France

Les vols en jet privé repartent de plus belle en Europe, la France mauvaise élève

Le monde d’après-pandémie ne se construit pas sans les jets privés pour l’instant. Loin de là même en Europe, pointe Greenpeace dans un rapport ce jeudi. Il s’appuie sur une étude menée par CE Delft*, qui a regroupé tous les trajets faits par des avions privés au départ ou à l’arrivée d’un des 27 Etats de l’Union européenne mais aussi de la Norvège, la Suisse et le Royaume-Uni.

Le cabinet d’étude compte 572.806 vols effectués en 2022. Soit une augmentation de 64 % par rapport à 2021, année au cours de laquelle 350.078 vols avaient été comptabilisés. Cette hausse est plus vertigineuse encore en prenant pour point de départ 2020, lorsque la pandémie de Covid-19 était à son paroxysme. Le nombre de vols privés était tombé alors à 118.756 vols depuis ou vers l’Europe.

55 % des vols de 2022 inférieurs à 750 km

A l’image du secteur aérien en général, l’aviation privée semble petit à petit retrouver ses ailes. Une bien mauvaise nouvelle alors pour Greenpeace. « Cet essor des vols en jet privé est un scandale, à l’heure où l’on demande aux citoyens de faire des efforts pour limiter leur consommation d’énergie », estime Klara Maria Schenk, responsable de la campagne européenne Mobility for All de l’ONG. Elle pointe aussi les « conséquences désastreuses sur le climat » des jets privés. Le rapport renvoie à ce sujet sur les calculs de Transport & Environment. « Les jets privés sont cinq à quatorze fois plus polluants par passager que les vols commerciaux et cinquante fois plus polluant que les trains, évaluait cette fédération d’ONG européennes spécialisées sur les transports dans une étude de mai 2021. Certains jets privés émettent par ailleurs deux tonnes de CO2 par heure, alors que l’empreinte carbone moyenne dans l’UE était de 6,8 tonnes par personne en 2019. »

Toujours à partir de la base de données CE Delft, Greenpeace chiffre à 3.385 millions de tonnes la quantité de CO2 émis par les 572.806 vols, « soit les émissions annuelles moyennes de CO2 de 550.000 habitants de l’Union européenne », compare l’ONG. Evitable ? Largement pour Greenpeace. « 55 % de ces 572.806 vols de 2022 étaient des déplacements courts ou très courts, inférieurs à 750 km et qui auraient facilement pu être effectués en train », indique le rapport. Dans la liste des dix trajets les plus effectués par ces avions privés, figurent en première place Paris-Londres et, en troisième, Paris-Genève. Entre ces villes, il existe pourtant des liaisons ferroviaires de moins de 3h30 et proposant plusieurs allers-retours par jour.

Le top 10 des trajets européens les plus empruntés par les jets privés en 2022
Le top 10 des trajets européens les plus empruntés par les jets privés en 2022 – @Greenpeace

La France, mauvaise élève

Paris et Nice apparaissent à plusieurs reprises dans le top 10 des trajets européens les plus empruntés par les jets privés. « Entre 2021 et 2022, le nombre de vols en jet privé au départ de la France a augmenté de 55 % et les émissions générées ont augmenté de 93 %, pointe Greenpeace. En 2022, la France est le pays comptant le plus de vols en jet privé dans l’UE et a généré 11 % des émissions des jets privés en Europe. Ces 84.885 vols ont émis 383.100 tonnes de CO2, soit les émissions annuelles moyennes de 85.133 résidents français. »

Le sujet sera à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le 6 avril prochain alors que le groupe des députés écologistes entend mettre à profit sa niche parlementaire pour déposer une proposition de loi visant l’interdiction des vols en jet privés. L’interdiction concernerait les « services de transport aérien non réguliers de passagers ne faisant pas l’objet d’une exploitation commerciale », ainsi que les services non réguliers de transport aérien public « dont le nombre de passagers est inférieur à soixante ».

*CE Delft a construit une base de données pour ce projet qui contient des informations sur tous les vols au départ et à destination des pays de l’UE27, dont la Norvège, la Suisse et Royaume-Uni, précise le rapport. Les données de vol ont été fournies par le CIRIUM1 et incluent tous les vols privés/opérations de vols d’affaires au départ et à destination des pays européens. Les vols avec les avions de moins de trois sièges ont été exclus de l’analyse, ainsi que les vols vers et depuis les aéroports sans code IATA, et les vols qui arrivent au même aéroport qu’ils sont partis. Les raisons en sont que ces petits avions sont utilisés à des fins de loisirs ou de formation surtout. Les données de vol incluent les vols médicaux ou militaires, tant que ces vols ont été exécutés avec des aéronefs généralement utilisés dans l’aviation d’affaires.