du mercato hivernal.

« C’est peut-être l’exemple le plus parlant du pouvoir qu’a Arteta dans ce club, juge Robert Pirès. Une fois qu’il a pris une décision qu’il juge la meilleure pour le bien du collectif, le club tout entier est derrière lui et personne ne vient lui mettre des bâtons dans les roues. Là, il a jugé qu’Aubameyang ne rentrait plus dans ses plans car il n’était plus dans l’esprit d’Arsenal, de l’institution, et il n’a pas hésité à lui montrer la porte. Mikel je le connais, c’est quelqu’un qui a beaucoup, beaucoup de caractère, qui est obstiné quand il a une idée derrière la tête, il ne fait aucune concession et il va jusqu’au bout de ce qu’il entreprend. »

La C1 en attendant le titre ?

Mais il lui a fallu du temps pour en arriver là avec son groupe. Alors qu’il sortait d’un exercice 2020-2021 terminé à une anonyme huitième place, Arteta a traversé une zone de turbulence incroyable l’été suivant, enchaînant trois défaites de rang pour débuter la saison 2021-2022, dont une peignée historique à domicile contre Manchester City (5-0). Au point que, fin août, les supporteurs et les médias britanniques ne donnaient pas cher de sa peau. Pourtant, loin de céder à la panique, les dirigeants décidèrent finalement de rien changer.

Plus tard, l’Espagnol décrira cette passade comme « les quinze meilleurs jours depuis que je suis dans le football ». La confiance affichée à la fois par ses dirigeants et ses joueurs en ce début de saison finirent en effet de le convaincre qu’il avait fait le bon choix en quittant le patronage de Guardiola à City. « Les dirigeants croient totalement en Arteta, ils ont foi indéfinissable en lui, sinon ils s’en seraient séparés à ce moment-là, abonde Amy Lawrence. La pression autour du club et des propriétaires était énorme, mais ils ont fait fi de tout ça, ils n’ont pas paniqué et l’avenir leur a donné raison. »

« Au début ça a été très compliqué, c’est clair, mais, au final les décideurs, dont Edu, le directeur sportif avec lequel il nourrit une très bonne relation, lui ont fait confiance et lui ont laissé le temps de construire une équipe à son image, complète Robert Pires. C’est une chose assez rare dans le football moderne et il faut le souligner. On a cru en lui et surtout on lui a donné les moyens de construire le projet qu’il avait élaboré en arrivant. Le club était un peu en ruine après le départ d’Arsène Wenger, il fallait repartir sur de nouvelles bases et ne pas se précipiter. »

Petit à petit, à force de mercatos réussis, de centaines de millions (bien) dépensés et d’un travail acharné au quotidien avec ses joueurs, le petit basque hyperactif a finalement réussi à remettre Arsenal sur la carte du métro londonien. Et à défaut de titre à la fin du mois de mai, le club est déjà assuré de se qualifier pour la prochaine Ligue des champions. Ce qui n’est plus arrivé aux Gunners depuis 2017.