France

« L’heure de l’Alsace viendra »… La sortie d’Emmanuel Macron n’a pas plu dans l’ancienne région

Une visite mouvementée. Voilà ce qu’a vécu Emmanuel Macron mercredi dernier dans le Bas-Rhin. Deux jours après son allocution télévisée où il appelait aux « 100 jours » d’apaisement et d’unité, le président de la République a surtout pu observer des scènes de tensions autour de sa visite, entre manifestants véhéments et concert de casseroles.

Un sujet aurait peut-être permis de mettre beaucoup de monde d’accord à Sélestat et Muttersholtz : la sortie de l’Alsace de la région Grand-Est. La question, épineuse, revient sans cesse depuis 2016 et la naissance de la région aux dix départements… Des propositions de loi ont été déposées par des députés et une consultation citoyenne a aussi été organisée, avec 92 % des 170.000 votants favorables à cette fameuse sortie.

Il y a une dizaine de jours, la Collectivité européenne d’Alsace (CeA) a même lancé une contribution pour savoir ce que « les habitants souhaitent faire » de cette éventuelle nouvelle région… Son président, Frédéric Bierry (Les Républicains), souhaitait alors surfer sur la prochaine grande loi de décentralisation prévue en 2024 et les derniers signaux positifs entrevus au plus sommet de l’Etat.

Mais tout ça, c’était avant mercredi ! Sur le terrain, Emmanuel Macron n’a pas évoqué le sujet, mais il est revenu dessus dans une interview accordée le soir même aux Dernières Nouvelles d’Alsace. « Je suis aussi attaché à ce que l’on ne crée pas de nouvelles divisions. Il faut de l’intelligence collective […] Je veux que les Alsaciens que j’aime, car je leur ai donné cette place, sachent que la région Grand-Est leur apporte beaucoup. C’est le cas notamment pour les transports, l’aménagement du territoire. C’est plus que ce que l’Alsace aurait pu faire seule. J’ai toujours soutenu le principe de différenciation territoriale, qui doit être au cœur de nos réflexions institutionnelles. Mais il faut essayer de tenir des solidarités entre nos territoires et la solidarité est importante. Il ne faut pas de débat qui divise sur ces sujets », dit-il dans ce qui ressemble donc à une position favorable au statu quo dans le Grand-Est.

« Une gifle cinglante à toute l’Alsace »

Une vraie désillusion pour les partisans d’une Alsace seule, qui multiplie depuis les critiques à l’encontre du président de la République. Les plus virulentes viennent sûrement d’Unser Land. « Au nom de son amitié avec M. Leroy (le président du Grand-Est), M. Macron vient d’envoyer une gifle cinglante à toute l’Alsace, laquelle l’avait pourtant plutôt soutenu jusqu’à présent », lance Jean-Georges Trouillet. Le président du mouvement autonomiste évoque « une monarchie présidentielle » et explique que « les Alsaciens doivent apporter leur contribution à restaurer une réelle démocratie dans ce pays ».

L’ancien candidat à la mairie de Strasbourg Jean-Philippe Vetter évoque, lui, « des propos d’un président hors sol » et parle de « camouflet ». « Pour les Alsaciens qui lui ont témoigné leur confiance […] et pour les parlementaires alsaciens et les élus régionaux de sa majorité qui défendent sans aucun doute l’Alsace avec sincérité mais ne sont manifestement ni entendus, ni respectés. »

L’un d’entre eux, le député Hubert Ott, a justement réaffirmé sa volonté « de faire la Collectivité européenne d’Alsace (CeA) une région de plein exercice ». « Ce travail auquel je m’étais engagé sans aucune ambiguïté lors de la campagne législative reste totalement d’actualité et je suis déterminé à tout faire pour qu’il aboutisse au cours de ce mandat », écrit l’élu Modem de la 2e circonscription du Haut-Rhin en appelant au calme. « Je suis intimement convaincu que l’intervention du Président de la République ne constitue en rien un obstacle à notre volonté alsacienne. En revanche, cette intervention propose une méthode et le souhait de voir ce travail s’accomplir dans le respect mutuel, l’écoute et la concertation afin que l’ensemble des territoires du Grand-Est actuel et leurs représentants trouvent une réponse juste et équilibrée à leurs attentes. »

Très attendus, les mots de Frédéric Bierry sont arrivés deux jours après la prise de position d’Emmanuel Macron. Comme si le président de la CeA les avait longuement pesés… « Je suis persuadé que la démocratie ne peut se régénérer qu’avec une nouvelle et véritable décentralisation dont l’Alsace sera légitimement le laboratoire. Quand l’heure de la réorganisation institutionnelle viendra, en 2024, l’heure de l’Alsace viendra. Il ne peut pas en être autrement si le Président de la République veut être au rendez-vous du renouveau démocratique qu’il appelle de ses vœux », écrit-il dans un communiqué au ton mesuré.

La question alsacienne n’a visiblement pas fini d’être débattue.